Pot et propagande : Mon pot est plus fort que le tien (janvier 2005)

Tout le monde n’est pas d’accord avec la légalisation du cannabis, mais la plupart s’entendent pour dire qu’il est plus que temps d’avoir un large débat public sur le sujet. En matière de cannabis, l’opinion publique « est souvent fondée sur des mythes, ou du moins sur un manque d’information », constatait le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites.

Toute cette histoire du pot d’aujourd’hui plus fort que celui des années 1970 est une distorsion des faits, pour dire le moins. Les prohibitionnistes des années 1970, comme ceux des années 2000, prédisaient les pires malheurs aux fumeurs de pot : suicide par défenestration, enfants mongoloïdes, cancers assortis et particulièrement au cerveau, aliénation mentale et autres joyeuses maladies débilitantes. L’usage très répandu du cannabis dans les années 70 leur a donné tort. Aucune de ces prophéties de malheur ne s’est réalisée et les baby boomers sont rentrés dans les rangs après leur crise d’adolescence et leur cégep (lycée). Il fallait trouver un nouveau truc pour continuer de faire peur au monde. De là est née la légende de l’apparition récente du super cannabis.

C’est un fait que dans les années 70, le Québec Green avait un taux très bas de THC (delta-9-tetrahydrocannabinol, la principale substance psychotrope du cannabis). Tellement bas en fait, que presque personne n’en fumait parce qu’il ne leur faisait pas assez d’effet. Du cannabis à 1% de THC, c’est bon pour faire de la corde. Cela ne veut pas dire que l’herbe fumée à cette époque était plus faible en THC que celle fumée aujourd’hui. Les consommateurs avaient le choix entre l’Acapulco Gold avec un taux entre 3 et 5% de THC et le sinsemilla colombien ou jamaïcain à 9 ou 10% de THC, tout aussi concentré que le Québec Gold d’aujourd’hui.

Les statistiques de l’époque démontrent que les ténors de la désinformation prohibitionniste brandissent les taux les plus bas, tout en occultant sciemment les taux comparables à ceux d’aujourd’hui. Voici ce qu’on peut lire dans Cannabis, Rapport de la commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales (Rapport Le Dain), paru en 1972 : « Pour la marijuana, l’éventail était de 0.02 à 3.46% de THC. Mais il peut être plus large, car on a signalé de plus de 10% dans un choix de sommités fleuries et de bractées de marijuana cultivée au Mississipi, en Angleterre et en Jamaïque. » Du pot à 0.02% et même à 1% de THC, c’est une marchandise de mauvaise qualité destinée à arnaquer les clients.

Mais le plus important, c’est que les fumeurs des années 70 se gelaient la bette surtout avec du hashich marocain ou libanais à 10%, voire 15% et plus de THC, avec de l’Afghan, du Cachemire ou du Népalais pouvant contenir jusqu’à 30 ou 40%, ou encore avec de l’huile de hashich à plus de 50% de THC. C’est ce que constataient les auteurs du rapport Le Dain : « D’après les chiffres fournis par la GRC, les saisies de hashich accusent une constante augmentation. Compte tenu de sa teneur en THC, le hashich (qui est cinq à dix fois plus actif que la marijuana) représente une très forte proportion des quantités de cannabis saisies. […] Au Canada, l’usage du hashich est très nettement la forme la plus courante de cannabisme. »

Mais, « on se demande quelle importance peut avoir, dans la pratique, cette différence entre la marijuana et le hashich. Selon de nombreux observateurs, même si la teneur en THC du hashich est cinq à dix fois supérieure à celle de la marijuana, presque tous les usagers règlent les quantités de manière à obtenir un même degré d’ivresse », écrivaient encore les auteurs du rapport Le Dain. De plus, la majorité des fumeurs trouvent désagréable d’être trop stoned. Les buveurs d’alcool ne font pas autre chose lorsqu’ils ajustent leur consommation en fonction de ce qu’ils boivent : une couple de bières OU une coupe de vin OU une shot de fort, ça donne le même buzz.

En conclusion, même si le pot québécois est plus concentré en THC que celui des années 1970, dans les faits, les fumeurs québécois consomment un produit jusqu’à 5 fois moins concentré en THC que le hashich et l’huile de hashich fumés alors. Et le fumeur de pot faible des années 1970 n’avait qu’à fumer un joint deux fois plus gros pour être aussi stoned. Ça s’appelait un « bat », en allusion au bâton de baseball.

Si quelqu’un osait prétendre que le scotch peut induire des psychoses, parce qu’il contient 40% d’alcool, alors que la bière qui n’en contient que 5% est peace’n love, tout le monde le prendrait pour un cave! Plus le niveau de THC est élevé, moins il faut en fumer pour être high, point. Comment des « experts » autopatentés en prohibition peuvent-ils affirmer que le pot à 10% est beaucoup plus dangereux que celui à 5% et être repris texto sans broncher par les journaleux, alors que cela contredit la littérature scientifique et les statistiques de l’époque? Pire, comment peut-on aller jusqu’à prétendre que sa consommation rend fou? Primo, les journaleux ne font pas leur travail et deuxio, comme disait Goebbels : « À force de répéter un mensonge, il devient vrai. » En matière de cannabis, la machine à laver les cervelles tourne à plein régime.

Jean-Marie Laliberté