Une trafiquante de drogues est-elle responsable de la mort de ses clients?

Le juge a pris la cause en délibéré et devrait rendre sa décision le 14 janvier au palais de justice de Montmagny. Julie Anctil demeurera détenue d’ici là.

Jean-François Nadeau

Publié hier à 15 h 12
L’accusée Julie Anctil est-elle responsable de la mort de deux jeunes consommateurs à qui elle avait vendu une drogue dure en septembre 2019? C’est ce que doit déterminer le juge Pierre L. Rousseau afin de décider de la peine qui sera imposée à la femme de 47 ans.

La défense allègue qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la vente des stupéfiants et la mort d’Anthony Miville et de Marc-Olivier Paquet à la suite d’une surdose.

L’avocat de Julie Anctil, Me Michel Barrette, suggère qu’une peine de 22 mois et 20 jours soit imposée à sa cliente, soit l’équivalent de la détention provisoire qu’elle a purgé jusqu’à maintenant.

La Couronne soutient au contraire qu’elle est pleinement responsable et qu’elle doit passer entre trois et huit ans derrière les barreaux.

Les faits
Le 13 septembre 2019, Anthony Miville est sur le point de célébrer son 26e anniversaire. Il doit se rendre au Bière Fest de Rivière-du-Loup avec ses deux amis d’enfance Marc-Olivier Paquet et Jean-Philippe Caron.

Avant d’y aller, ils achètent, par l’entremise d’une autre connaissance, Brendon Plourde, 3,5 grammes d’une substance qu’ils croient être de l'extasy.

Il s’agit en fait de méthylènedioxyamphétamine (MDA), une drogue de synthèse plus dure et aux effets plus néfastes que l’ecstasy. La substance est fournie à Plourde par Julie Anctil.

Les trois jeunes consommateurs ressentent des malaises durant la soirée et la nuit.

Le décès d’Anthony Miville est constaté à son arrivée à l’hôpital de Rivière-du-Loup. Marc-Olivier Paquet est transféré dans des centres hospitaliers de Québec puis de Montréal. Il meurt le 28 octobre 2019 sans jamais avoir repris connaissance.

Thèse de la défense
Julie Anctil a plaidé coupable à des accusations de trafic de MDA et de possession de stupéfiants dans le but d’en faire le trafic.

Selon la défense, l’accusée n’est pas directement responsable de la mort des jeunes hommes, notamment parce qu’elle ne pouvait raisonnablement prévoir leur sort.

Me Barrette souligne que Julie Anctil avait avisé l’acheteur que le MDA était une substance forte et expliqué la façon responsable d’en consommer.

Il allègue également qu’entre la vente et les décès, plusieurs événements regrettables, des erreurs de jugement et une certaine témérité des victimes ont contribué à leur perte.

L’avocat cite notamment le fait qu’ Anthony Miville et Marc-Olivier Paquet aient consommé toute leur dose de MDA d’un seul coup. Leur ami, Jean-Philippe Caron, en a consommé les deux tiers et a survécu.

Michel Barrette souligne aussi que les trois consommateurs ont refusé de se rendre à l’hôpital quand de bons samaritains ont tenté de leur venir en aide durant la soirée.

Ils ont contribué à leur propre malheur. Ils ont malheureusement contribué à la fatalité de ce dossier, affirme l’avocat de la défense.

Facteurs atténuants
La défense demande également au juge de prendre en considération, comme facteurs atténuants, la collaboration de l’accusée avec les autorités, son plaidoyer de culpabilité, le fait qu’elle ait exprimé des remords, l’absence de préméditation de son geste, ainsi que le fait qu’elle était dans un état dépressif au moment des faits et qu’elle sortait d’une relation où elle était victime de violence conjugale.

Julie Anctil n’a pas d'antécédent judiciaire en matière de trafic de stupéfiants. Elle a déjà été condamnée pour voies de fait et méfait.

Thèse de la Couronne
Pour la Couronne, Julie Anctil est au contraire pleinement responsable de la mort d’Anthony Miville et de Marc-Olivier Paquet.

Il n’est pas nécessaire que les actes soient la cause unique de la mort, mais une cause appréciable. Ça prend un événement extraordinaire ou inhabituel, en droit, pour rompre le lien de causalité, explique le procureur François Gascon Doyon.

Il estime également que la posologie et la mise en garde de Julie Anctil n’étaient pas suffisantes. Le MDA figure parmi les drogues les plus nocives prévues à la loi.

Selon la Couronne, l’accusée a plutôt agi de façon insouciante et elle connaissait la dangerosité de ce qu’elle vendait.

Elle saisit l’occasion pour se débarrasser d’une substance qu’elle savait être une cochonnerie. Il a été amené en preuve qu’un demi-gramme est létal chez la majorité des humains. Elle a vendu une dose assez grande pour tuer sept personnes, soutient Me Gascon Doyon.

Me Gason Doyon estime aussi qu’il y a eu des contradictions dans le témoignage de l’accusée et que ses remords semblaient peu sincères.

Durant son interrogatoire avec les enquêteurs, elle a affirmé que ça ne la dérangeait pas que des imbéciles fassent des overdoses, souligne-t-il.

Le procureur allègue aussi qu’on ne peut pas reprocher aux victimes d’avoir pris de mauvaises décisions alors que leur jugement était altéré par la substance vendue par Julie Anctil.

Le juge a pris la cause en délibéré et devrait rendre sa décision le 14 janvier au palais de justice de Montmagny. Julie Anctil demeurera détenue d’ici là.

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