Témoignage de Claude Messier

Le cannabis soulage la dystonie musculaire

L'on pourrait dire que la marijuana est une drogue comme la cigarette, le chocolat, le café, ainsi que les centaines de milliers de pilules que l'on vend en un an. L'on pourrait dire également que la marijuana n'est rien d'autre qu'une plante euphorisante et débattre d'une polémique pouvant ne jamais être réglée. Mais la société et les politiciens devraient amener de l'avant non pas la substance qui est en elle-même illicite mais le côté médicinal de la plante qui est encore de nos jours mal connu. Pour que vous compreniez bien jusqu'à quel point la marijuana peut être bénéfique du côté thérapeutique je vais vous raconter une histoire, la mienne.

Depuis toujours, je souffre d'une maladie rare, la dystonie musculaire généralisée. Pour ceux et celles qui ne connaissent pas cette condition, elle est douloureuse, insidieuse, c'est-à-dire que je ne peux ni manger, ni me laver seul. De plus, tous mes muscles me font affreusement souffrir. Des crampes musculaires me tétanisent de la tête aux pieds. Tout comme une grenouille morte, sans cesse la douleur se fait vive et me cloue dans ma couche.

Après avoir essayé toutes les substances légales ainsi que plusieurs médecines alternatives comme l'acupuncture, l'homéopathie et la médecine par les plantes, je me suis rendu compte rapidement des bienfaits de la marijuana. Je fume depuis l'âge de 14 ans. En bas âge, j'habitais en Belgique et j'avais énormément de difficulté à communiquer. Lorsque je suis rentré au Québec à 12 ans, j'avais toujours ce même problème d'élocution. Quand j'ai quitté la maison familiale pour aller vivre mon existence avec tous ces aléas, j'ai commencé à fumer de la marijuana. C'est alors que je me suis rendu compte, avec le temps, que mon parler était plus clair et même mes compagnons liabitant dans la même institution que moi me le disaient. Nous étions un groupe de jeunes avec diverses maladies évolutives. Voyez-vous, quand il ne reste que quelques années à vivre, nous profitons de chaque minute qui passe. Ces jeunes-là sont pratiquement tous décédés, il ne reste que cinq d'entre nous sur la quarantaine que j'ai connue et avec qui j'ai vécu. C'est un peu grâce à eux, mes amis, que j'ai développé cette rage de vaincre les éléments contre-nature, me faisant avancer vers un mieux-être.

La marijuana me permettait d'arriver à une élocution plus grande, à communiquer mes émotions et ce que je désirais et des rêves se sont mis à germer dans mon esprit d'adolescent, des rêves qui se sont tous réalisés, sauf un. J'avais la volonté de faire des choses surprenantes. Plus je vieillissais et plus la maladie prenait de l'ampleur. Pourtant, ceci ne m'empêchait pas de vaquer à mes occupations. Je me rendais compte que le cannabis non seulement m'aidait à parler mais il aidait aussi à détendre mes muscles endoloris. Le fil est mince entre une vie décente et une vie horrifique et celui-ci est parfois très subtil mais bien concret. La marijuana est un soutien physique pour moi. Si je ne peux fumer, l'espace de quelques heures je me retrouve aussi tendu qu'une barre de métal.

Lorsque je me suis rendu compte que le cannabis était devenu indispensable à ma vie, j'ai dû faire plusieurs démarches pour arriver à posséder l'exemption 56 fournie par Santé Canada. Évidemment, il y eût beaucoup de réticences au sein de mon institution. Personne ne voulait m'aider à consommer ce nouveau médicament pourtant prescrit par mon neurologue et approuvé par le ministre fédéral de la Santé, M. Alan Rock. Le personnel de la résidence Saint-CharlesBoromée avait beaucoup de difficultés à concevoir que cette plante puisse me soulager. En plus de l'odeur que l'on dit désagréable, il y avait le fait qu'ils craignaient les répercussions sur leur travail puisque la loi les traite comme des criminels s'ils m'aident à fumer.

Ceux et celles ayant en leur possession l'exemption 56 sont assis entre deux chaises.. D'un côté il y a toutes les questions reliées à l'approvisionnement, de l'autre il y a le fait que tout approvisionnement est illégal: très paradoxal. De plus, il y a tout le côté monétaire s'ensuivant. La plupart d'entre ceux qui ont l'exemption 56 sont lourdement handicapés. Nous ne pouvons compter que sur nos propres ressources pour avoir du cannabis de bonne qualité et encore, nous ne pouvons pas toujours payer.

Il est temps que le cannabis médicinal soit accepté et rendu accessible gratuitement ou donné par le gouvernement. Les médicaments des sidéens sont remboursés par l'assurance maladie, pourquoi le mien ne l'est-il pas? Il faudrait que l'on commence vraiment à rembourser ceux et celles qui souffrent dans leur corps et non se laver les mains de leur cas en leur donnant juste un bout de papier. Il faudrait leur donner la chance de vivre en toute quiétude sans avoir à se préoccuper de l'autre mois ou de l'autre semaine. Ils ne devraient pas être constamment inquiets de savoir comment ils vont payer leur cannabis.

Heureusement à Montréal, à Toronto et à Vancouver il y a des gens qui vont contre les lois pour aider ceux qui souffrent, ce sont les clubs Compassion. Peut-être un jour ce vieux rêve datant de mon adolescence deviendra réalité. En attendant je cours vers l'impossible.

Claude Messier (1966-2004)
Écrivain et militant