Du pot chez 62 conducteurs décédés. Les coroners ne peuvent toutefois pas conclure que le cannabis était la principale cause des accidents

Du pot chez 62 conducteurs décédés
Les coroners ne peuvent toutefois pas conclure que le cannabis était la principale cause des accidents

Annabelle Blais

Jeudi, 22 novembre 2018 00:00 MISE à JOUR Jeudi, 22 novembre 2018 00:00

Au moins 62 conducteurs décédés sur les routes du Québec depuis deux ans avaient du cannabis dans l’organisme, a appris notre Bureau d’enquête. Mais les coroners ont beaucoup de difficulté à déterminer si la substance était ou non la principale cause des accidents.

L’analyse des rapports de coroners de 2016 et 2017 concernant les accidents de la route mortels démontre que, dans 28 cas, le cannabis est cité comme un des facteurs ayant pu contribuer à causer la tragédie.

Dans la plupart de ces cas, les conducteurs avaient les facultés affaiblies par un mélange d’alcool et d’autres drogues.

Les coroners concluent que le cannabis (et aucune autre substance) a pu jouer un rôle déterminant pour quatre accidents.

La coroner Mélissa Amélie Plourde soutient, par exemple, que Dylan Murray est décédé en 2016 à Port-Daniel–Gascons, en Gaspésie, après avoir heurté un ponceau.

L’analyse toxicologique démontre qu’il n’avait pas consommé d’alcool, mais on a retrouvé dans son sang des concentrations importantes de THC (la substance psychoactive du cannabis), soit 44 ng/ml.

Fonctions cognitives

«La vitesse serait la première cause expliquant le dérapage et la collision», explique la coroner Plourde dans son rapport, avant d’ajouter que « d’autres facteurs ont contribué à cette collision et ont aggravé la sévérité des blessures. D’une part, le conducteur était sous l’influence de cannabis consommé récemment et retrouvé à l’analyse de toxicologie, et son aptitude à conduire et sa vigilance étaient affectées».

Dans un autre cas, la coroner Julie A. Blondin note que du pot a été décelé dans le sang de Mélissa Robertson, décédée en octobre 2017.

«La conductrice ne porte pas sa ceinture de sécurité. Elle a consommé du cannabis», dit la coroner, avant de citer une étude de l’Institut national de santé publique du Québec qui affirme que cette drogue affecte les fonctions cognitives et motrices nécessaires à une conduite automobile sécuritaire.

Aucun seuil

Dans les deux autres cas, le coroner rappelle en conclusion la consommation récente de pot comme seule substance détectée dans l’organisme, sans toutefois en préciser les concentrations.

«Le problème avec le cannabis est qu’il n’y a pas une limite légale reconnue mondialement à partir de laquelle tout le monde a les facultés affaiblies», explique Mohamed Ben Amar, pharmacologue et auteur du livre Le cannabis : Pharmacologie et toxicologie.

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Pas de limite claire

Depuis le 17 octobre dernier, date de la légalisation du cannabis, le gouvernement fédéral a établi un nouveau seuil, soit 2 ng/ml de THC dans le sang, à partir duquel une personne est considérée être sous influence du pot.

«Mais la communauté scientifique est partagée sur le seuil minimal à partir duquel on est sous l’influence du cannabis, explique le pharmacologue Mohamed Ben Amar. On peut parler de probabilité, mais pas de certitude comme c’est le cas avec l’alcool.»

On peut détecter du THC dans le sang quelques heures après la consommation, mais des traces sont décelables dans les urines jusqu’à cinq semaines après la consommation.

La Société de l’assurance automobile du Québec recommande de ne pas conduire dans les cinq heures après avoir fumé du cannabis et dans les six à sept heures après en avoir ingéré.

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► On compte 52 hommes parmi les conducteurs décédés chez qui des traces de cannabis ont été décelées.

► La moyenne d’âge chez les conducteurs décédés chez qui des traces de pot ont été décelées est de 33 ans.

– Avec la collaboration de Marie Christine Trottier et Philippe Langlois

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