Décès du Pr Gabriel Nahas ! Sa haine du cannabis n'avait d'égale que son goût du procès...
Décès du Pr Gabriel Nahas, résistant et spécialiste du cannabis
PARIS - Le Pr Gabriel Nahas, ancien résistant et professeur de médecine, connu pour ses positions controversées sur les dangers du cannabis, est décédé jeudi à New York où il résidait à l'âge de 92 ans, a annoncé mardi sa famille dans le carnet du Figaro.
Ses obsèques auront lieu vendredi au cimetière protestant de Puylaurens (Tarn), précise l'avis.
Né en 1920, Gabriel Nahas avait appartenu durant l'Occupation au maquis de Vabre (Tarn), rattaché à l'Armée secrète, et dans lequel furent formés des centaines de résistants armés destinés à appuyer le débarquement allié de juin 1944 en Normandie. Au sein de ce réseau, il avait organisé une filière d'exfiltration vers l'Espagne de pilotes américains et britanniques abattus sur le sol français.
Professeur de médecine à l'université de Columbia, directeur de recherches à l'Inserm et président de l'Alliance française contre la toxicomanie, le Pr Nahas avait défendu dans les années 80 et 90 des thèses controversées sur les dangers du cannabis sur la santé. Il soutenait que le cannabis est un toxique qui augmente l'incidence des maladies mentales, a un pouvoir cancérigène supérieur à celui du tabac et un potentiel d'abus trois fois supérieur à celui de l'alcool.
Gabriel Nahas était titulaire d'une impressionnante série de décorations obtenues au titre de la Résistance : commandeur de la Légion d'honneur, Croix de guerre 39-45 avec trois palmes, presidential Medal of freedom avec palme d'or (USA) ou chevalier de l'ordre de l'Empire britannique.
(©AFP / 03 juillet 2012 15h14)
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La croisade du professeur Nahas ... ou l’art de la désinformation
Soumis par Zappiste le 11 février 2012 - 12:37pm
Catégories : Débat sur les médias
http://forum.doctissimo.fr/sante/cannabis/nahas-sujet_146259_1.htm
La croisade du professeur Nahas
... ou l’art de la désinformation
Quelle est l'origine des campagnes sur "la toxicité du cannabis" ? Il nous a semblé intéressant d'y aller voir. Nous n'avons pas été déçus...
Le professeur Nahas n'est pas un scientifique comme les autres : avant même de commencer ses recherches, il savait déjà ce qu'il allait trouver. Son premier projet de recherche, à l'université de Columbia aux États-Unis, dans les années cinquante, était en effet destiné, selon ses propres termes, “à prouver le très grand danger de la marijuana dans tous les domaines de la biologie". Tout est dans ce mot : prouver. Non pas chercher, mais prouver.
D'ailleurs, le professeur Nahas n'en fait pas mystère : “ Je suis un ennemi du cannabis, et je lutterai contre le cannabis par tous les moyens.” Et de fait, dans cette lutte, tous les moyens sont bons.
Car le combat contre le cannabis, présenté comme un combat pour la santé publique, est en réalité bien autre chose : c'est un combat pour des valeurs qui n'osent pas s'afficher au grand jour. Si bien que, d'emblée, le débat, si débat il y a, est faussé : on ne débat jamais du fond.
Ceux qui se battent pour ce système de valeurs qui n'ose pas dire son nom sont cependant si sûrs de leur supériorité morale que la fin leur semble justifier les moyens. Quant aux buts, il est, lui du moins, clairement défini : extirper hors de la société occidentale, et si possible à l'échelle planétaire, le cannabis, preçu comme une menace. Il faut avoir cela à l'esprit pour mesurer la portée des petites phrases qui parsèment les publications du professeur Nahas : selon lui, les fumeurs de joints "perdent tout intêret pour des objectifs valables". Valable renvoie à "valeurs". Mais les valeurs en question ne sont jamais explicitées, car elles risqueraient trop de ne pas faire l'unanimité.
Mieux vaux se battre sur un autre terrain, qui présente l'avantage d'une apparente neutralité : celui de la science. Car si chacun se forge son propre système de valeurs, la science est censée reposer sur des faits. Elle est donc, en principe, acceptable par tous. Et elle présente un avantage supplémentaire : celui d'être hermétique. Si bien que le grand public est obligé d'accepter comme parole d'évangile les résumés d'études scientifiques qu'on lui livre.
LA SCIENCE MALTRAITÉE
Comment le grand public pourrait-il savoir que, dès 1975, l'université de Columbia convoquait une conférence de presse dans l'intention de se désolidariser publiquement des recherches de Gabriel Nahas sur la marijuana ? Sauf à mener une enquête, comment savoir qu'un bon nombre des études sur lesquelles il s'appuie ont été discréditées aux États-Unis et ailleurs pour des fautes méthodologiques si graves qu'elles frôlent l'imposture ?
Les exemples abondent. Nous n'en prendrons qu'un, pour illustrer la façon dont des études apparemment scientifiques sont utilisées pour vulgariser des notions qui n'ont rien de rationnel. Il faut savoir que l'expérience en question et d'autres du même accabit sont toujours citées par Nahas et les siens comme preuve que le cannabis entraîne des dommages cérébraux irréversibles.
Dans cette expérience, on a appliqué sur le visage de malheureux singes de laboratoire un masque à gaz, afin de leur faire respirer de la fumée de cannabis. Puis les singes ont été sacrifiés et l'on a constaté sur eux des dommages cérébraux. L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais elle a une suite édifiante : des chercheurs indépendants, intrigués par ces résultats qui ne concordent pas avec la masse des recherches, se sont acharnés des années durant pour connaître la procédure de cette expérience. Et ils ont ainsi découvert que les singes en question n'avaient eu pour tout air à respirer pendant cinq minutes que la fumée équivalant à la combustion de soixante-trois joints ! Sibien que les animaux étaient en réalité victimes d'asphixie... et que la fumée de bois aurait entraîné les mêmes dommages cérébraux.
Dans une autre étude, citée elle aussi pour démontrer que le cannabis entraîne des dégats cérébraux, on a injecté à des rats du THC pur, à des doses correspondant à mille deux cent fois les doses absorbées par un fumeur de cannabis ! Si ces expériences démontrent quelque chose, c'est bien en réalité la remarquable absence de toxicité du cannabis : pareille dose de n'importe laquelle de nos drogues licites, nicotine, alcool, ou même caféine, est immédiatement fatale à l'animal auquel on l'injecte.
"Un expert ne fait autorité que lorsqu'il est l'allié du pouvoir", écrivent justement Stengers et Ralet. Et le professeur Nahas sert si parfaitement la politique prohibitionniste des pays industrialisés qu'on lui fait une place en or : il a longtemps été conseillé spécial de la commission des drogues de l'OMS.
Bien entendu, l'attribution de ce poste ne signale nullement un quelconque mérite scientifique. Il répond au contraire à une nécessité politique : les pays occidentaux ont impérativement besoin de quelqu'un qui fasse contrepoids, du haut de sa "science", aux pays arabes, par tradition tolérants au cannabis mais hostiles à l'alcool.
Cette position à l'ONU (qui lui conférait aussi la direction des rapports annuels) a valu au professeur Nahas un indéniable prestige — sans parler du pouvoir de distribuer les fonds destinés à des recherches allant dans la direction appropriée.
Dans les années quatre-vingt, discrédité aux États-Unis, Gabriel Nahas s'est rabattu sur la France. En sa position de conseiller de Jacques Chirac sur les questions de drogues illicites, il a remporté quelques belles victoires. Et s'apprête à en remporter d'autres.
UN COLLOQUE DÉTOURNÉ
En avril 1992, guidée par l'expertise de Gabriel Nahas, la Mairie de Paris organisait, à l'Académie nationale de médecine, un colloque sur les drogues illicites. Après les allocutions d'usage, la séance de travail démarrait (à tout seigneur tout honneur) par un présentation de Gabriel Nahas sur la toxicité du cannabis. Présentation qui reprend, bien sûr, les thèmes habituels, assortis des preuves habituelles.
Le lecteur curieux peut d'ailleurs se procurer le texte de ces interventions, sous le titre Textes et documents auprès de la Mairie de Paris. Il y trouvera, outre la prose de Nahas (détail amusant, sa bibliographie renvoie pour une bonne part... à ses propres œuvres), des contributions diverses dont certaines, comme celle de F.-R. Ingold et M. Toussirt, sont fort intêressantes.
Mais qu'importent les autres contributions ? Ce qui compte pour Gabriel Nahas, c'est que ce colloque ait eu lieu, lui permettant une fois de plus de se poser comme expert auprès des observateurs non avertis. Ce qui compte, c'est la prétendue caution scientifique que les croisés de la guerre contre le cannabis tirent d'un tel colloque.
Il faut lire, à l'avant-dernière page, les conclusions générales du colloque, par le professeur Henri Baylon, président de l'Académie de médecine — conclusions qui ne font que reprendre les stéréotypes de la doctrine officielle, et qui en viennent même à oublier que le colloque portait sur l'ensemble des drogues illicites et non sur le seul cannabis. Pour aperçu :
• "La toxicité du cannabis est aujourd'hui bien établie, en particulier pour le système nerveux central." Faux ! Voir à ce sujet l'interview de Jean-Pol Tassin, page 8.
• "Les consommateurs de cannabis, dans une proportion importante, deviennent un jour consommateurs de cocaïne ou d'héroïne." Faux ! Les spécialistes de tous bord, y compris l'ineffable docteur Curtet, situent ce chiffre aux alentours de 4%.
• "Là où une libéralisation de l'usage du cannabis a été réalisé, on a assisté à une augmentation considérable de sa consommation et des accidents consécutifs." Faux ! En Hollande, avec vingt-cinq ans de recul, on n'a assisté à aucune augmentation ne de la consommation ni d'aucun type d'accident. Et dans les États américains qui ont dépénalisé, on a même enregistré une baisse de la consommation.
Encore une fois, le but d'un tel colloque n'est pas de faire progresser la science, mais de doter les croisés anti cannabis d'armes efficaces.
Lorsque les actes du colloque furent publiés, on vit sortir de l'ombre une Alliance nationale contre la toxicomanie, qui organisa une conférence de presse. C'était au mois d'avril. Un communiqué de presse fut diffusé. Première remarque, le nom même du colloque y est transformé : de "Colloque scientifique international sur les drogues illicites", il est devenu "Colloque sur la physiopathologie du cannabis". Étrange tour de passe-passe qui relève, une fois de plus, de la falsification. Aussi ne sera-t-on pas étonné d'apprendre que l'Alliance nationale contre la toxicomanie est présidée par... Gabriel Nahas.
Parmi la liste des invités présents, on s'étonnera pas non plus de trouver Jean-Paul Séguéla, conseiller pour la toxicomanie du ministère de l'Intérieur (lequel s'est distingué en évoquant le fameux "syndrôme frontal de latéralisation gauche" qui frappe les fumeurs de cannabis).
LE MINISTRE DE LA SANTÉ LUI-MÊME
Le communiqué de presse diffusé pour l'occasion, mentionne une expérience indiquant "un déficit psychomoteur chez les pilotes d'avion en simulateur de vol, mesurable vingt-quatre heures après la consommation d'une seule cigarette de cannabis". Résultat remarquable, car toutes les études pratiquées à ce jour indiquent au contraire que les effets d'un joint se dissipent en une heure, voire deux, et qu'ils ont en tout cas disparu quatre heures plus tard.
Ce résultat étrange a été abondamment cité, et le sera encore : notre sécurité même n'est-elle pas en jeu ? Philippe Douste-Blazy, notre ministre de la Santé, s'est cru bien inspiré en la citant. Ce qui a donné ceci : " Au bout de quatre heures, le pilote se pose à cinq mètres de la ligne médiane, au bout de douze heures à vingt mètres, et après seize heures à quarante mètres." (Le Quotidien du médecin du 3 septembre 1993). On est en pleine caricature.
Une fois de plus, il s'avère fort intéressant de se pencher en compagnie d'un scientifique à l'esprit critique sur l'expérience qui est à la base de tout ce bruit.
On en découvre alors de belles...
L'expérience en question (elle fait partie des actes du colloque) s'est déroulée en trois temps. Dans un premier temps, conduite sur un simulateur de vol jugé peu réaliste par les pilotes qui avaient fumé du cannabis et les autres.
Mais lorsque l'expérience fut renouvelée avec un simulateur de vol perfectionné, cette différence disparut. Les expérimentateurs se demandèrent alors comment la faire réaparaître. Ils imaginèrent pour cela de compliquer à l'extrême la tâche des pilotes en multipliant les actions simultanées. À la manoeuvre d'atterrissage, ils ajoutèrent donc une communication radio avec la tour de contrôle, un autre appareil à repérer et une collision à éviter, une panne de moteur, et enfin de mauvaises conditions météo.
Pour faire bonne mesure, ils réduisirent aussi le temps d'apprentissage. Alors, à la satisfaction des expérimentateurs, et sans qu'ils aient à demander aux pilotes de faire aussi les pieds aux murs durant la manoeuvre, la fameuse différence entre ceux qui avaient fumé un joint et ceux qui n'en avaient pas fumé réapparut après vingt-quatre heures.
Mais ce que l'on omet de nous dire c'est, en jargon scientifique, que malgré tous les efforts déployés, l'amplitude de cette différence est extraordinairement faible : du même ordre que celle enregistrée entre le groupe de pilotes âgés de vingt-cinq ans en moyenne et ceux agês de trente-sept ans en moyenne. Autrement dit, comme le fait justement remarquer Marie-Ange d'Adler dans l'Évènement du jeudi du 23 septembre 1993 : "On trouverai probablement des différences similaires entre pilotes qui ont dormi deux heures de plus ou de moins, fumé du tabac ou pas, bu la veille un whisky ou pas, etc."
Et voilà comment Gabriel Nahas et son Alliance nationale contre la toxicomanie manipulent la science. Et voilà comment le grand public est berné. Et voilà comment nos politiciens répandent la bonne parole. À ce train-là, les campagnes d'information promises par Balladur risquent d'être aussi affligeantes que d'habitude.
À moins que ces bévues successives n'inspirent nos politiciens à plus de circonspection et qu'ils décident à choisir mieux leurs conseillers. Voilà quarante ans que Gabriel Nahas et les siens empoisonnent le débat ; il serait temps de le reconnaître et de traiter les français en adultes.
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http://www.liberation.fr/portrait/0101178598-michka-52-ans-est-devenue-s...
Rencontre potagère. Ma cabane au cannabis
8 avril 1996 à 04:30
Portrait MICHKA, 52 ans, est devenue, sans le vouloir, une égérie du cannabis. Attaquée par un prohibitionniste, elle passe au tribunal correctionnel à Paris.
Par PHILIPPE LANÇON
Dans la petite cabane en bois, impeccable réplique miniature de celle construite au Canada vingt ans plus tôt, une vieille théière est posée sur un poêle en fonte acheté aux puces. Tout est propre, à sa place, comme dans un bateau. Michka, qui n'est pas Line Renaud, recharge du bois en silence. Ça ne chauffe pas. Elle porte un pull violet. On entend les oiseaux. Deux couvertures sont étalées sur la terrasse, face à un camélia en fleur, sous les branches encore nues des arbres du Père-Lachaise. Un havre: le dernier jardin en copropriété au coeur de Paris, arraché de haute lutte, comme dans la chanson de Dutronc, à un promoteur. «Je viens ici pour me détendre, dit-elle, pour oublier, parmi les plantes, la ville et les bruits du procès.»
Pour la première fois de sa vie, presque surprise et un peu inquiète, la paisible mère de famille, journaliste experte en jardinage et auteur de trois livres sur l'herbe et le chanvre, est transformée malgré elle en égérie du cannabis: elle passe devant le tribunal correctionnel de Paris. Un professeur en retraite, Gabriel Nahas, ancien expert en toxicologie de l'OMS et grand brûleur de chanvre, la poursuit en diffamation. Dans Maintenant, une petite revue trimestrielle consacrée en octobre 1993 au cannabis, Michka l'accusait de «manipuler la science» pour des raisons d'ordre moral.
Gabriel Nahas n'est pas tout à fait n'importe qui: sa haine du cannabis n'a d'égale que son goût du procès et sa puissance de feu, relayée par différents journaux et ministères depuis plus de vingt ans. Les témoins de Michka ne sont pas non plus n'importe qui: des spécialistes français et étrangers de la toxicomanie, professeurs et politiques, en général peu enclins à se déplacer devant les juges. Tout cela fait du procès de Michka un moment emblématique: dans l'atmosphère de peur propre aux années en cours, ce ne sont plus des babas cool qui s'écharpent autour d'un joint, mais des toxicologues, des avocats, des neuropsychiatres qui discutent à la barre.
Dans ce gratin, Michka dénote un peu. Assez curieusement, c'est l'inverse d'une militante. Jamais dans un mouvement, jamais dans un courant. Son mari, l'écri- vain Hugo Verlomme, «une barbe et pas de chaussettes», récuse pour deux tout en- gagement: «Militant, c'est limitant. On n'est pas des dealers, ni des babas, et on n'a pas d'intérêt. On écrit nos livres, on vit, et puis c'est tout.» Sur le rôle de joint de sa douce, il a son explication: «Il y a très peu de femmes dans le monde du cannabis. Les hommes fument davantage. D'autre part, elle est bilingue et potasse comme une universitaire. C'est comme ça qu'elle est devenue une spécialiste du chanvre.»
Michka fume peu. Et jamais de tabac. Si ses deux enfants en grillent une un jour, elle sera «plus préoccupée s'ils fument du tabac, ce qui crée presque toujours une dépendance, que si c'est du cannabis.» Si c'est de l'herbe, elle les mettra en garde contre «les choses à ne pas faire»: «par exemple, fumer avant un contrôle de maths ou avant de conduire». Car le cannabis, admet-elle, «n'est pas une substance anodine». A certains moments, tandis que le thé ne chauffe toujours pas, Michka se prend toutefois le chandail dans son panthéisme pour justifier ce qui, après tout, n'est pas autre chose que de l'herbe. «Certaines plantes aident à mettre en phase avec l'unité du monde vivant. Elles ont un potentiel d'enseignement.» Des plantes complètes, en somme, qui nourrissent le karma de la tête aux pieds. Gênée par ses propres mots, elle sourit. «Ça fait très méli-mélo mystique, tout ça, mais j'ai vraiment un sentiment de la nature et ça m'aide à mieux vivre.»
Le cannabis n'était pas prévu dans sa course autour du monde. En 1964, elle a vingt ans, elle est belle, et elle part retaper un voilier de 1896 avec un marin anglais. Elle vit Mai 68 à la BBC. «Ça avait l'air assez effrayant.» Ensuite, ils traversent la Manche, rejoignent Majorque, revendent le voilier, émigrent vers l'ouest du Canada. Là-bas, elle découvre une société «pas confinée comme la nôtre», qu'elle définit d'un mot hérité de Shakespeare qu'elle ne parvient pas à traduire exactement en français: «readyness». Ouverture, disponibilité. Années 70, où nature et culture se mêlent dans une province immense et vierge comme la Lune. «La Colombie-Britannique a fêté ses cent ans quand j'y étais, vous vous rendez compte?»
Elle achète un terrain, «le plus petit possible là-bas, vingt hectares». Plus tard, elle y retourne avec son nouvel homme, Hugo Verlomme. Un homme du grand bleu. Elle-même a écrit un livre très soigné sur ses voyages en mer, à la fois rêveur et pratique, que les bourlingueurs connaissent bien. Lui, l'auteur célébré de Mermère, se souvient: «Je l'ai choisie en partie à cause de l'océan. Mais elle avait fini ce trip-là. Et je me suis retrouvé dans un potager, entouré d'ours, à mille mètres d'altitude.» Leur grande cabane, sans eau ni électricité, ils la construisent eux-mêmes. Ils y passent cinq ans. Elle y écrit un journal de grossesse dans les herbes folles: A mains nues. «Puis nous sommes revenus, dit-elle. Là-bas, nous avions ce qui manque ici: du temps. Mais ce qui se trouve ici a fini par nous manquer là-bas: des rencontres.» Ils ont écrit un premier livre sur le cannabis, «l'un des tout premiers en France». «Quelque chose de très pédagogique, dit-elle, pour transmettre un savoir sur une plante qui était l'objet de n'importe quel discours.» Ensuite, pendant dix ans, Michka et Hugo publient d'autres ouvrages, voyagent jusqu'à ce qu'on leur demande de rééditer leur opus cannabis. «Nous nous sommes aperçus que le contexte avait totalement changé. Quand nous avions publié, en 1978, la libéralisation semblait sur le point d'aboutir. En 1992, tout avait changé. La société s'était refermée. Les discours étaient plus faux que jamais. Il fallait en tenir compte, écrire autre chose.»
Sérieux, documenté, fourmillant d'anecdotes, le deuxième livre est lu par les spécialistes. On invite Michka dans des colloques. Elle aide des journalistes en procès contre les «prohibitionnistes» comme Gabriel Nahas. Via le cannabis, elle découvre également la plante mère, le chanvre. «Je me suis aperçue que la France, l'un des pays les plus répressifs, avait eu dans le passé une tradition de culture de cette plante.» Elle a donc des vêtements, de l'huile de chanvre et un nouveau livre, consacré à ses vertus. «Si nos sociétés y sont hostiles, c'est sans doute parce qu'elle vient d'Orient.»
Plus encore que les plantes, c'est l'idée même de prohibition qui, à la fin, gêne Michka: «Quand l'alcool fut interdit aux Etats-Unis, les gens n'ont pas cherché de la bière mais des alcools forts. Ce système nous a mis dans une situation inextricable. Il favorise les produits mortels, les substances concentrées, plus faciles à transporter. Or, le problème n'est plus: doit-on vendre la mort?, puisque, de toute façon, la mort se vend. Le problème, c'est de mettre en place un système tel qu'il y ait un minimum de mauvais usage.» Mais l'odeur du thé à la cannelle enfin chaud chasse tous ces discours. Cet été, pendant trois mois, la famille entière part en cargo pour la cabane. Pour échapper aux procès, documents, discussions, articles sur la «pasionaria». «Beaucoup de gens profitent assez peu de la liberté qu'ils pourraient prendre. Moi, si.»
Michka en 8 dates
1944. Naissance en Dordogne de Michèle Seeliger, dite Michka.
1964. Départ pour l'Angleterre.
1970. Emigration au Canada.
1975. Retour en France.
1977. Premier livre: le Grand Départ et la vie sur l'eau (Albin Michel).
1978. Retour au Canada. Le Dossier vert d'une drogue douce (Laffont), avec son mari Hugo Verlomme.
1993. Le cannabis est-il une drogue? (Georg) par les mêmes.
1995. Le Chanvre, renaissance du cannabis (Georg).
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