Peine trop sévère pour avoir consommé du cannabis à l’école?

30 avril 2019 Mis à jour le 29 avril 2019 à 22h09

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Peine trop sévère pour avoir consommé du cannabis à l’école?
Baptiste Ricard-Châtelain
Le Soleil
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À deux mois de la fin de l’année scolaire, sa fille — 16 ans, 4e secondaire — s’est fait pincer par l’école : au retour du dîner, elle avait consommé du cannabis; puis quelques grammes ont été trouvés dans son sac. La sanction n’a pas tardé : renvoi. Sa mère dénonce une peine «disproportionnée» qui mettrait en péril la progression scolaire de l’enfant. Châtiment d’autant plus exagéré, dit-elle, que fumer de la marijuana est maintenant légal.
La dame avec qui Le Soleil s’entretient est visiblement troublée, même plusieurs jours après ces faits. Depuis le début du secondaire que son enfant est dans le même établissement privé, Saint-Charles-Garnier. Il faut maintenant trouver une nouvelle école où l’adolescente pourra terminer son année et réussir ses examens du ministère de l’Éducation.

Nous aurions pu nommer cette femme, nommer sa fille également. Étant donné l’âge de celle-ci et le tourbillon dans lequel elle se trouve, nous avons jugé que ça n’ajouterait pas au fond, à la question en débat.

Ce n’est d’ailleurs pas seulement de son cas dont discute la mère. Elle veut rebondir sur cette histoire personnelle pour que nous causions de cannabis à l’école maintenant que la substance est vendue dans le commerce. Comme l’alcool et la cigarette.

«L’expulsion n’est définitivement pas le moyen de régler ça», évalue-t-elle. «Ça nécessite une sanction, des conséquences. Il n’y a personne qui dit le contraire, moi la première. […] Mais, il n’y a pas de deuxième chance?»

«Elle a consommé une drogue qui est légale. Le seul crime, à la limite, c’est de ne pas avoir l’âge de la consommer. […] Vont-ils mettre dehors tous les enfants qui fument la cigarette et qui entrent avec un paquet?»

Une suspension aurait suffi à favoriser la réflexion, selon elle. «D’exclure les enfants, ce n’est pas la solution.»

Expérimentation

Comme mère, elle aurait préféré que le milieu scolaire offre un accompagnement, un encadrement. La condamnation à l’exil n’aura pas les effets escomptés, juge-t-elle.

L’adolescence est une période d’expérimentation, d’essai-erreur, fait valoir notre interlocutrice. La menace d’un renvoi ne pèserait pas lourd quand certains sont tentés par l’inconnu : «Ils n’arrêteront pas de prendre de la drogue. […] Allez-vous renvoyer tous ceux qui prennent de la drogue?»

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Convaincue que sa fille est traitée injustement, la femme a d’abord voulu judiciariser le dossier. Elle a finalement fait le choix d’arrêter les hostilités, de passer à autre chose en signant la fin du contrat qui la liait à l’école. «Je me suis dit : “Après ça, elle va retourner à l’école dans quelles conditions.”»

Mais elle demeure certaine que la conséquence pour sa fille est démesurée par rapport au crime. Et invite les autres parents à sauter dans le débat : «Ça peut arriver à n’importe quel parent. […] Surtout maintenant que c’est légalisé».

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«TOLÉRANCE ZÉRO»

«Pour l’élève qui consomme et qui se trouve en possession de drogue au collège, c’est la tolérance zéro qui s’applique, et donc, le renvoi de l’école.»

Le directeur général de Saint-Charles-Garnier, Marc-André Séguin, est ferme. La légalisation du cannabis ne change rien au fait que la substance est toujours interdite aux moins de 18 ans. Et que son établissement ne tolère pas d’en trouver dans un sac d’école.

«Ce n’est pas parce que c’est légal que, tout à coup, on peut permettre à des jeunes d’en avoir», explique-t-il. «C’est difficile pour moi d’adopter une autre approche étant donné que ce sont des mineurs.»

M. Séguin dresse un parallèle avec l’alcool. «J’espère que vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’au collège on interdit l’alcool aux jeunes. Évidemment, ils ne peuvent pas consommer de l’alcool, ils ne peuvent pas avoir d’alcool. C’est régi par les lois du Québec : c’est 18 ans, il faut être majeur.»

«Si j’étais directeur de cégep, on aurait une discussion différente, évidemment.»

Contrat résilié

En plus, l’institution privée n’opère pas selon les mêmes règles que le réseau scolaire public. Un juriste mandaté par le collège souligne d’ailleurs, dans une lettre que nous avons consultée, qu’un encadrement commercial prévaut : un contrat est signé, contrat qui peut être résilié si les règlements ne sont pas respectés.

Et ces règlements stipulent que la possession de cannabis peut entraîner une suspension, voire une exclusion.

«C’est toujours des gestes éducatifs», poursuit le directeur général. «L’éducation peut aussi être un geste de dire : “Tu dois maintenant quitter et apprendre de ton erreur et t’en souvenir.” […] Pour nous, c’est une manière d’éduquer les enfants de dire que là, malheureusement, ils ont atteint une limite sans retour.»

M. Séguin ajoute que son équipe aide alors l’enfant à se trouver une autre école, probablement dans le réseau public. «Nous nous assurons, lorsque c’est possible, que l’élève puisse intégrer rapidement un nouveau milieu scolaire et poursuivre son parcours sur de nouvelles bases.»

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