Le cannabis porte atteinte à la fonction cognitive

Utiliser des preuves pour parler du cannabis

  1. Bien qu’il existe des preuves modérées que l’usage soutenu du cannabis à un jeune âge est associé à des atteintes à la fonction cognitive, les preuves scientifiques comportent des brèches en ce qui a trait à la gamme complète des effets et à leur caractère réversible. Cette affirmation générale doit donc être clarifiée et faire l’objet de recherche plus approfondie. De plus, même lorsque la recherche suggère que consommer du cannabis peut avoir certains impacts sur le cerveau, cela ne sera pas le cas de tous les utilisateurs dans toutes les situations.
  1. Il n’est pas surprenant que les preuves démontrent que durant l’intoxication, l’usage du cannabis a des effets marqués sur les fonctions cognitives comme l’apprentissage et la mémoire (Crane, Schuster, Fusar-Poli et Gonzalez, 2013). Certaines études scientifiques ont observé des associations entre l’usage de cannabis plus soutenu, à long terme, et les atteintes aux aspects cognitifs comme la mémoire, l’attention et l’apprentissage verbal, en particulier lorsque l’usage commence à l’adolescence (W. Hall, 2014; Volkow, Baler, Compton et Weiss, 2014). Ces études ont toutefois rapporté des résultats différents en ce qui concerne la permanence des ces atteintes. Dans l’état actuel de la recherche scientifique, il est trompeur d’affirmer simplement que le cannabis mène à une diminution de la fonction cognitive.
  1. Les allégations quant à l’impact de l’usage du cannabis sur les fonctions cognitives sont parfois accompagnées d’affirmations que l’usage mène à l’échec scolaire, au chômage plus tard, aux problèmes de satisfaction dans la vie et à d’autres mauvais résultats ou méfaits psychosociaux. Les scientifiques n’ont toutefois pas été en mesure d’éliminer toutes les autres explications possibles, et les preuves sont faibles en ce qui concerne une association nette entre l’usage de cannabis et ces résultats (Fergusson et Boden, 2008; Townsend, Flisher et King, 2007). Il faut également noter qu’un examen systématique de toutes les études scientifiques longitudinales sur ce sujet a conclu que les preuves ne soutenaient pas une relation causale entre l’usage de cannabis par les jeunes et divers méfaits psychosociaux (Macleod et autres, 2004).

État de la preuve

On s’inquiète du fait que l’usage de cannabis, particulièrement lorsqu’il commence à l’adolescence, pourrait mener à diverses formes de déficit cognitif. Une publicité récente de Santé Canada, par exemple, affichait à l’écran les mots « perte de mémoire » et « problèmes d’apprentissage » (Santé Canada, 2014). Le National Institute on Drug Abuse des États-Unis a averti les parents que l’usage de cannabis « a des effets négatifs sur l’attention, la motivation, la mémoire et l’apprentissage qui peuvent persister une fois que les effets immédiats de la drogue se dissipent – particulièrement chez les utilisateurs réguliers » (NIDA, 2014). Bien qu’il existe des preuves modérées que l’usage soutenu de cannabis à un jeune âge est associé à certains déficits cognitifs, nos connaissances comportent des brèches en ce qui a trait à la gamme complète des effets et à leur caractère réversible.

La somme des études sur les effets de l’usage du cannabis sur les fonctions cognitives et sur les résultats qui y sont reliés est vaste, mais très mitigée. Des examens récents par Volkow et Hall résument un certain nombre d’études qui rapportent des associations entre l’usage de cannabis soutenu, à long terme, et les atteintes aux aspects cognitifs comme la mémoire, l’attention et l’apprentissage verbal (W. Hall, 2014; Volkow et autres, 2014). Crane et ses collègues ont aussi réalisé un examen exhaustif et noté que des études récentes et anciennes avaient démontré que les effets aigus de l’intoxication au cannabis (c.-à-d. être présentement « gelé ») sont associés à des baisses à court terme de l’apprentissage et de la mémoire, une conclusion prévisible étant donné que ces effets se produisent durant l’intoxication (Crane et autres, 2013). De plus, même si des diminutions de la fonction cognitive ont été observées, Hall et ses collègues notent que « l’on ne sait toujours pas si la fonction cognitive se remet complètement après l’arrêt de l’usage à long terme du cannabis » (Hall, 2014). En général, les conclusions des études ont manqué d’uniformité quant à la nature des différents déficits cognitifs reliés à l’usage du cannabis ainsi qu’à leur persistance dans le temps.

Il faut ajouter que les affirmations sur l’effet de l’usage du cannabis sur le fonctionnement cognitif semblent reliées à d’autres affirmations touchant le rendement scolaire et les fonctions sociales, c’est-à-dire que l’on affirme aussi souvent que l’usage du cannabis mène à l’échec scolaire, au chômage plus tard, à des problèmes liés à la satisfaction dans la vie et à d’autres résultats médiocres ou dommages psychosociaux. Les preuves sont plus faibles en ce qui concerne une association causale nette quant à ces questions (Fergusson et Boden, 2008; Townsend et autres, 2007). C’est parce qu’il est impossible de contrôler complètement toute une gamme de facteurs confusionnels potentiels, comme l’usage d’autres substances ou le statut socioéconomique, qui peuvent jouer un rôle dans les relations observées. Il est à noter particulièrement qu’un examen systématique de toutes les études scientifiques longitudinales évaluées par les pairs à ce sujet a conclu que les preuves ne soutenaient pas une relation causale entre l’usage de cannabis par les jeunes et divers méfaits psychosociaux (Macleod et autres, 2004). En effet, un examen par Verweij et ses collègues s’est penché sur la performance scolaire parmi un échantillon de jumeaux (Verweij et autres, 2013). Hall et ses collègues offrent le résumé suivant :

Une analyse de jumeaux détonnant dans leur usage du cannabis jeune [p. ex., l’un en utilisait et l’autre non] n’a observé aucune différence dans le risque d’abandon scolaire entre les jumeaux qui utilisaient le cannabis et ceux qui ne l’utilisaient pas, ce qui suggère que l’association s’expliquait par des facteurs de risque génétiques et environnementaux. Ces conclusions sont appuyées par deux analyses précédemment réalisées sur les données de l’étude américaine sur les jumeaux. (Hall, 2014)

Le manque d’uniformité des études scientifiques à ce sujet est probablement relié aux différences méthodologiques des études (p. ex. quant aux échantillons, aux doses, et à l’historique d’usage de cannabis), ainsi qu’au manque d’adaptation adéquate pour les facteurs confusionnels. Hall et Crane notent tous deux qu’avec le temps, les études dans ce domaine sont devenues plus systématiques et plus solides au plan méthodologique (Crane et autres, 2013; Hall, 2014). Présentement, cependant, il existe peu de preuves que le cannabis cause des déclins irréversibles à long terme de la fonction cognitive, par opposition à la dysfonction inévitable reliée à l’intoxication.


Références
  1. Crane, N.A., Schuster, R.M., Fusar-Poli, P., Gonzalez, R., 2013. Effects of cannabis on neurocognitive functioning: Recent advances, neurodevelopmental influences, and sex differences. Neuropsychology Review 23, 117-137.
  1. Fergusson, D.M., Boden, J.M., 2008. Cannabis use and later life outcomes. Addiction 103, 969 976.
  1. Hall, W., 2014. What has research over the past two decades revealed about the adverse health effects of recreational cannabis use? Addiction 110, 19-35.
  1. Macleod, J., Oakes, R., Copello, A., Crome, P.I., Egger, P.M., Hickman, M., Oppenkowski, T., Stokes-Lampard, H., Smith, G.D., 2004. Psychological and social sequelae of cannabis and other illicit drug use by young people: A systematic review of longitudinal, general population studies. The Lancet 363, 1579-1588.
  1. Townsend, L., Flisher, A.J., King, G., 2007. A systematic review of the relationship between high school dropout and substance use. Clinical child and family psychology review 10, 295-317.
    Volkow, N.D., Baler, R.D., Compton, W.M., Weiss, S.R.B., 2014. Adverse effects of marijuana use. New England Journal of Medicine 370, 2219-2227.