La Cour suprême tranche : la possession simple de mari reste un délit

Le Soleil, mercredi 24 décembre 2003, p. A1
Gaudreau, Valérie

Fumer ou posséder du pot, même en petite quantité, reste illégal. Dans un jugement à six juges contre trois, la Cour suprême du Canada statue que criminaliser la possession simple de marijuana ne contrevient pas à la Charte des droits et libertés. Du coup, elle renvoie le débat dans l'arène politique.

«Nous arrivons à la conclusion que le Parlement a le pouvoir de légiférer pour criminaliser la possession de marijuana s'il juge opportun de le faire», peut-on lire dans le jugement de la Cour suprême, rendu hier. Des neuf juges, trois francophones, Louis LeBel, Louise Arbour et Marie Deschamps ont exprimé des dissidences.

En somme, ce jugement se trouve à conserver intactes les peines actuelles imposées aux amateurs de cannabis. À l'inverse, la Cour suprême lance un message à l'effet que si le gouvernement veut assouplir les règles, qu'il change la loi.

Et c'est justement ce que s'apprête à proposer le nouveau premier ministre, Paul Martin, qui a confirmé vouloir présenter un projet de loi sur la décriminalisation de la marijuana. Ce projet prévoit entre autres que les personnes prises avec 15 grammes de marijuana ou moins se verront imposer des contraventions plutôt qu'un casier judiciaire.

«La Cour suprême confirme qu'il revient au Parlement de décider. La décision amène de la clarté et ça nous permet de continuer comme on voulait», affirme Mario Laguë, le directeur des communications de Paul Martin. «Des comités continueront d'étudier la question et nous irons de l'avant», poursuit-il.

La balle est donc dans le camp du gouvernement qui devra sous peu composer avec ce controversé projet de loi. Déjà, l'Alliance canadienne et les services de police ont fait part de leurs craintes, tandis que le Nouveau Parti démocratique a donné son accord au projet.

«Criminaliser la possession simple est ridicule. Il faut plutôt bien informer les citoyens comme c'est le cas pour l'alcool et le tabac», a soutenu hier la députée néo-démocrate de Vancouver-Est, Libby Davies, en entrevue téléphonique.

Réactions

Cette décision constitue une défaite pour les militants procannabis. Particulièrement pour les trois accusés dont David Malmo-Levine, un militant pour la légalisation de la mari originaire de la Colombie-Britannique. «En toute déférence, nous estimons que la décision de M. Malmo-Levine de centrer son mode de vie sur la consommation récréative de marijuana ne bénéficie pas de la protection de la Charte, lui ont rétorqué les juges. Il n'existe pas en soi de droit constitutionnel de fumer du cannabis à des fins récréatives.»

Les deux autres accusés sont Christopher Clay et Victor Caine. Les juges ont rejeté leur prétention selon laquelle Ottawa ne pouvait pas criminaliser la possession de marijuana, puisqu'elle n'est que peu préjudiciable à autrui.

Pour le Bloc Pot, l'aile provinciale du Parti marijuana qui milite pour la légalisation du cannabis, le jugement montre bien que «la voie des tribunaux est maintenant bloquée, from coast to coast».

Qualifiant la position de la Cour suprême de «très conservatrice», son chef Hugo Saint-Onge n'a pas caché sa déception. «Ça confirme qu'il faut continuer notre lutte», dit-il. Le chef du Bloc Pot n'est pas tendre non plus envers le projet de loi proposé par le gouvernement. Selon lui, cette loi ne ferait qu'augmenter les amendes pour les fumeurs en donnant plus de pouvoir à la police. Pour le parti, la solution réside dans la légalisation pure et simple. «Comme Pierre Elliott Trudeau disait que le gouvernement n'a pas d'affaire dans notre chambre à coucher, on dit qu'il n'a pas d'affaire dans notre jardin ou dans notre cendrier.»

Réaction tout autre du côté de l'Association canadienne de la police professionnelle (ACPP) qui, dans un communiqué publié hier, s'est réjouie de la décision de la Cour suprême.

«Les décisions d'aujourd'hui transmettent au moins un message clair relativement à la légitimité de nos lois actuelles à l'égard de la marijuana. Les tenants de la consommation légale de marijuana ont tenté le sort en interjetant appel auprès de la plus haute cour du Canada et cette dernière s'est prononcée contre leurs requêtes», note Tony Cannavino. Le président de l'ACPP affirme qu'elle maintiendra son opposition à toute législation en faveur de la décriminalisation avant qu'une stratégie nationale antidrogue ne soit en place.