Fin 2009, l'ONUDC assurait que les talibans ne tiraient que "10 % à 15 %" de leurs revenus du trafic de l'opium...

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Après avoir fait pression ces dernières années auprès de leurs alliés de l'OTAN en Afghanistan pour qu'ils s'investissent dans l'éradication du pavot, les Etats-Unis viennent de procéder à un changement radical de doctrine. Désormais, Washington privilégie "l'aide au développement des cultures vivrières", a indiqué, lundi 1er mars, David Johnson, secrétaire d'Etat adjoint chargé du trafic de drogue international. Il officialise ainsi la fin d'une politique qui avait créé des tensions avec ses partenaires britanniques et afghans, notamment.

Longtemps, les Etats-Unis ont dénoncé les résistances de leurs alliés à détruire les champs de pavot, en particulier dans les provinces de Kandahar et du Helmand, qui concentre l'essentiel de la production. "Quand je vois un champ, je vois des armes fournies aux talibans", confiait, en juin 2008, au Monde, le général américain David McKiernan, chef des troupes de l'OTAN en Afghanistan. Selon lui, la drogue finançait la guerre des insurgés. Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), 90 % de l'opium utilisé dans la production de l'héroïne mondiale viennent d'Afghanistan, soit 60 % de son PIB. Au sud, dans les provinces de Kandahar et du Helmand, principal foyer taliban du pays, 20 % à 30 % de l'économie dépendraient de l'argent de la drogue.

Pour les Britanniques, chargés de la province du Helmand pour le compte de l'OTAN, une destruction des cultures pousserait les populations locales dans les bras des insurgés. De plus, une action trop radicale déstabiliserait l'économie du pays, dépendante de cette production. En 2009, dans le village de Sanguine, la mission des patrouilles britanniques n'était pas de détruire les dizaines de laboratoires de transformation de l'opium en héroïne qui s'y trouvaient. Ces laboratoires se composaient d'un baril et de produit dits "fixants", nécessaires pour transformer le pavot et l'opium. Le tout revient à 50 dollars et fait vivre une famille entière.

Travail de proximité

Les Canadiens, chargés de la province de Kandahar, ont adopté une politique assez similaire. "Si nous interceptons un camion de pavot, nous arrêtons les chauffeurs. Sinon, nous préférons entreprendre un travail de proximité auprès des fermiers en les incitant à opter pour d'autres cultures, comme le blé", expliquait-on, mardi 2 mars, au quartier général des Forces canadiennes à Kandahar.

Dans son rapport, publié à la fin 2009, l'ONUDC assurait que les talibans ne tiraient que "10 % à 15 %" de leurs revenus du trafic de l'opium, grâce aux taxes perçues sur le trafic. Toujours selon l'office, 60 % des députés afghans sont liés à des personnes ayant un intérêt dans le trafic d'opium. Ces intérêts expliqueraient le peu d'entrain des policiers afghans chargés de l'éradication des cultures de pavot. En 2008 et 2009, seuls 4 % des récoltes avaient été détruits.

"Tout cela explique sans doute le changement de stratégie des Etats-Unis. Et surtout, cela va de pair avec les techniques de contre-insurrection appliquées aujourd'hui et qui impliquent un rapprochement avec la population", notait, mardi, un membre du département d'Etat en poste à Kandahar.

A Kaboul en revanche, deux jours après la décision de Washington, le gouvernement a annoncé un plan d'éradication des champs de pavot dans une grande partie du pays, notamment le Sud.

Jacques Follorou

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