Les jeunes Canadiens ont plus de facilité à se procurer de la mari que des cigarettes
La Presse, mardi 11 janvier 2005, p. A1
Morissette, Nathaëlle
Dans les cours d'école mêmes, plusieurs jeunes Canadiens ont plus de facilité à se procurer de la marijuana que des cigarettes. C'est du moins ce que révèlent les résultats d'un vaste questionnaire rempli par 16 groupes totalisant 135 jeunes issus de différentes villes du pays- Toronto, Montréal, Regina et Halifax-, et âgés de 10 à 19 ans.
Et cette tendance serait encore plus répandue au Québec, estime Jean-Sébastien Fallu, professeur adjoint à l'école de psychoéducation de l'Université de Montréal.
Selon cette étude, intitulée Recherche qualitative permettant d'aider les jeunes à développer des moyens pour refuser de consommer, commandée par Santé Canada et rendue publique à la fin de l'année 2004, les adolescents réussissent sans problème à acheter du pot, même s'ils savent que c'est illégal. En effet, contrairement aux marchands de cigarettes, les revendeurs de drogue n'obligent pas leurs clients à présenter une carte d'identité pour prouver qu'ils sont bien en âge de consommer. Le grand nombre de vendeurs, qui peuvent parfois être des élèves, faciliterait également l'accès à cette drogue, révèle-t-on.
De plus, plusieurs adolescents interrogés croient que la marie-jeanne est moins nocive pour la santé que le tabac des cigarettes. Cette perception est encore plus forte auprès des jeunes âgés de 10 à 15 ans. «Plusieurs ont l'impression que la marijuana est moins dommageable car, à la base, il s'agit d'une plante qui peut même être utilisée à des fins thérapeutiques», écrit-on dans le rapport.
Pour Jean-Sébastien Fallu, les conclusions de ce rapport n'ont rien de surprenant. «Je ne suis pas du tout surpris par ces constats. C'est vrai que c'est très accessible, souligne-t-il. Quand il y a une demande, l'offre essaie de suivre. C'est encore plus facile de se procurer de la mari au Québec que dans le reste du Canada, car généralement on y consomme plus de drogue et c'est donc plus facile d'en trouver. Par exemple, en 10 ans, la consommation de mari a doublé au Québec et près de 55% des ados en ont déjà consommé.»
Il ajoute également que les jeunes ne reçoivent pas suffisamment d'information concernant les risques engendrés par la consommation de pot. M. Fallu ajoute même que plusieurs d'entre eux croient dur comme fer que le gouvernement fédéral a décriminalisé cette drogue, notamment parce qu'on vante ses vertus thérapeutiques. «Dans notre société, le tabac est démonisé alors qu'on adoucit le discours sur la mari, note-t-il. Plusieurs croient que parce que ça peut être utilisé comme médicament, ce n'est pas néfaste pour la santé.»
Tolérance zéro
Les commissions scolaires pour leur part se disent conscientes du problème et estiment qu'elles mettent tous les efforts nécessaires pour lutter contre ce fléau. «La consommation de drogue dans la cour d'école, c'est très clair que c'est tolérance zéro, assure Brigitte Gauvreau, porte-parole à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Il y a du travail qui se fait dans ce sens dans nos écoles et nous avons un plan d'intervention.»
Raymond Tozzi, conseiller pédagogique à la Commission scolaire de Montréal, s'est dit également peu surpris par les conclusions de l'étude, mais rappelle qu'il s'agit d'un problème de société. «Ça devient difficile de savoir où cette drogue peut se vendre», dit-il. Ainsi, les ruelles ou les stations de métro sont autant endroits propices à ce genre de commerce, rappelle-t-il.
Hugô St-Onge, chef du Bloc Pot, croit de son côté que c'est la prohibition qui met les jeunes en danger. «À partir du moment où c'est légalisé, le marché est réglementé et il y a des normes qui peuvent être appliquées afin d'éviter que la mari soit vendue à des mineurs.»
Vaste campagne
Après avoir pris connaissance du rapport, Santé Canada a décidé de mettre sur pied une vaste campagne de sensibilisation destinée aux jeunes afin de pallier le manque d'information. " En prenant en considération les opinions et les perceptions des jeunes, nous allons développer une stratégie de lutte antidrogue et antitabac, explique Paul Duchesne, porte-parole à Santé Canada. Nous allons développer des outils pour permettre aux jeunes de refuser de consommer de la drogue ou des cigarettes. "
Ainsi, une brochure à l'intention des parents et de leurs enfants ainsi qu'un site Web seront bientôt créés.
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