Le 19e siècle, grande époque du cannabis
Le XIXe siècle voit la description scientifique de l’intoxication par la résine de cannabis dont les manifestations avaient été observées dès l’Antiquité. Il voit parallèlement la confirmation de l’intérêt médical d’une plante qui se trouve largement utilisée à des fins récréatives, n’étant généralement soumise à aucune restriction légale.
Conséquences de la campagne d’Égypte
Le haschisch est connu en Égypte dès le XIIIe siècle, alors que le pays soumis à la tyrannie des Mamelouks connaît une période de ruine économique et sociale, qui ira s’aggravant sous la domination ottomane à partir du XVIe siècle.
Lors de l’expédition d’Égypte, Bonaparte est agressé au couteau par un musulman sous l’emprise d’une ivresse cannabique. Il décrète le 8 octobre 1800 : « L'usage de la liqueur forte faite par quelques musulmans avec une certaine herbe nommée haschisch ainsi que celui de fumer la graine de chanvre sont prohibés dans toute l’Égypte. » En fait, ce décret visait avant tout à limiter la consommation de la résine par les soldats de son armée. C’est néanmoins à l’occasion de cette campagne que des médecins, tout comme les soldats, s’intéressent à la résine de cannabis, qu’ils ramènent en France.
La nouvelle panacée
Le Dr Louis Aubert-Roche, de retour d’Égypte, préconise l’administration de haschisch comme remède souverain contre diverses maladies contagieuses et publie son célèbre De la peste et du typhus d’Orient. Joseph Moreau de Tours (1804-1884) quant à lui, aliéniste à l’hôpital Bicêtre (Paris), essaye la drogue en 1837 et voit « dans l’action de cette substance sur les facultés morales un moyen puissant, unique, d’exploration en matière de pathologie mentale. »
Moreau de Tours recommande rapidement l’usage du dawamesk comme traitement de l’ensemble des troubles mentaux. Mais il demeure isolé à en reconnaître la pertinence, nombre de ses collègues et amis ne constatant en fait de résultats que la modification de la nature des « hallucinations » des patients auxquels il en administra. Moreau de Tours eut une manière de successeur en Charles Richet (1850-1935), physiologiste, prix Nobel 1913 pour ses travaux sur l’anaphylaxie, qui étudia sur lui-même les effets du haschisch. Il nota que les véritables hallucinations étaient rares et préféra caractériser ses sensations par le terme d’« illusions ».
Les pays occidentaux mirent largement à profit le cannabis dans la réalisation de nombreuses spécialités pharmaceutiques. Le pharmacologue berlinois Louis Lewin rapporte ainsi que de vastes cultures étaient encore entretenues dans l’Allemagne de la première Guerre mondiale. La fin du XIXe siècle vit d’ailleurs le statut du cannabis passer de médicament à celui de véritable confiserie : ainsi la Ganjah Wallah Hasheesh Candy Company commercialisa dès 1860 des bonbons au sucre d’érable et à la résine de...cannabis. Ces friandises eurent beaucoup de succès et furent des années durant vendues dans tout le pays, y compris par correspondance.
Le Club des Hachischins
Louis Aubert-Roche et Moreau de Tours, émerveillés par les vertus du chanvre, ne tardèrent pas à organiser des soirées entièrement vouées à la consommation du haschisch. Dès 1843, ces rendez-vous attirèrent le gratin intellectuel pariien de l’époque.
Peu à peu, ce modèle de consommation fit école et l’orientalisme en vogue de 1850 à 1900 vit se multiplier les « salons turcs » ou « fumeries turques », en Europe comme aux États-Unis. Il existait en 1880 plus d’un demi-millier de salons (haschisch-parlor) où l’on consommait du haschisch pour la seule ville de New York, et il en subsistait encore presque autant en 1920, pendant la grande époque de la Prohibition. Une enquête réalisée par les Anglais en Inde (1894) montra que de petites doses de cannabis ne posaient pas de problèmes de santé, mais que des quantités plus fortes pouvaient générer des troubles mentaux.
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