Existe-t-il des sociétés sans drogue ?

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vendredi, août 20, 2010
Existe-t'il des sociétés sans drogue
Existe-t-il des sociétés sans drogue ?

C’est la question que pose Jean Michel Helvig dans son édito du 13 Août 2010, dans La République des Pyrénées, avec un titre très évocateur, « Fillon montre ses muscles aux salles de shoot ».

« L’usage par l’homme des drogues agricoles est pratiqué dans les sociétés depuis la plus haute antiquité », nous rappelle Antonio Escohotado, professeur de philosophie et de sociologie à l’université de Madrid et spécialiste de l’histoire des drogues.

Etat des lieux

Rappelons quelques chiffres relatifs à la consommation de drogues dans le monde (Sources : United Nations World Drug Report 2008).

Le pourcentage de consommateurs réguliers de drogues agricoles (*) ou de synthèse, parmi la population mondiale âgée de 15 à 64 ans, est en progression constante :

Héroïne et opiacés : 0, 4% (0,14 % en 2002)

Cocaïne : 0, 4 % (0,23 % en 2002)

Amphétamines : 0,6 (o, 52 % en 2002)

Cannabis : 3,9 % (2,45 % en 2002)

(*) : Cannabis, opium et cocaïne.

Le flux financier généré par les narco trafiquants est estimé à 600 milliards de dollars par an.

Il s’agit donc d’un véritable problème pour les démocraties, qui interpelle les libertés.

Une répression qui ne date pas d’hier

Le projet de Roselyne Bachelot a le grand mérite d’être réaliste et humaniste. Mais le nouveau patron de la MILDT, Etienne Apaire qui est un proche de Nicolas Sarkozy, est hostile à ce projet et n’a pas la sensibilité culturelle de son prédécesseur, l’excellent Professeur Didier Jayle.

Ce dernier, en charge de la toute nouvelle Chaire d’addictologie au Centre National des Arts et Métiers (dont j’ai eu la chance d’être auditeur de la première session) a participé au récent Congrès de Vienne sur le sida. Tout comme Roselyne Bachelot. Congrès au cours duquel ont été présentés les résultats encourageants des expériences de « salles de shoot » menées dans divers pays d’Europe.

La violence du véto de François Fillon à l’ encontre du projet de sa Ministre de la Santé, basé sur une analyse simpliste, épidermique version électoraliste, de la toxicomanie, est une faute politique. Alors même que les Maires des trois plus grandes villes françaises concernées par cette expérience étaient, toutes tendances politiques confondues, interpellés positivement par cette expérience.

La posture de notre Premier Ministre rappelle, par sa violence, l’esprit et le sens des dispositions répressives de la première loi du 12 juillet 1916 relative aux stupéfiants, complétée par le décret du 14 septembre de la même année.

Pour mémoire, les produits qualifiés de « stupéfiants » énumérés dans la colonne B du tableau de classification étaient : l’opium, la morphine, l’héroïne, la cocaïne, le haschich ainsi que leurs sels et dérivés.

Les dispositions répressives de ce décret pour une législation d’exception, furent à la hauteur des préconisations énergiques d’une grande campagne de presse menée sous la pression de l’opinion publique car il était question de protéger les quatre piliers de la Nation Française : la Sûreté, la Patrie, les Bonnes Mœurs et l’Hygiène.

La rigueur des peines principales, l’étendue et la sévérité des peines complémentaires mirent à mal certaines libertés publiques ou individuelles.

En matière de législation relative aux stupéfiants, le caractère répressif de loi de 1916 sera complété par une seconde loi, votée en 1970dans une émotion légitime, après la mort dramatique par overdose de Marion, une jeune fille de 18 ans.

Si l’usage abusif de substances psycho-actives est devenu dès les années « 70 », un problème de santé publique dans les pays industrialisés, il s’est depuis lors largement mondialisé avec l’apparition des drogues de synthèse sur internet.

Ambiguïté et paradoxes

L’usage par l’homme de psychotropes, ces substances modifiant l’activité du cerveau, existe dans pratiquement toutes les civilisations.

Que ce soit dans un but médical, « c’est la dose seule qui fait le poison » disait Paracelse (1493 - 1541), rituel ou sacré, mystique ou récréatif, les substances vénéneuses et stupéfiantes ont de tous temps été largement utilisées.

Les drogues étaient dans les sociétés polythéistes, ce que seront les aliments communiels dans le monothéisme, le pain, le vin et l’huile d’olive.

Le partage et l’offrande de la feuille de coca à mâcher dans les pays andins est un bon exemple du rôle culturel des drogues agricoles qui se partageaient. Ainsi, la Bolivie veut aujourd’hui faire inscrire la feuille de coca au Patrimoine Immatériel de l’Humanité à l’UNESCO.

Nous sommes dans le paradoxe permanent. Certaines substances psycho-actives sont considérées comme « légales » et régies par les impôts indirects (tabac, alcool et anxiolytiques) et d’autres, telles le cannabis, les opiacés, la cocaïne ou les drogues de synthèse sont jugées « illégales ».

Souvent aux mains des paramilitaires alliés pour l’occasion aux Services spéciaux, ou des extrémistes religieux version Talibans ou bien encore des fanatiques totalitaristes, le juteux marché de la drogue a largement été utilisé par les démocraties et les officines de leur services de Renseignements.

Les Etats Unis jouent souvent double jeu, pour des questions purement géopolitiques, notamment en Asie du Sud Est et en Amérique du Sud, pour ne citer que les principaux foyers de collusion entre états démocratiques, trafiquants et mafias.

La France a donné l’exemple en Indochine en 1950, en utilisant la vente de l’opium, avec l’appui logistique de la DGSE pour armer et entraîner les montagnards Hmongs et mettre en place le concept de contre-révolution contre le Vietminh.

Initié par le célèbre commandant Trinquier, ce concept sera repris par les Américains au Vietnam contre les Viêt-Cong. Et l’utilisation de l’opium comme moyen financier occulte, sera pour les Français à l’origine de la French Connexion, la DGSE (ancêtre de l’actuel SDECE) ayant ouvert, avec l’Opération X, la route Saigon Marseille aux chimistes corses.

Ce sera le règne des petits arrangements entre copains et coquins, entre politiciens sans scrupules et truands calibrés grand banditisme.

Mais c’est une autre histoire...

Gérard Cagna

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