Marijuana thérapeutique: Deux leaders du Bloc Pot devant la justice

Le Devoir, samedi 12 février 2000, p. A1
Myles, Brian

Menottes aux poignets, deux figures de proue du Bloc Pot, le chef Marc Saint-Maurice et Alexandre Néron, ont été mis en accusation hier à Montréal pour possession et trafic de marijuana. Ils aidaient des personnes atteintes du VIH, de cancers ou de spasmes musculaires chroniques à apaiser leur douleur.

MM. Saint-Maurice et Néron, colocataires et frères dans leur croisade politique pour la décriminalisation de la mari, ont été arrêtés jeudi après-midi par les policiers au 950 de la rue Rachel Est, siège social du fameux Club Compassion, où des citoyens pouvaient se procurer de la mari à des fins médicales (sur recommandation d'un médecin) depuis le 1er octobre. Marc Saint-Maurice, qui aura 31 ans mardi, et Alexandre Néron, 21 ans, ont été identifiés par les enquêteurs du SPCUM comme ceux qui «approvisionnaient» les malades. Ils ont été pris en possession de 66 grammes d'herbe illicite, ce qui représente environ de 150 à 300 joints. Les policiers ont par ailleurs saisi tout le matériel qui se trouvait dans le modeste local de la rue Rachel, y compris le registre de patients et les autorisations médicales.

La descente policière marque donc l'arrêt des activités du Club Compassion et le début d'une bataille juridique et politique qui se voudra épique. Les deux activistes ont plaidé non coupable, et leurs avocats ont bien l'intention de remettre en question lors du procès la validité des lois fédérales interdisant la distribution de la mari.

Clairement, le Bloc Pot et le Club Compassion se retrouvent là où ils l'avaient souhaité. «Théoriquement, la voie juridique est la plus rapide pour obtenir ce qu'on veut, pour décriminaliser [l'usage de la marijuana à des fins médicales]», a déclaré l'avocat Pierre Léger, qui représente les accusés avec son collègue Jean Drury.

M. Léger a admis qu'il se préparait depuis longtemps à plaider cette cause. Avant même l'ouverture du Club Compassion, le 1er octobre, il avait eu des discussions avec les leaders du Bloc Pot. «C'est une question bien particulière que celle de la mari. Les applications médicales sont établies, et l'opinion publique est fortement en faveur, a dit Me Léger. À mon avis, c'est relativement facile d'établir que la loi viole la liberté d'expression. C'est au gouvernement de justifier pourquoi la marijuana est illégale, spécialement dans les cas d'usage médical.»

Allan Rock, pusher d'État

Le ministre fédéral de la Santé, Allan Rock, a profité de cet événement pour déclarer hier que l'État est le mieux placé pour jouer le rôle de fournisseur d'une mari «clean and safe». «J'espère que le jour viendra où le gouvernement sera en mesure d'approvisionner ceux qui, sur des bases médicales, peuvent justifier leur usage [de la marijuana]», a-t-il dit.

Dans les faits, le ministre Rock ne s'est guère montré dynamique dans le dossier. Il aura fallu que des malades crient leur indignation jusque sur la colline parlementaire, cet automne, pour qu'il les autorise à cultiver et à fumer de la mari à des fins médicales. L'article 56 de la loi réglementant certaines drogues et autres substances confère ce pouvoir au ministre de la Santé. Mais la possession et la culture de mari restent toujours des actes criminels, ce qui est perçu comme une incohérence.

À ce jour, M. Rock a accordé une vingtaine d'exemptions, dont deux en juin et 14 en octobre. À l'échelle du pays, M. Rock affirme que son ministère a reçu de 20 à 25 demandes d'exemption conformes aux exigences de Santé Canada.