Le cannabis est une drogue qui peut causer des conséquences sérieuses à long terme, comme la schizophrénie

– Kevin Sabet, Smart Approaches to Marijuana (Baca, 2015)

Le cannabis ne cause pas la schizophrénie

Utiliser des preuves pour parler du cannabis

  1. Bien que certaines études fassent référence à un lien entre l’usage de cannabis et un risque accru de symptômes associés à la schizophrénie (Fergusson, Horwood et Ridder, 2005; Zammit, Allebeck, Andreasson, Lundberg et Lewis, 2002), une étude récente a conclu que l’usage de cannabis en lui-même n’accroissait pas le risque de schizophrénie (Proal et autres, 2014). Les scientifiques ont fait remarquer à de maintes reprises la difficulté d’établir un lien de causalité dans les études concernant l’usage de cannabis et la maladie mentale (Moore et autres, 2007; Volkow et autres, 2014). Bien que les personnes qui développent la schizophrénie puissent avoir préalablement fait usage de cannabis, il est difficile d’affirmer sans équivoque que cet usage est ce qui a causé le développement de cette condition (Pierre, 2011).
  1. Si l’usage du cannabis causait la schizophrénie, nous nous attendrions à constater une augmentation des cas à mesure que l’usage de cannabis s’accroissait, mais cette tendance n’a pas été observée (Hall, 2014). Une étude basée au Royaume-Uni a conclu que, comme l’usage de cannabis s’était multiplié par 4 au sein de la population du Royaume-Uni entre le début des années 1970 et 2002, il y aurait dû y avoir une augmentation correspondante des cas de schizophrénie, de 29 % chez les hommes et de 12 % chez les femmes, de 1990 à 2010 (Hickman et autres, 2007). Au lieu de cela, durant cette période (1996-2005), il a été constaté que les cas annuels de schizophrénie au Royaume-Uni étaient stables ou en déclin (Frisher et autres, 2009). Ces conclusions suggèrent fortement que l’usage de cannabis ne cause pas la schizophrénie.
  1. La recherche scientifique a suggéré que les jeunes qui ont des prédispositions génétiques pour la schizophrénie pourraient voir leur risque de développer cette condition augmenté par l’usage de cannabis (Caspi et autres, 2005). Toutefois, les conclusions scientifiques se contredisent quant à l’ampleur du risque que pose l’usage de cannabis ainsi qu’en ce qui concerne la fréquence d’utilisation associée à la maladie mentale (Andréasson, Engström, Allebeck et Rydberg, 1987; Caspi et autres, 2005; Moore et autres, 2007).

État de la preuve :

Tout bien considéré, la preuve a établi une association entre l’usage du cannabis et les symptômes psychotiques associés à la schizophrénie. Cependant, la recherche scientifique ne suggère pas qu’il existe une relation de cause à effet entre l’usage du cannabis et la schizophrénie.

Il est important de noter que si l’usage du cannabis causait la schizophrénie, nous nous attendrions à constater une augmentation des cas à mesure que l’usage de cannabis s’accroissait, mais cette tendance n’a pas été observée (Hall, 2014). Une étude basée au Royaume-Uni a conclu que, comme l’usage de cannabis s’était multiplié par 4 au sein de la population du Royaume-Uni entre le début des années 1970 et 2002, il y aurait dû y avoir une augmentation correspondante des cas de schizophrénie, de 29 % chez les hommes et de 12 % chez les femmes, de 1990 à 2010 (Hickman et autres, 2007). Au lieu de cela, durant la période où l’on estime que ces augmentations ont connu la plus forte hausse (1996-2005), il a été constaté que les cas annuels de schizophrénie au Royaume-Uni étaient stables ou en déclin (Frisher et autres, 2009). Ces conclusions suggèrent fortement que l’usage de cannabis ne cause pas la schizophrénie.

Une étude plus ancienne avec un échantillon plus important (n = 45 570) de conscrits suédois mâles a conclu que les participants qui avaient essayé le cannabis à l’âge de 18 ans ou avant avaient 2,4 fois plus de chances de recevoir un diagnostic de schizophrénie dans les 15 années suivantes que ceux qui n’avaient pas fait l’essai de la drogue (Andréasson et autres, 1987). Cette étude n’a toutefois pas pu déterminer le sens de la causalité en ce qui concerne l’usage du cannabis et la schizophrénie. Les auteurs affirment plutôt : « Que l’abus de cannabis ait précédé les symptômes psychiatriques dans ces cas ou vice-versa ne peut être déterminé » (Andréasson et autres, 1987). Une autre étude suivant la cohorte suédoise par Zammit et ses collègues a révélé une relation dose-réponse entre l’usage de cannabis à 18 ans et le risque de schizophrénie (c. à d. que ceux qui utilisaient la drogue plus fréquemment couraient un plus grand risque), et l’effet demeurait après avoir contrôlé diverses variables de confusion, y compris l’usage d’autres substances, certaines caractéristiques de l’historique familial et certains traits de personnalité (Zammit et autres, 2002). Notamment parce que cette étude ne mesure l’usage de drogue qu’à la ligne de départ, il est impossible de déterminer les tendances d’usage de drogue chez les participants dans les décennies entre la ligne de départ de l’étude et l’émergence de la schizophrénie. Cela introduit dans l’étude le potentiel pour un biais de classement erroné.

Volkow et ses collègues ont fait remarquer la difficulté d’établir un lien de causalité dans les études concernant l’usage du cannabis et la maladie mentale, car un certain nombre de facteurs pourraient prédisposer les individus aux deux (Volkow et autres, 2014). Par exemple, dans une analyse systématique qui incluait des études longitudinales et des études basées sur une population sur l’usage de cannabis et le risque de résultat psychotique, Moore et ses collègues ont également trouvé un effet de dose-réponse de l’usage du cannabis sur tout résultat psychotique, indépendamment d’autres variables de confusion et de l’intoxication aigüe (Moore et autres, 2007). Cependant, ils ont également noté que les études observationnelles ne peuvent pas éliminer toutes les variables de confusion et que l’incertitude relative à une relation causale directe entre l’usage du cannabis et la psychose « ne risque pas d’être résolue dans un avenir rapproché » (Moore et autres, 2007). Dans un article examinant différentes hypothèses sur l’usage de cannabis et la psychose, Pierre a noté qu’il existe de nombreux facteurs qui peuvent augmenter le risque de psychose, que l’ampleur du risque lié à l’usage du cannabis semble « modeste » et que les preuves sont « équivoques » relativement à l’hypothèse voulant que l’usage de cannabis « peut causer la schizophrénie » (Pierre, 2011). Les conclusions scientifiques se contredisent quant à l’ampleur du risque que pose l’usage du cannabis ainsi qu’en ce qui concerne la fréquence d’utilisation associée à la maladie mentale (Andréasson et autres, 1987; Caspi et autres, 2005; Moore et autres, 2007).

Comme Caspi et ses collègues (2005) l’ont fait remarquer, « la vaste majorité des jeunes gens qui utilisent le cannabis ne développent pas de psychose » (Caspi et autres, 2005). Ces auteurs et d’autres études ont suggéré que le risque accru de psychose provenant de l’usage du cannabis pourrait être plus prononcé chez les personnes qui sont déjà génétiquement susceptibles à des tels symptômes et à la schizophrénie (Henquet et autres, 2008). En effet, une étude récente a comparé les personnes qui utilisaient le cannabis et celles qui ne le faisaient pas (Proal et autres, 2014). Tous les participants ont ensuite fourni des renseignements sur leur historique familial de schizophrénie. Les auteurs de l’étude ont trouvé que si l’historique familial de schizophrénie permettait de prédire la schizophrénie des participants, l’usage de cannabis n’avait aucun impact sur l’augmentation de ce risque. En résumé, les auteurs concluaient que l’usage de cannabis en lui-même n’augmentait pas le risque de schizophrénie.

De toutes les preuves examinées ici en lien avec les affirmations sur l’usage du cannabis et les effets sur la santé, certaines des preuves les plus solides (p. ex. s’appuyant sur des études bien conçues, etc.) appuient une association entre l’usage de cannabis et la schizophrénie. Toutefois, comme cela est résumé ci-dessus, une relation de cause à effet entre l’usage du cannabis et la schizophrénie n’est pas appuyée par les preuves (Advisory Council on the Misuse of Drugs, 2008).


Références
  1. Andréasson, S., Engström, A., Allebeck, P., Rydberg, U., 1987. Cannabis and Schizophrenia: A Longitudinal Study of Swedish Conscripts. The Lancet 330, 1483-1486.
  1. Baca, R., 2015. Here’s anti-legalization group Project SAM’s response to CNN’s ‘Weed 3’. http://www.thecannabist.co/2015/04/20/weed-3-cnn-project-sam-kevin-sabet...
  1. Caspi, A., Moffitt, T.E., Cannon, M., McClay, J., Murray, R., Harrington, H., Taylor, A., Arseneault, L., Williams, B., Braithwaite, A., Poulton, R., Craig, I.W., 2005. Moderation of the effect of adolescent-onset cannabis use on adult psychosis by a functional polymorphism in the catechol-O-methyltransferase gene: Longitudinal evidence of a gene X environment interaction. Biological psychiatry 57, 1117-1127.
  1. Fergusson, D.M., Horwood, L.J., Ridder, E.M., 2005. Tests of causal linkages between cannabis use and psychotic symptoms. Addiction 100, 354-366.
  1. Frisher, M., Crome, I., Martino, O., Croft, P., 2009. Assessing the impact of cannabis use on trends in diagnosed schizophrenia in the United Kingdom from 1996 to 2005. Schizophrenia Research 113, 123-128.
  1. Hall, W., 2014. What has research over the past two decades revealed about the adverse health effects of recreational cannabis use? Addiction 110, 19-35.
  1. Hickman, M., Vickerman, P., Macleod, J., Kirkbride, J., Jones, P.B., 2007. Cannabis and schizophrenia: model projections of the impact of the rise in cannabis use on historical and future trends in schizophrenia in England and Wales. Addiction 102, 597-606.
  1. Moore, T.H., Zammit, S., Lingford-Hughes, A., Barnes, T.R., Jones, P.B., Burke, M., Lewis, G., 2007. Cannabis use and risk of psychotic or affective mental health outcomes: a systematic review Lancet 370, 319-328.
  1. Pierre, J.M., 2011. Cannabis, synthetic cannabinoids, and psychosis risk: What the evidence says. Current Psychiatry 10, 49.
  1. Proal, A.C., Fleming, J., Galvez-Buccollini, J.A., DeLisi, L.E., 2014. A controlled family study of cannabis users with and without psychosis. Schizophrenia Research 152, 283-288.
  1. Volkow, N.D., Baler, R.D., Compton, W.M., Weiss, S.R.B., 2014. Adverse effects of marijuana use. New England Journal of Medicine 370, 2219-2227.
  1. Zammit, S., Allebeck, P., Andreasson, S., Lundberg, I., Lewis, G., 2002. Self reported cannabis use as a risk factor for schizophrenia in Swedish conscripts of 1969: Historical cohort study. British Medical Journal 325, 1199-1201.