Un monde de pilules
Guy Lafleur, Bob Gainey, Larry Robinson et tous les autres que j’ai côtoyés prenaient des médicaments dans le cours d’une saison. Anti-inflammatoires, antidouleurs, calmants pour l’anxiété, somnifères, c’était les pilules habituelles souvent distribuées dans l’avion ou dans l’autobus par un des soigneurs.
Un monde de pilules
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SÉRIES : Golden Knights vs Canadiens
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Le gardien des Golden Knigths Robin Lehner.
RÉJEAN TREMBLAY
Mercredi, 6 octobre 2021 05:00
MISE À JOUR Mercredi, 6 octobre 2021 05:00
Quand j’ai lu les tweets de Robin Lehner l’autre matin, j’ai ressenti un malaise.
Ce n’est qu’une hypothèse bien sûr, mais se pourrait-il que Lehner ait écrit ces tweets dans une crise de paranoïa ? Ou alors qu’il était dans une phase de manie ? On sait que Lehner est bipolaire et médicamenté. Le ton de défi et la bile déversée sur Alain Vigneault rappelaient les outrances de la paranoïa ou de la manie.
Simple hypothèse de réflexion.
Il se peut aussi que Robin Lehner ait beaucoup de choses à dénoncer. Pas de filtre, pas de retenue. Ça se peut, il l’a fait dans le passé.
UN MONDE DE PILULES
J’entends les âmes sensibles se scandaliser. On drogue les joueurs. Les médecins sont à la botte des équipes professionnelles. Comment ça se fait qu’on laisse faire pareil scandale ?
Faut réfléchir. Faut toujours prendre le temps de réfléchir. Maurice Richard prenait des pilules quand il prenait le train pour New York ou Chicago après le match du samedi soir au Forum.
Guy Lafleur, Bob Gainey, Larry Robinson et tous les autres que j’ai côtoyés prenaient des médicaments dans le cours d’une saison. Anti-inflammatoires, antidouleurs, calmants pour l’anxiété, somnifères, c’était les pilules habituelles souvent distribuées dans l’avion ou dans l’autobus par un des soigneurs.
Les docteurs préparaient les ordonnances et les joueurs demandaient ce qu’ils croyaient avoir besoin. Sans histoire.
Il y a eu des exceptions, certains individus se sont accrochés aux antidouleurs, mais en général, les joueurs contrôlaient bien ce qu’ils avalaient. Ou les piqûres qu’ils recevaient.
Et ce n’est pas parce que les choses durent depuis cent ans qu’elles sont nécessairement bonnes.
Robin Lehner, s’il s’y est pris d’une étrange façon, a raison de vouloir faire la lumière sur l’utilisation généralisée de médicaments et de drogues légales dans le sport.
LA FAUTE À QUI ?
Mais si on s’attarde à gratter les bobos dans le hockey, on devrait également gratter dans toute la société occidentale. Pensez-vous sincèrement que ça travaille 15 heures par jour, que ça voyage en Europe ou en Asie pour des meetings avec retour après trois jours dans un hôtel, avec un petit Nespresso bien tassé ?
Combien de chirurgiens prennent des bêtabloquants avant une opération délicate pour éviter tout tremblement ? Pensez-vous qu’il n’y a que les tireurs aux Jeux olympiques qui se dopent pour ralentir les battements de leur cœur ?
Nous faisons partie d’une société de pilules. Les jeunes ont appris très tôt à se gaver de Ritalin pour les TDAH. Ils ne se posent pas de questions quand on leur propose des somnifères pour dormir dans un autobus entre Chicoutimi et Halifax. Et un petit stimulant bien prescrit aide à se réveiller le matin avant le déjeuner. Pas besoin d’attendre l’imbuvable café du dépanneur.
Dans la Ligue nationale, c’est plus raffiné, mais c’est le même principe. Pour chaque bobo, il y a une pilule. Et il n’y a pas un seul joueur de la LNH qui pourrait disputer les 100 matchs d’une saison sans des médicaments pour contrôler insomnie ou douleur.
On peut débattre si chaque joueur prend la peine de consulter le médecin avant d’avaler sa pilule, mais quand Nick Foligno a eu le dos barré pendant la dernière série entre le Canadien et les Maple Leafs, on ne l’a pas dévissé avec une clé à molette.
Les Maple Leafs le voulaient. Les médecins le voulaient. Et surtout, Foligno le voulait.
TOUJOURS LE CASH
Dans le fond, c’est nous qui sommes responsables. On paye le gros prix pour voir Jonathan Drouin, on veut Carey Price. TVA et RDS veulent montrer Drouin et Price.
Les annonceurs qui payent 250 000 $ pour une bande au Centre Bell veulent Drouin et Price. Le coach veut Drouin et Price. Et Price et Drouin veulent jouer.
Tout le monde s’arrange pour que Drouin et Price jouent.
Et puis, ils gagnent 6 millions $ par année. Pour payer les 6 millions $, les équipes ont besoin de 82 matchs. La télé veut du contenu et paye un million par match. Les commanditaires veulent des auditoires. C’est une course infernale qui n’est que le modèle de la course infernale de la société de consommation qui alimente la bête.
Oui, Robin Lehner a raison. Mais il est le premier à exiger des millions pour garder les buts. Tout le reste en découle...














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