Le droit d'être fiers, quand?
Aujourd'hui (17 mai), c'est la journée contre l'homophobie. C'est une journée importante pour moi car je fais parti de cette minorité que le gouvernement libéral est fier de protéger. Dans une démocratie comme la nôtre, il est important que l'État vienne se poser en défenseur des minorités, surtout dans le cas d'un sujet controversé dans la population. Les questions ayant trait aux marginaux ne devraient pas attendre l'approbation de la majorité pour être traitées, tel qu'il a été fait avec le bill Omnibus (1968/1969). Encore aujourd'hui, ce n'est pas 100% des Canadiens qui voudraient reconnaitre des droits et une dignité égales au gens homosexuels, à moi.
Il faut bien comprendre qu'en rapprochant ces deux situations, je n'essaie pas d'enlever l'importance ou la gravité de la situation des droits LGBTQA, ça serait inconséquent car j'en suis. La situation des personnes transgenres est particulièrement inquiétante, chaque jour, elles sont menacées dans leur intégrité physique et mentale, forcées au chômage car les employeurs discriminent sans y penser deux fois. L'incendie criminel contre la clinique de réassignation de sexe dans mon quartier est un acte violent et inquiétant.
Une amie me confiait qu'elle préférerait que le gouvernement réforme le mode de scrutin à la place de s'intéresser à la cause du cannabis. J'ai pris pour acquis que son manque de considération pour moi était accidentel, car disons que de passer de criminelle, de junkie dont la parole ne vaut pas un sous, à citoyenne ordinaire ça changerait ma vie! Personnellement, la liberté d'aimer, la liberté de fumer et une meilleure représentation politique sont toutes des choses qui me tiennent à coeur et je ne crois pas qu'il faudrait imposer une hiérarchie aux progrès sociaux que nous tentons de faire se réaliser. Toutes les causes sociales sont également importantes. Classifier l'urgence des causes sociales est comme un compromis envers les gens qui voudraient voir maintenu le statut quo, c'est entrer dans leur jeu qui tente de nous limiter, de conserver des groupes minoritaires dans un état de précarité juste parce qu'ils ne fittent pas dans leur idée très réduite de ce qu'est la vie humaine. Le progrès social n'est pas un nanane que le gouvernement peut nous distribuer à loisir, c'est quelque chose qui nous est dû !
Je trouve intéressant de rapprocher les deux situations car il s'agit de la liberté d'adultes consentants que des groupes conservateurs voudraient contrôler ou supprimer sur la base de l'ignorance. L'homosexuel était jadis associé à la maladie et la criminalité ce à quoi font face les amateurs de pot d'aujourd'hui. Personne ne devrait avoir peur d'embrasser qui il veut et de fumer ce qu'il veut, même sur la rue. Il faut quand même souligner que la consommation de pot est un choix mais que l'orientation sexuelle ou l'identité de genre n'en n'est pas un.
Pour la personne homosexuelle ou la personne qui fume du cannabis, il y a un coming out à se faire, à soi même et aux autres ensuite. On s'imagine «normal» et fumer du cannabis, n'est pas la norme, alors que son usage est répandu dans la population mondiale. Il faut s'accepter, rejeter les stéréotypes qu'on a internalisés et ne pas s'affoler des aspects de nous qui leur correspondent arbitrairement. Par exemple, j'ai toujours été une personne créative, lunatique et procrastinatrice, tous des supposés traits du consommateur de «drogues».
Quand j'étais ado, je pensais qu'une personne consommatrice de cannabis, faisait pitié car elle se faisait du mal, je ne le pense plus car j'ai plus d'expérience dans la vie. Dans les concerts, j'avais peur que les fumeurs de pot se fassent arrêter ou expulser, je les jugeais de prendre ce risque et d'avoir peu d'égard pour leur santé physique et psychique. Je ne savais pas que c'était toléré dans certains milieux tellement on m'en a fait un portrait négatif. J'ai découvert que l'industrie de la musique est plus ouverte sur la question des drogues, pour le meilleur et pour le pire. Maintenant, je sais que les personnes fument pour se faire du bien, généralement. En plus, il y avait toutes sortes de rumeurs infondées à propos du cannabis qui circulaient parmi les jeunes, à mon école.
J'ai l'impression que beaucoup de personnes vivent des trips désagréables car ils se jugent durement par rapport à leur choix de fumer même si le cannabis a un côté euphorique et relaxant.
J'aimerais que tous puissent vivre un high sans culpabilité ou anxiété, sans que la petite voix d'un proche ou de la société vienne perturber leur expérience.
Il y a tant de personnes qui seraient mal à l'aise que leur parents sachent qu'ils fument, même étant adultes, alors que ça n'a pas lieu d'être. Parfois, un parent et un enfant adultes vont fumer chacun de leur côtés ayant peur du jugement de l'autre.
Je ne comprends pas pourquoi il faut attendre encore une année pour commencer à changer le stigma. La loi se change plus facilement que les mentalités, s'il y a décriminalisation, il faudra attendre plusieurs années avant que ce changement fasse sa marque dans la société.
Dans un an... Dans un an... On verra si on pourra être fiers et puis combien ça va nous coûter d'être libres.
Crédit image : Emilie Côté B.
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