Drogues et stupéfiants - Le drame des enfants : La prison, le sida et la rue...

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Drogues et stupéfiants - Le drame des enfants : La prison, le sida et la rue

lundi 1 mars 2010 - Par L'intelligent d'Abidjan

La Côte d’Ivoire, le temps d’une crise armée qu’elle traîne depuis septembre 2002, expérimente la drogue dans toutes ses facettes. Sa jeunesse s’est empêtrée dans ce vilain fléau et se voit consumée au fil des années. Entre chantages des forces de l’ordre, qui en rajoutent davantage à leurs souffrances, conditions difficiles de détention dans les prisons et l’hypothétique réinsertion sociale, les enfants toxicomanes en appellent à une solidarité plus accrue pour démanteler l’un des plus gros réseaux de drogues de la sous-région ouest africaine, qui prend pied en Côte d’Ivoire.

Abobo Plaque I, un quartier populaire d’Abidjan. Une baraque métallique rouillée. Longueur 2 mètres, largeur 2 et une hauteur d’à peine 1,5 mètre. Un écriteau affiche à l’entrée : Play Station 2. A l’intérieur, deux postes téléviseurs, deux décodeurs, quatre manettes, quatre bancs et Touré, le propriétaire des lieux a son entreprise, une salle de jeux vidéo. Une dizaine de gosses crient et s’adonnent à leur hobby : le football en jeu vidéo. En cette année de la coupe du monde en terre africaine, la passion du sport roi se pratique et se vit dans les bas quartiers. Les gosses de familles démunies, très pauvres pour s’offrir des décodeurs et programmes de jeux vidéo à 200.000 FCFA (500 $US), se rabattent sur des stations de fortune. Les lieux ne désemplissent pas. Du lever du soleil jusqu’à la fermeture à 22H00 GMT, les mises se succèdent. Il faut payer 50 FCFA les 10 minutes que dure un match de football, au lieu des 90 minutes réglementaires. Drogba, Michael Essien et Chelsea, Samuel Eto’o et la passion du foot font la bonne affaire de Touré. Mais les jeunes gens ont la peur au ventre, la hantise de la visite de la police de la Drogue et des stupéfiants, des éléments du Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCOS), spécialisés dans la lutte contre le banditisme. Les salles de jeux vidéo dans les quartiers populaires sont assimilées, à tort ou à raison, aux lieux de vente et de consommation de drogue, appelés les fumoirs. Quand Les autorités de la Police des drogues et stupéfiants ont lancé une opération de destruction tous azimuts de ces repaires. La lutte bute en partie contre la détermination des enfants à user de leurs droits aux jeux et à la distraction. A Play Station 2 d’Abobo Plaque I, des jeunes gens montent la garde. Diarra (19 ans en classe de 1èreD), Narcisse (20 ans, classe de 1ère D), Lopez (20 ans, Etudiant à l’Université d’Abobo), Maxime (16 ans, classe de 3è) et Hamed (17 ans, classe 3è) sont de faction. Les premiers flics, même déguisés, sont vite détectés et un sauve-qui-peut généralisé est décrété.

Les gosses dans les filets de la police
Diarra, Narcisse, Lopez, Maxime et Hamed affirment avoir été témoins de ce qu’ils appellent des campagnes de chantages et d’escroqueries orchestrées par les forces de l’ordre. « Plusieurs fois, ils sont venus ici ; ils ont embarqué tous ceux qu’ils trouvaient dans la salle de jeux et aux alentours. Ils vous emmènent daredare. Qu’ils aient trouvé la drogue ou pas sur vous, ce sont eux qui ont toujours raison », soutiennent-ils. Les parents sont convoqués par la suite pour répondre des actes de leurs enfants, pour la plupart des mineurs. Il faut payer de fortes sommes d’argent, allant de 50.000 FCFA à 200.000 FCFA (125 à 500 $US) pour obtenir la liberté de sa progéniture. « Les parents sont condamnés à s’exécuter, puisque le délit de détention de drogue à lui seul en Côte d’Ivoire est sévèrement réprimé ; il conduit tout droit en prison pour au moins un an ; et les méthodes utilisées par la police est des plus vicieuses », confie K. Christophe. Chauffeur de taxi compteur, il a dû casser son tire lit, pour voler au secours de son neveu Bahi M., pris dans le filet de la police un jour d’avril 2009. L’homme soutient que son protégé, âgé de 17 ans, venait d’être victime d’un grave accident de la circulation qui lui a laissé des séquelles quelques mois plutôt. Renversé par un « chauffard » en septembre 2008, Bahi a été traumatisé par de graves blessures occasionnées à la tête. « Mon neveu vivait difficilement sa convalescence et présentait l’aspect d’un malade mental. Il sortait régulièrement pour des destinations inconnues et passait le clair de son temps dans les salles de jeux vidéo. La police a débarqué un jour dans la salle de jeu et a embarqué tous les enfants qui s’y trouvaient, les accusant de consommation et détention de drogue », précise K. Christophe. La suite est renversante. « Nous étions au départ une vingtaine de gosses et nous jouions au foot sur vidéo ; on nous a chicotés et fait promener partout avec la fourgonnette de la police. C’est un peu plus tard que j’apprends que nous avons été arrêtés pour consommation et détention de drogue. Pourtant, je ne connais pas ce que c’est que la drogue. Mes amis ont fait appeler leurs parents, qui ont misé sur-le-champ. Ma tante qui a été avertie la première a cherché à savoir la vérité sur mon sort. Les flics m’ont sommé de soutenir leur version des faits, au risque de partir pour longtemps en prison ; alors que j’étais innocent », explique Bahi M. Qui relate « qu’il a fallu que les oncles et tantes se cotisent pour réunir la somme de 50.000 FCFA », pour acheter sa liberté dans quel commissariat. Cette affaire a jeté l’émoi dans la communauté Dan (ethnie de l’Ouest de la Côte d’Ivoire) d’Abobo Plaque II. Qui a dû lever des cotisations pour aider l’enfant à s’éloigner de la capitale économique, pour changer d’air, loin de ses bourreaux de policiers. Adaye Kouassi Bouo (30 ans), nanti d’un Brevet de technicien supérieur (BTS Informatique), gérant de cabine téléphonique et propriétaire de salles de jeux vidéo à Abobo Plaque II, dit avoir souvent fait violence sur sa timidité pour affronter les forces de l’ordre. « C’est évident que les enfants se battent souvent dans les salles de jeux, suite aux paris qu’on appelle Konami ; et les forces de l’ordre combattent les paris au cours des jeux. Moi j’ai interdit ces paris chez moi. De toute façon, les forces de l’ordre cherchent toujours des arguments pour prendre de l’argent aux gens. Mais moi, je ne suis pas prêt à céder au chantage », déclare ce jeune diplômé. Surnommé « La conscience positive de la jeunesse », l’homme raconte l’une de ses nombreuses déconvenues avec les forces de l’ordre : « Une fois, ils ont débarqué chez nous et ils ont demandé aux enfants de se mettre en rang. Ils contrôlaient les doigts et à partir de leurs constats, ils les embarquent ; parce qu’ils disent reconnaître les drogués par les bouts des doigts. Je suis parti avec les enfants au camp Commando de la gendarmerie. Moi, ils ne m’ont rien fait, parce qu’ils ont affirmé que ce n’est pas à cause des jeux qu’ils ont pris les enfants. On leur a collé des délits de consommation de drogue. Mais les parents ont dû payer, avant que leurs enfants soient relâchés vers midi ; d’aucuns sont passés par leurs connaissances dans le rang des forces de l’ordre pour obtenir la libération de leurs enfants ». Adaye Kouassi Bouo déplore encore cette scène, plusieurs mois après. Parce que par la suite, dit-il, ses bons rapports avec les parents de ses jeunes clients ont été brouillés. Puisque, pour notre diplômé gérant de cabine téléphonique et salles de jeux vidéo, ces derniers se sont sentis frustrés, grugés et escroqués. C’était le prix à payer. Tant pis pour les pauvres ! Ils sont déférés devant le parquet et doivent subir toutes les rigueurs de la loi. « Ce sont ceux qui n’ont pas d’argent qui vont en prison dans le domaine de la drogue. Les policiers ont des arrangements pour libérer les consommateurs et vendeurs de la drogue. C’est un cycle ; les gens disent que les policiers connaissent bien le circuit et quand ils te prennent, c’est pour te prendre de l’argent », affirme un spécialiste de rééducation des marginalisés. Chaque semaine, selon les sources proches de la Direction de la Police des stupéfiants et de la drogue (DPSD), ce sont près de 50 à 70 personnes qui sont appréhendées, pour consommation, détention et vente de drogue. Ces dizaines de personnes sont déférées devant les parquets d’Abidjan Plateau et Yopougon. « Nous, nous n’avons pas d’états d’âme. Nous ne faisons pas de différence entre les enfants consommateurs de drogue et les adultes. Quand on arrive dans les fumoirs, on ramasse tout le monde, vendeurs, consommateurs et propriétaires des lieux. C’est ce qui fait que les fumoirs ont dimunié à Abidjan », se défendent des agents de la DPSD. Et de préciser qu’il appartient au parquet de les poursuivre ou de les libérer ; ou encore le juge des enfants est saisi pour confier la garde des cas de mineurs à une structure spécialisée. Les policiers rejettent du revers de la main les accusations portées contre eux, tendant à faire croire que les enfants sont des saints abusivement arrêtés. « Les gens racontent des histoires. Nous prenons souvent des élèves et des étudiants avec la drogue. Ces enfants n’ont pas de suivi. Leurs parents sortent à 05H du matin pour revenir tard la nuit à la maison. Les enfants ont tout le temps d’aller dans les fumoirs. Les parents sont étonnés quand ils découvrent que la police a découvert la drogue sur leurs enfants. Les gens aiment jeter facilement le discrédit sur la police. Si c’était le cas, on peut aller à Adjamé, où il suffit de garer un cargo et le tour est joué… », rétorquent-ils ? Et de révéler quelques techniques pour détecter les toxicomanes : « Le toxicomane est toujours dans un fumoir ; quand on voit un toxico, on le reconnaît tout de suite par son accoutrement et son comportement ; son état de dépendance saute à l’œil ; les lèvres et les doigts sentent la brûlure etc. ». Selon ces spécialistes, il n’y a pas de confusion possible à entretenir entre un toxicomane et celui qui fume de la cigarette, même des paquets chaque jour. « La cigarette, bien que nocive et dont l’abus conduit à terme au cancer, n’agit pas sur l’aspect physique. La drogue, quant à elle, défigure, dénature, pâlit. A la longue, elle fait apparaître des boutons sur la peau », tranchent-ils. A Abidjan Plateau, le président du tribunal pour enfants Yoro Hervé affirme, « qu’il arrive que des jeunes gens soutiennent qu’ils n’ont pas été saisis avec de la drogue ». Cela embarrasse puisque, précise-t-il, « chaque prévenu est accompagné avec le corps de son délit ; et on ne peut pas d’emblée attester qu’une drogue trouvée dans un lieu appartient à une personne précise ». Le magistrat marque cependant son étonnement que la police utilise ce moyen pour extorquer de l’argent aux enfants et à leurs parents. Dans tous les cas, le juge des Enfants au tribunal de première instance d’Abidjan dit veiller au grain. « Un mineur de moins de 18 ans, quel que soit le délit qu’il commet, ne peut être tenu pour responsable. La législation est assez souple à l’égard des enfants ; que ce soit pour consommation de drogue ou pour tout autre délit. On cherche plutôt à aider l’enfant qu’à le condamner de façon systématique », révèle le magistrat. Qui précise que « les enfants ne sont pas traités de la même façon qu’un adulte ». De façon courante, les toxicomanes mineurs pris à leurs premiers essais, sont soit remis à leurs parents, soit admis dans le Centre d’observation des mineurs (COM) où les conditions de vie sont acceptables; soit confiés à une structure spécialisée après la prise par le juge d’une ordonnance de garde provisoire (OGP). C’est ce qui explique, en partie, que la plupart des gosses reprennent le chemin des fumoirs. Yoro Hervé atteste bien que 2 enfants sur 5 sont des récidivistes en matière de consommation de la drogue douce (Cannabis). Dans ces conditions, ils sont mis sous mandat de dépôt et devront vivre les dures réalités de l’univers carcéral.

La prison, le sida et à la rue
Les jeunes en Côte d’Ivoire, dont la plupart s’essaient à la drogue, devront certainement compter avec l’austérité de la police des Drogues et stupéfiants, de la section anti-drogue de la Gendarmerie nationale et du Centre de commandement des opérations de sécurité (CeCOS), l’une des unités de lutte contre le banditisme. C’est à leur corps défendant, que nombre d’entre ces gosses, arrivés dans ce milieu par curiosité, se retrouvent subitement en conflit avec les lois de la société. Et réalisent désagréablement que le traitement de faveur pour mineurs de moins de 18 ans n’existe qu’en théorie. En fait, la plupart de toxicomanes n’ont pas de pièces d’identité sur eux au moment de leur arrestation. Et comme en Afrique, la petite taille peut bien cacher une majorité bien consommée, les forces de l’ordre mettent tous leurs prévenus dans le même sac. La seule concession qui est faite lorsque l’évidence de la minorité saute à l’œil, c’est de convoquer les parents, « pour dealer avec eux avant que l’affaire aille loin ». Autrement, les conditions de détention dans les violons sont identiques. Abou (17 ans), aujourd’hui pensionnaire dans un centre de réinsertion des marginaux rappelle son calvaire : « Le CeCOS nous a pris vers le collège les Grâces ; on nous a battus à sang. Mes parents ne voulaient plus intervenir pour qu’on me relâche, parce que plusieurs fois j’ai été pris et libéré. On nous a mélangés avec les vieux bandits de grand chemin ; depuis vendredi jusqu’au lundi avant d’être déférés au parquet ». Mais la chance lui a souri, puisque la justice a confié sa garde à un centre spécialisé de la place. Pour les moins chanceux et les récidivistes reconnus comme tels par le tribunal, témoigne l’adolescent, ils ont été jugés et mis sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA). Qui abrite des centaines de gosses en conflit avec la loi. Pour la plupart, ils y sont détenus pour consommation de drogue et vol. Le surpeuplement de la MACA (plus de 7700 pensionnaires pour 3000 places initialement, selon un rapport très récent du Mouvement ivoirien des droits de l’Homme- MIDH) en rajoute à la misère des enfants. Qui deviennent des récidivistes notoires au contact des caïds. L’homosexualité et la prostitution pour survivre à la faim. Toutes choses qui exposent les jeunes gens à la tuberculose et au sida. L’autre désastre des maisons d’arrêt et de correction dans les prisons en Côte d’Ivoire. « La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan ne répond pas aux normes internationales des maisons carcérales. La prison est surpeuplée et il n’y a pas de commodités pour l’intimité des pensionnaires. Ces prisonniers privés de rapports sexuels pendant des années sont obligés de sodomiser leurs camarades et c’est souvent sur les plus jeunes qu’ils se déchargent », expliquent des gardes pénitenciers. Les prisons de Côte d’Ivoire, notamment de Dabou, Daloa, Dimbokro, Bouaké etc. sont transformées en de véritables mouroirs. Tant pour les adultes que pour les mineurs. Mais lorsque les parents ou des ONG réagissent à temps, le juge prend une décision pour confier la garde provisoirement à des personnes physiques ou à des institutions spécialisées. C’est le pari que le BICE (Bureau international catholique de l’Enfant) et le Centre de réhabilitation Erb Aloïs (CREA) sis à Yopougon Toit Rouge tentent de relever depuis plusieurs années. Depuis 1993, ils assurent les gardes provisoires des adolescents, âgés de 13 à 18 ans. La durée moyenne de la garde provisoire varie de 6 à 8 mois. Avec une capacité de 30 personnes, qui vivent en régime d’internat. Dans le cadre d’un vaste programme d’appui à l’application durable des droits fondamentaux des enfants en conflit avec la loi et/ou privés de liberté, le BICE dispose de centres similaires à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan, à la prison civile de Bouaké, à Niangon Lokoua Amigo Doumé, à Bassam avec le centre Abel, à Dabou. Il s’agit de veiller à ce que les enfants ne soient pas traités comme les adultes, de sorte que le recours à la répression soit l’exception, au lieu d’être érigé en règle. « Nous veillons au respect des procédures dans les commissariats de police et donnons à ces enfants un espoir de revivre sainement dans la société. Ce sont des enfants qui peuvent se ressaisir. On peut aider les enfants à changer et nous sommes à la tâche », explique Joël Koffi, l’Assistant juridique de CREA. D’où le programme de formation aux métiers de cordonnerie, menuiserie, mécanique, savonnerie initié à l’intention des pensionnaires de CREA. Le regret ici, c’est qu’à la fin de leurs séjours, nombre d’anciens pensionnaires ne sont pas suivis. Le programme ne prévoit pas leur installation et les parents ne font pas l’effort de les aider à exercer les métiers qu’ils ont appris. Il est courant qu’ils renouent avec la rue et la toxicomanie. Pis, avec la fin des financements de l’Union Européenne, les difficultés des centres de rééducation s’accroissent. Les activités se limitent désormais aux appuis alimentaires dans les prisons. Les rythmes des inspections dans les commissariats de police ont considérablement baissé. De la fréquence critique d’une visite par semaine dans chacun des 32 commissariats de police d’Abidjan, les agents de CREA se contentent désormais à une seule présence par mois. Le centre chrétien REMAR, qui aide les personnes en difficultés, particulièrement des enfants qui ont eu à fréquenter le milieu de l’alcool, la prostitution et la drogue en Côte d’Ivoire depuis 1996, veut donner un contenu plus efficace aux programmes de réinsertion des marginalisés. Les membres, selon Koko Louis, chargé de communication de REMAR-Côte d’Ivoire, agissent dans les fumoirs, à la Rue Princesse de Yopougon (le lieu de perversion le plus célèbre d’Abidjan) et dans les prisons. « Nous avons une campagne dénommée Ange de nuit, qui consiste à aller dans les ghettos que nous avons connus en tant qu’anciens toxicomanes, pour évangéliser. Nous leur offrons du thé et du café pour débuter et nous leur faisons comprendre qu’en quittant la rue, nous leur offrirons un toit, trois repas chauds par jour gratuitement, parce que Jésus Christ nous l’a offert gratuitement. Nous déplaçons souvent des orchestres dans les quartiers où nous organisons des séances publiques de prières », confie Koko Louis. REMAR-Côte d’Ivoire compte aujourd’hui 600 pensionnaires installés dans les centres de Yamoussoukro, Bouaké, Daloa, Anyama, Aboisso, Attinguié, à Abidjan à la MACA et en plein cœur de Yopougon Selmer non loin de la Rue Princesse. Les pensionnaires donnent l’impression de s’intéresser véritablement aux métiers de commerçant, de tapissier, d’informaticien, qu’ils ont appris et qu’ils exercent dans les boutiques REMAR. Mais bien de jeunes gens voudraient une réintégration sociale complète après avoir suivi toutes les phases de rééducation (changement d’habitudes sur trois mois, étude des valeurs religieuses et de la Bible sur trois mois et la dernière phase consacrée à la formation et à la réinsertion). C’est à ce niveau que le bas blesse à chaque fois. Puisqu’il n’existe pas de structures étatiques pour aider à la désintoxication et la réinsertion des toxicomanes. Les structures privées telles que le BICE, le REMAR et bien d’autres ne sont pas suffisamment équipés et montrent dans l’ensemble des limites à mener la lutte. Du coup, le cycle de la toxicomanie se reconstitue rapidement.

Sur les traces des vrais dealers
Les récriminations et accusations contre les structures de la lutte contre les drogues et les stupéfiants en Côte d’Ivoire abondent. De la part des habitués des fumoirs et dealers, il y a de quoi s’interroger. BKL, 27 ans, ancien produit des fumoirs, plusieurs fois condamné à des peines de prison ferme, travaille aujourd’hui dans une maison pour la réinsertion des marginaux dans la capitale politique Yamoussoukro. Sa confidence est édifiante : « J’ai fait plus de 9 ans à prendre la drogue et même à travailler pour les dealers de tous horizons. J’étais prêt à tout ; j’utilisais les gens et j’étais prêt à être utilisé. Je peux affirmer haut et fort aujourd’hui que la majeure partie de la drogue sur le marché est fournie par la Police de la drogue et des stupéfiants. Ils revendent dans les fumoirs la drogue saisie sur les trafiquants. Ceux que la police appréhende et défère devant le parquet constituent les maillons faibles, vulnérables ». Des propos confirmés à mots voilés par des éléments de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS). « Les Stup (Ndlr : Police de la drogue et des stupéfiants), c’est une vraie mafia. Et puis, il n’est pas donné à tous les policiers d’intégrer cette unité. Tous les efforts que j’ai fournis pour y être admis sont restés vains. C’est une histoire de gros sous, parce qu’après, tu récoltes gros », confie, très amer cet Adjudant chef de police. Et de révéler que chaque flic des Stup protège un ou plusieurs fumoirs. « Les Stup annoncent qu’ils détruisent des fumoirs, je veux bien croire ; mais il y a des fumoirs auxquels ils ne touchent jamais ; donc ça ne peut jamais finir », ajoute-t-il. Vrai ou faux, le constat est cependant très net: le marché de la drogue fleurit dans le district d’Abidjan, au moment même où les autorités policières intensifient les actions de répressions sur le terrain. Nos investigations ont révélé que la Côte d’Ivoire produit du cannabis en abondance. Cette drogue est cultivée dans presque toutes ses régions forestières. Le cannabis, qui est une herbe, est planté dans les champs de cacao, de café et d’hévéa. En attendant d’atteindre des chiffres significatifs, la Côte d’Ivoire compense son manque à gagner avec le Ghana voisin. Qui fournit au marché ivoirien 90% de sa production en cannabis. Le trafic de drogue est très actif entre la Côte d’Ivoire et le Ghana par leur frontière commune de Noé-Elibu. La voie fluviale par l’océan Atlantique est très exploitée. Avec des bateaux de fortune, des pirogues qui ravitaillent la côte en drogue, carburant et diverses marchandises non déclarées en douane. Selon des autorités policières, ce sont des tonnes de cannabis qui sont saisies chaque année à la frontière ivoiro-ghanéenne. Ici, le colis de 5 Kilogrammes de cannabis étant vendu à 20.000 FCFA, la plupart des jeunes ont vite fait leur calcul. Ils sont parvenus à la conclusion que la culture de cannabis est dix fois plus rentable que celles du cacao et café vendus en moyenne à 500 FCFA le Kilo. Le 30 décembre dernier, la section anti-drogue de la Gendarmerie Nationale a procédé à la destruction d’une importante quantité de drogue en présence du substitut du Procureur de la République, M. Adou Koffi et du directeur de la sécurité du Port Autonome d’Abidjan, M. Bilé Cyriaque. Ce sont plus de 900 kg de drogue représentant les saisies effectuées au cours du dernier trimestre de l’année 2009 qui ont été détruits par le Capitaine Kpan Koui et ses hommes de la section anti-drogue de la Gendarmerie Nationale. Ces 900 kg de drogue ont été saisies à divers endroits, dont 700Kg de cannabis saisis à Port-Bouët Marché de nuit, un quartier en bordure de la mer ; où les bateaux en provenance du Ghana viennent accoster ; 210Kg à Ossybissase à la frontière ivoiro-ghanéenne. Selon les services de communication de la Gendarmerie nationale, la cellule anti-drogue de Yamoussoukro a procédé à l’arrestation de Konan Kouamé Mathurin. Un repris de justice installé dans le village de Zéré, situé dans la sous-préfecture de Yamoussoukro, qui s’adonnait à la culture et à la commercialisation du cannabis. Les cent (100) kilogrammes de cannabis saisis à son domicile ainsi que son champ ont été détruits. Ce champ est le troisième que la cellule anti-drogue de Yamoussoukro a détruit dans la région des Lacs en l’espace d’un mois. Des sources proches de la DPSD affirment que plus 2000 fumoirs, ont été détruits à Abidjan et banlieue depuis 2006. Le marché ivoirien accueille également des drogues fortes. Selon des spécialistes, la cocaïne et l’héroïne proviennent des pays d’Asie, du Mexique et du Brésil. Ces puissantes drogues transitent par les pays limitrophes tels la Guinée Bissau, la Guinée Conakry pour entrer en Côte d’Ivoire. D’où elles sont embarquées pour l’Europe. Un circuit difficile à démanteler. Et ce sont les enfants qui paient le lourd tribut, au risque même de leur vie. Malheureusement !

Par Edouard GONTO

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