Nouveau sursis accordé aux géants du tabac canadiens

après avoir été condamnées, au Québec, à verser 15 milliards de dollars à 100 000 victimes du tabagisme dans cette province.

Jean-Philippe Nadeau

Publié le 20 février 2020

Trois géants de l'industrie du tabac au Canada obtiennent un nouveau sursis contre leurs créanciers devant les tribunaux ontariens.

Les compagnies Imperial Tobacco Canada, JTI-Macdonald et Rothmans, Benson & Hedges s'étaient placées sous la protection de la loi sur les arrangements avec les créanciers en mars 2019 après avoir été condamnées, au Québec, à verser 15 milliards de dollars à 100 000 victimes du tabagisme dans cette province.

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Les trois entreprises et leurs créanciers, ainsi que les neuf provinces anglophones et les victimes québécoises du tabagisme, ont maintenant jusqu'au 30 septembre pour parvenir à une entente (le Québec n'est pas représenté dans cette cause, NDLR).

Les trois géants du tabac ont donc sept mois pour éviter la faillite. La dernière échéance avait été fixée au 12 mars prochain.

En accordant une protection aux trois compagnies à l'époque, le juge Glenn Hainey de la Cour supérieure de l'Ontario avait décidé en même temps de suspendre toutes les poursuites judiciaires contre les compagnies de tabac au Canada.

La poursuite de l'Ontario est pour l'instant évaluée à elle seule à 330 milliards de dollars.

Les avocats des trois compagnies ont déclaré jeudi matin à Toronto que les négociations allaient bon train et que des progrès significatifs étaient en voie d'être accomplis.

Dans sa décision, le juge Thomas McEwen de la Cour supérieure de l'Ontario affirme que cette nouvelle prorogation permettra de préserver le statu quo. Ce délai est donc raisonnable et ne cause aucun préjudice aux différentes parties dans cette cause, dit-il.

Même la défense des 100 000 victimes du tabac au Québec est d'accord avec ce nouveau délai, mais elle rappelle qu'il y a urgence d'en arriver à une résolution.

Mark Melan affirme que les malades continuent de mourir à un rythme alarmant et nous croyons qu'une entente est possible avant la date butoir du 30 septembre.

Ce cinquième report ne fait toutefois pas l'affaire de tous. La Société canadienne du cancer affirme que la santé publique n'est pas suffisamment au centre de ce processus de restructuration financière. Son avocat, Rob Cunningham, accuse les géants du tabac de mesures dilatoires.

Ils ne veulent pas payer, ils veulent payer le minimum possible, mais s'il n'y a pas de mesures pour la santé publique qui sont importantes et efficaces dans l'entente, on ne devrait alors pas avoir d'entente.

Rob Cunningham, Société canadienne du cancer

Me Cunningham, dont la Société n'a qu'un statut d'observateur, ajoute qu'il aimerait plus de transparence dans ce processus complexe dont les négociations sont confidentielles. Il est donc impossible de savoir si la santé publique est l'un des enjeux dans ces pourparlers, explique-t-il à l'extérieur du tribunal après l'audience.

Le groupe des Médecins pour un Canada sans fumée se dit également déçu. Son directeur de la recherche, Neil Collishaw, précise que les ministres de la Santé des provinces et du gouvernement fédéral manquent de vision à long terme.

Nos ministres de la santé auraient dû donner une direction plus forte pour protéger la santé publique des Canadiens dans le futur, en se servant de ce processus [de restructuration] pour y arriver.

Neil Collishaw, Médecins pour un Canada sans fumée

Il ne suffit pas seulement de récupérer selon lui l'argent que les provinces ont dépensé depuis 30 ans dans les soins aux malades du tabagisme, mais d'utiliser cet argent pour prévenir d'autres maladies du tabac au pays et d'éradiquer l'accoutumance au tabac pour de bon.

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La Société canadienne du cancer aimerait qu'une éventuelle entente porte sur le financement de la lutte contre le tabagisme au Canada, l'élimination de toute promotion du tabac et de ses produits dérivés, le contrôle des lobbys du tabac par les gouvernements et la publication des rapports des compagnies canadiennes de tabac.

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