S'en procurer est un jeu d'enfants !

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Tabac et alcool chez les mineurs

S'en procurer est un jeu d'enfants !

Par La rédaction de LA SEMAINE • Desk • 23/12/2011 à 07h03

Le 18 novembre dernier, le tribunal de Limoges a condamné – mais dispensé de peine – un buraliste pour avoir vendu des cigarettes à une jeune fille de 17 ans.

Le 29 novembre, une enquête du Comité national contre le tabagisme pointait que 62 % des buralistes acceptent de vendre des cigarettes aux jeunes entre 12 et 17 ans. Pourtant, la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST) de juillet 2009 et son article 98 sont clairs sur l'interdiction de vendre du tabac aux mineurs de moins de 18 ans. Les débitants encourent notamment une contravention de 135 €.

[Zappiste: une contravention de 135 € ??? Pour une drogue qui cause des dizaines de milliers de morts directe et indirecte par année. Heureusement que vendre illégalement du tabac n'est pas une "provocation à l'usage" !

La provocation à l’usage ou au trafic de stupéfiants, par la publicité ou l’incitation ou la présentation sous un jour favorable des produits classés stupéfiants, (quel que soit le support choisi : vêtements, bijoux, livres, etc.) est punie de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, même si l’incitation est restée sans effet (article L3421-4 du Code de la santé publique). Les peines sont aggravées lorsque les mineurs sont visés (sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende). La provocation de mineurs de moins de 15 ans au trafic de stupéfiants est sanctionnée par une peine de dix ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.]

Des buralistes nancéiens rencontrés s'élèvent tous contre cette tendance voulant les culpabiliser d'une vente non autorisée. Certains mettent en avant leur manque de temps pour contrôler, d'autres « la physionomie des jeunes de maintenant qui à 14 ans en font 18 » ou encore les parents qui font signe depuis la voiture garée en double-file, que leur enfant achète bien pour eux au risque de se faire insulter en cas de refus de vente. Mais plus que les difficultés d'exercice de leur métier au quotidien, c'est bien un ras-le-bol qui s'exprime chez les buralistes. « Nous sommes pour une politique de santé publique, mais n'inversons pas les rôles. Nous ne sommes ni des médecins ni des policiers et encore moins des éducateurs. Il existe une seule solution, radicale, interdire la vente du tabac en France ! » affirme cette gérante d'un tabac du centre ville, furax d'avoir été « piégée » lorsque nous avons suivi un ado de 13 ans, venu acheter un paquet de clopes à 5,60 € et ressortir sans avoir dû justifier de son âge.

« Comme acheter des bonbons »

« L'État a un double couteau dans la main. D'un côté, il est bien content de prendre sa part sur les vente et de l'autre, il nous tape dessus parce qu'on vend à des mineurs. Ca suffit, trop c'est trop ! » Le sujet n'est pas tabou mais délicat, porteur de colère et teinté d'une angoisse de devoir supporter la plainte d'un parent ou la menace d'un retrait de licence. Du côté des ados, l'affaire est entendue et la conscience que fumer n'est pas un bien pour leur santé est acquis. Pourtant, ils font comme les copains, d'autres baignent dans la fumée à la maison, beaucoup expérimentent. Timothé, 16 ans, fume depuis un an. C'est devenu une habitude. A la récré, à la sortie des cours, une ou deux le soir en cachette de ses parents. « Pour me déstresser aussi. »

Mais comment font-ils pour se procurer des cigarettes malgré la loi ? Timothé répond : « Acheter de l'alcool, c'est parfois compliqué mais des cigarettes, c'est comme acheter des bonbons. On ne m'a jamais demandé mon âge ou une carte d'identité. Même si fumer coûte de plus en plus cher, on se débrouille toujours pour acheter des paquets à plusieurs. » Les ados expliquent se procurer des cigarettes et de l'alcool auprès des petits débitants de l'hyper-centre et un peu dans la périphérie de Nancy. « Autour de la gare, vers la rue Jeanne d'Arc, on trouve toujours. » Et les réseaux de rue ? « Parfois au détour d'une rue, on nous propose des trucs à fumer, c'est un peu hallucinant mais je refuse car c'est toujours douteux même si les prix sont intéressants. » En effet, la cartouche de 10 paquets se vendrait 30 € contre près de 60 € chez un buraliste. Et le prix baisse si vous achetez autre chose, sous-entendu du cannabis.

Une contravention pour les mineurs fumeurs ?

Retrouvant un groupe de potes devant son lycée, tous une cigarette à la main, les ados ajoutent sans ambigüité : « Sans aller jusqu'à dire qu'ils nous favorisent l'accès au tabac, les buralistes savent bien qu'ils n'ont pas le droit de vendre à des mineurs, mais on est aussi leur gagne-pain. Qui va aller se plaindre ? Au pire, s'il existait des contraventions pour les mineurs fumant sur la voie publique, ca serait plus embêtant car il faudrait payer les PV et nos parents en seraient informés. Ca existe déjà pour l'alcool mais pas encore pour le tabac. » C'est en tout cas ce que prônent certains buralistes. La proximité des frontières est évoquée par les jeunes eux-mêmes. « En étant en Lorraine, on peut aussi demander à des amis majeurs de nous en ramener du Luxembourg, c'est moins cher. On s'arrange comme on peut. Certains refusent la vente, c'est vrai. On les connaît. On va juste voir ailleurs ! »

Vous avez 18 ans ?

Essayer donc de gruger à la caisse de votre cinéma pour payer avec un tarif réduit. Pas de carte d'étudiant ou de carte d'identité justifiant de votre minorité et c'est le retour à la case départ pour le tarif plein. Avec la cigarette comme avec l'alcool, le jeu reste différent pour ces mineurs à qui une autoroute semble ouverte.

Et la vente d'alcool ?

On ne peut pas le nier, la loi est respectée. Tout du moins en ce qui concerne son affichage. Tous les débitants d'alcool ont scotché le texte sur leur devanture et jusque dans les rayons concernés : « Il est interdit de vendre de l'alcool à des mineurs de moins de 18 ans. » A Nancy, il existe un arrêté municipal depuis 2009 pour la mise en œuvre d'interdiction à la consommation et la vente d'alcool à emporter de 22 h à 6 h. Il concerne tout à chacun et détermine un périmètre d'interdiction (autour de la gare, de la place Stan, du quartier Saint Nicolas et de la Croix de Bourgogne) permettant aux services de police d'engager des procédures à l'encontre des commerçants ne respectant pas la règlementation en vigueur. Les services de communication de la ville n'ont pas pu nous fournir des informations chiffrées sur l'efficacité de cet arrêté (nombre de contraventions dressées aux consommateurs sur la voie publique ou nombre de commerçants contrevenants par exemple), mais de l'aveu même de certains ados, ils ont déjà eu une contravention parce qu'ils buvaient sur le parvis de la cathédrale rue Saint Georges ou place Dombasle.

Les achats les plus courants par les mineurs se font en fin d'après-midi et demeurent la bière, le vin blanc, la vodka et le whisky. Pierre a 13 ans, pourrait en paraître 15. Il mesure 1,70 m, cheveux bouclés noirs, un réel look d'ado. Entouré de jeunes de son âge, il explique : « Je n'ai aucune difficulté à acheter de l'alcool. Je préfère aller dans des petites épiceries plutôt qu'en grande surface où c'est plus contrôlé. On ne m'a jamais demandé ma carte d'identité pour acheter de la bière ou même de la vodka. L'alcool, c'est surtout pour passer des soirées entre amis, une ou deux fois par mois maximum. Chacun met 10 ou 15 euros et on partage les bouteilles. Dans les épiceries, l'alcool est souvent placé derrière une vitrine fermée ou à proximité du vendeur donc il faut demander au moment de passer en caisse mais seule une fois on m'a questionné pour savoir à combien on allait boire la bouteille, rien de plus ! »

Arrangements entre amis.

Le témoignage de Pierre n'est pas unique. Certains, âgés de 15 à 17 ans dévoilent leurs pratiques : « Lorsqu'on veut se procurer de l'alcool, on essaye d'y aller quand il y a beaucoup de clients, les vendredis ou samedis. Les caissiers font moins attention et certains sont des étudiants qui laissent passer sans rien demander car eux aussi font des teufs ! Dans certains commerces, c'est plus contrôlé alors on se présente avec des potes de 18-19 ans qui achètent pour les autres », détaille Arthur, 17 ans. Nombreux sont les commerçants rencontrés qui accusent cette petite logique d'arrangement entre amis bien rodée et déplorent la responsabilité des jeunes majeurs, voire des adultes, facilitant cet accès à l'alcool. Et la responsabilité du vendeur ? La réponse est tranchée : « Les vrais responsables, ce sont les parents ! On nous attaque pour avoir vendu de l'alcool mais le problème, c'est l'éducation et le rôle des parents. Et n'oubliez pas aussi les sociétés organisatrices de soirées pour étudiants qui, sans aucun contrôle, laissent l'accès à l'alcool à des mineurs avec des boissons sucrées mais alccolisées », argumente la gérante d'une supérette du centre ville. La question des moyens de contrôle est avancée par une autre : « Nous formons nos caissiers, disposons d'un agent de sécurité et les affichettes de rappel à la loi sont présentes sur toutes les caisses. Nous nous en donnons les moyens mais chez des petits commerçants, c'est possible que certains passent entre les mailles ! »

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