Extraits du rapport Le Dain (Canada, 1973)

Rapport final de la Commission d'enquête sur l'usage des drogues à des fins non médicales

Rapport final de la Commission d'enquête sur l'usage des drogues à des fins non médicales

Conclusions et recommandations de la commissaire Marie-Andrée Bertrand, sous la présidence de l'honorable Gérald Le Dain, 14 décembre 1973.

INTRODUCTION

Je tiens d'abord à souligner que je suis entièrement d'accord avec mes collègues pour limiter, contrôler et réduire le plus possible l'usage des drogues fortes au Canada. Je suis aussi soucieuse qu'eux de restreindre l'usage des stupéfiants et des hallucinogènes forts et d'en empêcher la diffusion dans des secteurs intouchés de la population. Non seulement suis-je d'accord avec eux quant à la fin, mais je serais plus sévère quant aux moyens, pour ce qui est de la fabrication et du trafic illicite des drogues fortes. Je proposerai aussi des peines plus sévères et d'autres mesures qui me paraissent mieux adaptées à la lutte contre l'importation et le trafic.

Je m'entends donc avec mes collègues sur le but à poursuivre : réduire l'usage des drogues fortes, mais je ne suis pas d'accord avec eux quant aux mesures à prendre pour y parvenir. Je ne crois pas que la meilleure façon de restreindre l'usage des drogues fortes soit de conserver les lois actuelles qui font un délit de la possession des stupéfiants et des hallucinogènes forts. Je ne puis non plus me rallier à la recommandation que les toxicomanes soient astreints à des traitements.

Bref, pour ce qui est des usagers des drogues fortes, ma position s'écarte de la leur sur deux points : le maintien du délit de simple possession de stupéfiants et d'hallucinogènes forts (en vertu de la Loi sur les stupéfiants et de la Partie IV de la Loi des aliments et drogues), l'internement des toxicomanes afin de leur faire subir des traitements, soit l'application à un individu contre son gré de mesures destinées à modifier ses habitudes et son mode de vie.

Je vais d'abord expliquer mon opposition au maintien du délit de simple possession de drogue, même s'il s'agit de drogues fortes ; je vais ensuite donner les motifs pour lesquels je regrette le recours à la procédure pénale pour soumettre les toxicomanes à des traitements.

Je proposerai ensuite des mesures, qui me paraissent plus indiquées que le recours au droit pénal, à l'égard des usagers. J'exposerai notamment certains programmes éducatifs et thérapeutiques qui, à mon avis, devraient remplacer les sanctions pénales. Je proposerai enfin des contrôles et d'autres mesures qui pourraient s'appliquer aux trafiquants et aux importateurs de drogues.