Production de marijuana: le monopole d'État ébranlé

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La presse canadienne, le 28 octobre 2008

Un patient pourra faire pousser son herbe thérapeutique et fournir d'autres malades

Ottawa n'a pas encore décidé comment il réagira au jugement qui permet aux usagers de marijuana thérapeutique de faire pousser l'herbe et d'approvisionner d'autres malades.

Le gouvernement fédéral étudie la décision rendue hier par la Cour d'appel fédérale, qui maintient un jugement précédent ébranlant le monopole d'État sur la production et la vente de marijuana dite «thérapeutique».

Le tribunal a rejeté l'appel des avocats du gouvernement qui soutenaient qu'un contrôle étroit de la part d'Ottawa était le seul moyen d'assurer un approvisionnement sûr et fiable en cannabis employé à des fins de traitement.

Le banc de trois juges a démonté les arguments invoqués par l'avocat Sean Gaudet, du ministère de la Justice, selon lequel il manquait de preuves tangibles à l'appui de la décision rendue le 10 janvier par le juge Barry Strayer, de la Cour fédérale.

L'avocat du gouvernement n'est pas parvenu à nous persuader que le juge Strayer avait commis une erreur quelconque, écrit le juge John Evans dans sa décision, rendue quelques heures à peine après la présentation de la cause par le gouvernement fédéral.

Essentiellement, la décision du juge Strayer, qui mentionnait que moins de 20 % des patients avaient recours au cannabis gouvernemental, accordait aux consommateurs de marijuana dite thérapeutique plus de liberté dans le choix de leur propre producteur, et permettait aux producteurs de fournir de la drogue à plus d'un usager.

La Cour d'appel a aussi rejeté la demande du gouvernement de lui accorder un délai d'un an pour l'application de la décision, afin de lui permettre de trouver une solution de rechange.

Me Gaudet a refusé de commenter le jugement, mais une porte-parole du ministre de la Santé, Tony Clement, a indiqué que le gouvernement étudiait actuellement la décision.

Selon l'avocat Alan Young, qui représentait les usagers de l'herbe médicinale, il s'agit d'une bonne décision pour les patients. Le ministère fédéral de la Santé pourrait maintenant déterminer cas par cas combien de patients un producteur pourra desservir. Ou encore, a-t-il ajouté, le gouvernement pourrait imposer une nouvelle limite, renvoyant ainsi la cause devant la justice.

Des usagers autorisés de marijuana à des fins médicale étaient enchantés de la décision. Une Ontarienne atteinte de sclérose en plaques et d'autres problèmes engendrant de vives douleurs au visage affirme qu'elle doit se procurer une variété de marijuana différente de celle qu'offre Ottawa pour soulager ses douleurs. D'autres patients disent que le cannabis fédéral est de qualité inférieure à ce que l'on trouve dans la rue.

Ottawa alléguait notamment que le fait d'autoriser un producteur à subvenir aux besoins d'un grand nombre d'usagers créerait des risques pour la sécurité, mais les juges ont rejeté cet argument. Selon cette logique, il serait plus facile de contrôler 1600 plantations individuelles plutôt que 30 plantations plus importantes, par exemple. Cela n'a pas de sens, a estimé un des juges.

Avant le jugement de janvier dernier, les consommateurs de marijuana thérapeutique pouvaient faire pousser leur propre production, mais les producteurs n'avaient pas le droit de fournir la drogue à plus d'un usager à la fois. «La question n'est pas de savoir si le produit du gouvernement est bon, mais s'il a agi de manière arbitraire en restreignant les choix des patients», a souligné le juge. Un de ses collègues s'est demandé si le gouvernement avait consulté les usagers pour connaître leurs besoins.

Ron Marzel, un avocat de Toronto qui avait porté la cause en Cour fédérale, a lui aussi fait remarquer que le gouvernement n'avait pas adéquatement sondé les parties intéressées avant de formuler sa politique.

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