Traitement clément de Jaffer : les Conservateurs peu bavards

La Presse Canadienne, le 9 mars 2010

Les conservateurs, qui ont fait de la lutte contre le crime une priorité et sont traditionnellement prompts à dénoncer les peines «bonbons», se sont montrés peu bavards à l'égard du traitement clément accordé par la justice ontarienne à l'ex-député conservateur Rahim Jaffer.

L'ancien député, également mari de la ministre d'État à la condition féminine Helena Guergis, avait été accusé au criminel de possession de cocaïne et de conduite avec les facultés affaiblies.

Mardi, il s'en est tiré sans casier judiciaire, avec une amende de 500 $, plaidant uniquement coupable à une accusation de conduite imprudente en vertu du Code de la route ontarien.

Un traitement que la libérale Anita Neville a rapidement qualifié de «double standard» en Chambre devant des députés conservateurs outrés.

Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a refusé de répondre à ses questions, les jugeant «irresponsables», insistant sur le fait qu'il ne devrait jamais y avoir d'interférence politique dans les dossiers judiciaires du pays.

Pourtant, les Conservateurs ne se gênent pas, de façon générale, pour critiquer le travail des juges et s'insurger contre des peines qu'ils ne considèrent pas suffisamment sévères, ont noté les partis d'opposition.

Les députés conservateurs interrogés sur le sujet à leur entrée ou leur sortie de la période de questions mardi ont majoritairement refusé de s'arrêter pour répondre aux questions des journalistes.

Le député de Lévis-Bellechasse, Steven Blaney, a argué qu'il n'était pas approprié de commenter sur le cas de Rahim Jaffer au nom de la séparation entre les pouvoirs politique et judiciaire. Lorsqu'on lui a demandé s'il cesserait de commenter les sentences des Vincent Lacroix et Earl Jones de ce monde qu'il juge trop peu sévères, il a malgré tout répondu: «pas nécessairement».

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Helena Guergis démissionne

(Ottawa) Accablée depuis plusieurs semaines par des allégations gênantes, la ministre d'État à la condition féminine, Helena Guergis, a démissionné de son poste. Le premier ministre Stephen Harper l'a confirmé, vendredi midi, dans un point de presse de dernière minute tenu devant les portes de la Chambre des communes.

M. Harper a expliqué que son bureau avait été mis au courant hier soir, soit jeudi, d'«allégations sérieuses en ce qui a trait à la conduite» de la ministre. Il n'a pas voulu préciser quelles étaient ces allégations. Il a cependant référé le dossier au commissaire à l'éthique et à la GRC.

«Mme Guergis a offert sa démission du ministère et je l'ai accepté», a-t-il dit. Il a ajouté qu'en attendant l'issue des enquêtes, Helena Guergis sera exclue du caucus conservateur. Elle siégera donc comme députée indépendante, et c'est la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose, qui prendra en charge son portefeuille de la condition féminine.

La ministre Guergis et son mari, l'ancien député conservateur Rahim Jaffer, sont au centre d'une tempête médiatique, politique et juridique, depuis plusieurs mois. M. Jaffer a été arrêté en septembre pour conduite avec facultés affaiblies et possession de cocaïne. Il a finalement plaidé coupable à une accusation réduite de conduite dangereuse et a été condamné à une amende de 500 $, le mois dernier.

Il y a un mois et demi, la ministre Guergis avait dû s'excuser pour avoir fait une crise à l'aéroport de Charlottetown après qu'un agent de fouilles lui ait demandé d'enlever ses bottes pour passer les points de sécurité.

Depuis, les nouvelles révélations sur le couple arrivent presque chaque jour dans les médias canadiens. Jeudi, un article publié dans le Toronto Star a indiqué que M. Jaffer utilisait le téléphone Blackberry de sa femme, payé par les contribuables. L'enquête du quotidien torontois raconte aussi en détails la soirée, bien arrosée, qui s'est soldée par l'arrestation de M. Jaffer en septembre.

Le quotidien Ottawa Citizen a aussi publié un article vendredi matin, disant qu'Helena Guergis avait réclamé un remboursement de la part de contribuables pour l'achat de souliers et de vêtements de jogging, à la suite de la dernière campagne électorale. La semaine dernière, c'était l'achat d'une coûteuse maison, à Ottawa, avec une hypothèque de 880 000 $, qui avait fait les manchettes des journaux. Deux des employés de Mme Guergis ont aussi admis avoir envoyé des lettres aux médias, vantant les qualités de la ministre, mais sans s'identifier comme faisant partie de son équipe.

Les partis de l'opposition avaient réclamé la démission de la ministre, mais M. Harper avait pris sa défense jusqu'à aujourd'hui. Mme Guergis était ministre depuis 2008.

Précisions réclamées

«(C'est) une autre étape de cette histoire sordide et ça devient à notre avis de plus en plus sérieux», a réagi le chef libéral, Michael Ignatieff, quelques minutes après le point de presse de Stephen Harper.

M. Ignatieff a affirmé que le premier ministre avait le devoir de clarifier la situation. « Peut-être que le gouvernement espère que le nuage va passer. On ne peut pas attendre. Il faut que l'on soit clair sur la nature des allégations. Il faut laisser la GRC faire son travail mais comme je l'ai dit, il faut dissiper les nuages et il faut le faire le plus rapidement possible », a-t-il dit.

Mais le premier ministre Harper et son porte-parole, Dimitri Soudas, ont refusé d'en dire davantage sur la nature des allégations, ni même s'il s'agissait d'allégations qui avaient déjà circulé au cours des dernières semaines.

«Ces allégations ont rapport à la conduite de Mme Guergis et n'impliquent aucun autre ministre, député, sénateur ou employé du gouvernement fédéral», a martelé Stephen Harper.

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