Décalage entre les craintes des populations et la réalité des observations médicales.

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Injection surpervisée : retour d'expérience positif en Europe
13/08/2010 | Mise à jour : 08:48

Six pays européens ont d'ores et déjà mis en place ces lieux permettant aux usagers de drogues par injection de se piquer dans de bonnes conditions d'hygiène.

L'Inserm parle de «centres d'injection supervisée», les pays européens qui les ont mis en place, de «salles de consommation de drogues», de «salles d'injection» ou encore de «dispensaire pour une injection assistée ». Les médias français évoquent eux des «salles de shoot». Une différence sémantique qui peut illustrer le décalage entre les craintes des populations et la réalité des observations médicales. En Europe, il existe en effet un retour d'expérience important depuis la mise en place de la première structure de ce type, en Suisse, en 1986. Entre la fin des années 1980 et le début des années 2000, l'Allemagne, les Pays-Bas puis l'Espagne développent petit à petit un réseau de centres, généralement situés dans les grandes villes. En 2004, on dénombre un total de 62 centres dans ces quatre pays (1)*. En 2005, la Norvège met en place à Oslo son premier service d'injection supervisée, suivi l'année suivante par le Luxembourg (2)*.

Ces expériences européennes sont différentes dans leurs objectifs (limiter la présence d'usagers dans les rues en Suisse, améliorer les conditions sanitaires d'injection en Espagne et en Allemagne, accompagner socialement les personnes fortement marginalisées aux Pays-Bas) et dans leurs conditions d'application (restriction ou non à l'entrée dans les centres, types de drogues autorisées, règles d'administration des produits). Les nombreux rapports existants* permettent toutefois d'apporter quelques réponses rassurantes aux grandes interrogations qui se posent quant aux conséquences de leur implantation. Tout en soulevant quelques doutes quant à leur efficacité.

• Les aspects positifs

+ Pas d'augmentation de l'utilisation de drogues

Les centres ne favorisent pas la prise de drogue par une population de non-initiés. La majorité des utilisateurs s'injectent depuis plusieurs années avant de les fréquenter. Ils ont généralement tenté plusieurs fois des traitements de la dépendance sans succès. D'autre part la présence de personnel qualifié (infirmières, médecins) permet de réduire la fréquence des overdoses et la mortalité associée. La diminution de l'usage courant n'a toutefois pas non plus été démontrée.

+ Diminution des nuisances sans augmentation de délinquance autour des centres

Les centres sont le plus souvent implantés dans des zones où il existe déjà une pratique de rue. En attirant les usagers dans ces espaces contrôlés, les nuisances dans les quartiers sont diminuées. Plusieurs études montrent même une diminution des actes de délinquance aux alentours des centres après leur implantation.

+ Un impact positif sur les pratiques d'injection

En fournissant des seringues neuves, du matériel propre et un lieu relativement sain, les injections se font dans des conditions sanitaires plus saines. Le contact avec des professionnels semble favoriser le développement de bonnes pratiques en dehors du centre.

+ Des populations marginales difficiles d'accès se rendent dans les centres

Les personnes désociabilisées qui échappent aux services sociaux peuvent être réinsérées via une redirection vers un centre de traitement de la dépendance ou un service de soins généraux. Les SDF qui fréquentent ces centres représentent entre 20 et 60% du nombre d'usagers.

• Les doutes soulevés

- Pas d'incidence avérée sur la réduction du nombre d'usagers touchés par le VIH ou l'hépatite C

La lutte contre le VIH et l'hépatite C chez cette population à risque est un des enjeux majeurs des politiques de santé publique qui les concernent. Le manque d'efficacité apparent sur cette problématique est un frein évident à leur mise en place en France.

- Difficulté de mise en place et d'acceptation par la collectivité

Les polémiques actuelles en sont la preuve. L'Inserm relève d'ailleurs que « la mise en place des centre d'injection supervisée a presque partout donné lieu à des débats et souvent à des oppositions ». Or tous les rapports pointent l'importance de la concertation. L'adhésion des riverains, commerçants et autorités publiques aux projets est un élément indispensable de leur bon fonctionnement et de leur efficacité.

- Développements ponctuels de trafics à petite échelle

Certains petits trafics de drogue, à très petite échelle, se seraient développés autour de certains centres, en Suisse notamment. Il s'agirait toutefois de reventes entre usagers qui pouvaient préexister à la mise en place des centres (dont les lieux d'implantation correspondent souvent à d'anciens lieux de consommation).

Le retour d'expérience européen montre donc un impact globalement positif des centres d'injection supervisée. L'Inserm a toutefois raison de rappeler qu'ils ne peuvent constituer qu' «une mesure complémentaire» devant répondre à «des besoins identifiés». «Leur intégration dans un dispositif plus large de services, avec une bonne communication entre les services, est un élément de leur réussite», écrivent ainsi les rapporteurs. Avant de rappeler que le consensus est indispensable à leur mise en place. A en juger par le débat politique actuel, il semble qu'on en soit encore bien loin.

*Nous avons utilisé ici les quatre principales synthèses bibliographiques suivantes:

(1) European report on drug consumption rooms, European Monitoring Center for Drugs and Drug Addcition (EMCDDA), 2004.

(2) Avis sur la pertinence des services d'injection supervisée Analyse critique de la littérature, Institut national de santé publique du Québec, 2009.

(3) Harm reduction : evidence, impacts and challenges - Chapter 11 : Drug consumption facilities in Europe and Beyond, European Monitoring Center for Drugs and Drug Addcition (EMCDDA), 2010.

(4) Réduction des risques chez les usagers de drogues - Synthèse et recommandations, Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 2010.

Par Tristan VeyJournaliste web, lefigaro.fr

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http://www.dna.fr/fr/edito/info/3620393-Olivier-Picard-Shoot-politique

Olivier Picard
le 13/08/2010 04:02

Shoot politique
Encore une injection de passion ! Et sur certains dossiers comme celui qui agite la scène politique depuis hier, elle est particulièrement nocive.

Peu de débats peuvent susciter autant de polémiques que les « espaces surveillés de consommation de drogue ». L'exactitude de l'intitulé a son importance tant l'expression « salle de shoot », utilisée avec complaisance par certains médias, véhicule un imaginaire glauque qui suggère à lui seul la relégation.

Pour traiter d'une question de société aussi sensible, il faut - paradoxalement - évacuer les a-priori moraux, les préjugés et les convictions trop tranchées. L'examiner froidement, avec autant d'humanité que de lucidité. Discuter. Écouter tous les experts, les médecins, les consommateurs. Réfléchir sans être paralysé par trop de rigidités intellectuelles. On peut comprendre à la fois les réserves du président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues - qui estime philosophiquement discutable la création de tels centre - et les espérances des psychologues qui voient dans ces lieux le moyen d'organiser l'accueil des drogués et de surveiller l'hygiène de leurs pratiques.

Le problème qui est posé n'est pas celui d'une tolérance, d'une facilité ou même d'une indulgence à l'égard des addictions. C'est une affaire de santé. Vaut-il mieux laisser les toxicomanes se mettre en péril en se piquant n'importe comme au fond d'une cave ou affronter la réalité de leurs vies ?

La solution de facilité consisterait à se voiler la face sur une réalité de nombre de quartiers difficiles au nom de l'ordre et des principes. Mais nier que l'ouverture de telles salles pourrait créer un appel d'air pour le trafic serait une démarche tout aussi aveugle et irresponsable.

La solution, on le voit bien, c'est une réponse pragmatique, humaine, savamment dosée. Pas le couperet d'un décret d'interdit ou de généralisation. Et voilà que les politiques se déchirent sur un sujet aussi grave, là où ils devraient conjuguer leurs intelligences, car il n'est ni de droite, ni de gauche.

On reste stupéfait devant la dureté et la brutalité avec lesquelles François Fillon a rejeté sans appel les propositions ouvertes de Roselyne Bachelot et Nadine Morano, ses ministres, suivies par des grands maires, courageux et réalistes, comme l'UMP Jean-Claude Gaudin.

Le gouvernement ne pourrait-il pas prendre le temps d'étudier sereinement un phénomène qui concerne, et ruine la vie, de tant de jeunes ? Ou préférera-t-il asséner une idéologie fermée qui flatte l'aile la plus dure, et au delà, de son électorat ?

Olivier Picard

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http://www.lemonde.fr/idees/chronique/2010/08/12/le-gouvernement-du-cafe...

Chronique d'abonnés
Le gouvernement du « Café du commerce »

par ALAIN SEGURET, Citoyen du monde
12.08.10

« La priorité de Matignon est de réduire la consommation de drogue, non de l'accompagner, voire de l'organiser », a fait savoir hier François Fillon. Les salles de consommation de drogue, sous surveillance médicale, ne sont « ni utiles ni souhaitables », éructait notre honteux gouvernement.

Même sans être un militant social fortement expérimenté, on ne peut qu’être choqué. Ignorance crasse ! Ils ne savent même pas que les drogues consommées souvent par injections faites à l’aide de seringues issues de récupérations hasardeuses sont causes importantes de la dissémination du sida en Europe.

Même s’ils ignorent tout du souci de la santé publique, ils devraient, éventuellement, pouvoir comprendre que le contrôle médical permet d’éviter les surdoses, de ne pas enrichir les trafiquants, de lutter contre certaines maladies, d’entamer des processus de désintoxication, de diminuer le nombre d’attaques par des personnes en manque, à la recherche d’argent, etc. Lamentable !

Jamais nous n’avions eu, dans notre pays, de gouvernement qui détermine son action en fonction des discussions du café du commerce, de piliers de bar ignorants et avinés, qui ne savent pas même de quoi ils parlent. Cette politique pue la « haine de l’autre » et ceux qui la soutiennent devraient se dire qu’à jouer avec la haine, ils risquent, un jour, de se retrouver, eux aussi, du mauvais côté de la barrière.

Accusations gratuites portées contre des humanitaires, non rémunérés, que ce gouvernement accuse, sans preuves ni indices, de façon systématique, de développer la consommation de drogue. C’est vraiment le degré zéro de la politique. Celui qui mène au fascisme. Celui qui mène au saccage des campements de Roms par des bandes incontrôlées assurées (à tort ou à raison ?) d’avoir le soutien des pouvoirs publics.

Ce gouvernement devrait être démis pour appel au trouble de l’ordre public. La responsabilité personnelle de ses membres devrait être engagée pour incitation à la violence. Mais y a-t-il un seul politique, un seul élu des citoyens, capable d’assumer ses responsabilités ? Dans les années 1930, c’est, entre autres, la démission généralisée des gouvernants qui a permis l’installation du fascisme. Mais au moins y avait-il une opposition courageuse.

Aujourd’hui, plus rien. Soumission, égoïsme, lâcheté ont gangrené l’ensemble du monde politique. C’est là-dessus que compte ce gouvernement, parce que pas un citoyen ayant un minimum de conscience humaine ne pourra plus voter pour des lâches.

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http://www.ladepeche.fr/article/2010/08/13/888292-Enfer-et-Paradis.html

Publié le 13/08/2010 08:13 | Dominique Delpiroux

Enfer et Paradis

Il y a toujours un malaise avec la drogue. Cela vient sans doute de notre culture judéo-chrétienne, empêtrée dans des notions de péché, de culpabilité, de rédemption. Se droguer, c'est pénétrer par effraction dans le Nirvana ou le Walhalla. C'est forcer les portes du Paradis et voler quelques bribes de la félicité éternelle, entrer dans la grâce par la porte dérobée. Or, notre vie ne doit être qu'une vallée de larmes si l'on veut espérer qu'On nous ouvre en grand les portes du Royaume.

Cette répugnance pour la drogue de notre société allait encore récemment, dans les hôpitaux, jusqu'à écarter la morphine pour soulager les malades : cette molécule était considérée comme dangereuse. On l'accusait, en partie à tort, de créer une dépendance. On préférait voir le malade souffrir, ce n'en était que meilleur pour sa rédemption. Longtemps le traitement de la douleur a été pollué par ces réflexes obscurantistes.

À l'évidence, la drogue délivre un aller simple non pas pour le Paradis mais bien pour l'Enfer. Le professeur Claude Olievenstein, pionnier de l'aide aux toxicomanes, en avait fait le titre de son premier livre : « Il n'y a pas de drogués heureux ». Les toxicologues d'aujourd'hui vous diront toujours que la drogue, c'est la rencontre d'un homme et d'un produit. Traduisez, la rencontre d'une histoire, d'une souffrance, d'une solitude, d'une exclusion avec une béquille chimique ou alcoolique, avec laquelle on essaye d'avancer un peu plus loin dans la vie.

Le malheur est que, sans attendre le Jugement dernier, la drogue fait toujours payer très vite et cher ses services frelatés. Elle fait ployer l'échine et la raison, elle soumet la volonté, détruit la personnalité, quand, en cruauté subsidiaire, elle ne transmet pas le sida ou l'hépatite. Le drogué passe alors du malheur au cauchemar. Dans cette impasse désespérée, est-il besoin une fois de plus de faire payer à ceux qui se retrouvent au fond de la seringue, leur « faute » originelle ?

Face au fléau de la drogue, bien des pays ont fait le choix du pragmatisme face à la morale. Créer des centres d'injection supervisés, c'est tendre la main à une humanité qui a besoin de soins, et non pas, une fois de plus, d'humiliation et de rejet. Combien d'anciens toxicomanes sont devenus des maillons précieux de notre société ? Faut-il alors laisser ces malheureux à la rue, au VIH, à l'overdose et aux trafics ? Ce serait une fois de plus le triomphe de l'idéologie de l'exclusion et le dos tourné à la compassion. Vous avez dit « morale » ?

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