Cannabis: malgré la légalisation, le marché noir résiste au Canada

Publié le 16 avril 2019 à 09h40 | Mis à jour à 10h32

Cannabis: malgré la légalisation, le marché noir résiste au Canada

JACQUES LEMIEUX
Agence France-Presse
Montréal
Prix en hausse, offre insuffisante, files d'attente: six mois après la légalisation du cannabis récréatif au Canada, les consommateurs continuent de se tourner majoritairement vers le marché noir, que les autorités promettent d'assécher d'ici quelques années.

« Je continue d'acheter auprès de mon dealer parce que le prix du cannabis légal est scandaleux », confie John, un trentenaire d'Ottawa, rencontré par l'AFP à deux pas d'une boutique officielle qui vient d'ouvrir dans son quartier.

« Il y a clairement encore des problèmes dans la chaîne d'approvisionnement », reconnaissait jeudi Bill Blair, le ministre chargé par Justin Trudeau de réaliser cette promesse phare de son premier mandat à la tête du pays.

Promesse tenue le 17 octobre dernier, lorsque le Canada est devenu le deuxième pays au monde à légaliser le cannabis récréatif, cinq ans après l'Uruguay.

Six mois plus tard, files d'attente et pénuries continuent de rythmer le quotidien des magasins de vente au détail, publics ou privés selon les provinces, seules boutiques avec pignon sur rue habilitées à vendre le cannabis. Les derniers en date, des succursales privées, ont ouvert leurs portes début avril en Ontario, qui jusqu'alors devait se contenter de commandes sur l'internet.

« Mais [...] nous constatons chaque mois des progrès dans l'éradication du marché illégal », ajoutait M. Blair.

Tarir le marché noir était l'un des objectifs affichés de cette légalisation controversée, qui faisait notamment craindre à ses opposants une recrudescence des accidents routiers dus à la conduite sous emprise du cannabis. Des craintes qui ne se sont jamais matérialisées, selon les responsables de la police.

Beaucoup cependant reste à faire pour assécher le marché illégal : pour les trois derniers mois de 2018, il continuait de se tailler la part du lion, avec près de 80 % des ventes (1,2 milliard de dollars canadiens, 790 millions d'euros), selon Statistique Canada.

Les ventes légales ne représentaient que 21 % des parts de marché (307 millions de dollars canadiens, 203 millions d'euros).

Ces chiffres tiennent également compte des ventes de cannabis thérapeutique, légal au Canada depuis 2001, mais qui ne représentent qu'une infime partie du total.

Facture salée

La pénurie d'herbe, dans un pays où 15 % de la population en consomme, s'explique en partie par le lourd processus d'attribution des licences de production imposé par le ministère fédéral de la Santé.

Autre explication avancée : le peu de temps, moins de quatre mois, dont les producteurs existants ont disposé entre l'adoption de la loi et sa date d'entrée en vigueur.

Résultat, le prix moyen du cannabis séché au Canada a augmenté de plus de 17 % depuis la légalisation, à 8,04 dollars par gramme, estime Statistique Canada.

Mais la facture s'avère encore plus salée pour les consommateurs s'approvisionnant légalement : ils paient leur gramme d'herbe en moyenne 57 % plus cher qu'au marché noir, où les prix ont même baissé depuis octobre.

« Je paie le même prix pour le pot que j'achète de ce gars-là depuis dix ans », explique John à Ottawa, ne voyant aucune raison de changer ses habitudes. « Cela n'a aucun sens ».

À Montréal, Anna Kagadeeva n'est pas du même avis. « Ça m'a pris du temps avant que je vienne en boutique parce qu'on me disait que c'était long, qu'il n'y avait pas beaucoup de choix... »

Cette jeune femme y vient maintenant la plupart du temps, car elle trouve cela plus pratique et facile que de passer par un revendeur.

« La situation de l'approvisionnement s'améliore de semaine en semaine », et elle sera « très significative vers la fin du printemps », anticipe de son côté Fabrice Giguère, porte-parole de la Société québécoise du cannabis (SQDC), qui a passé cet hiver des contrats avec six nouveaux fournisseurs, dont la production ne cesse d'augmenter.

Au Québec, « notre objectif, c'est d'aller chercher 30 % du marché noir d'ici fin octobre », dit M. Giguère, la SQDC pariant sur 70 % des parts de ce même marché dans cinq ans.

Commentaires

Alcool : malgré la légalisation, le marché au noir résiste !

Alcool : malgré la légalisation, le marché au noir résiste !

Même avec le droit d'en produire à la maison
sans limite sur le nombre et le taux d'alcool,
plein de points de vente et la SAQ, la répression
il y a toujours un marché au noir !?

https://www.journaldemontreal.com/2017/03/06/un-veritable-marche-noir-de...

Un véritable marché noir de l’alcool sur Facebook
Des jeunes profitent de ceux qui veulent continuer la fête quand la SAQ est fermée

Marie-Ève Dumont
Lundi, 6 mars 2017 06:07 MISE À JOUR Lundi, 6 mars 2017 08:24
Coup d'oeil sur cet article
Des jeunes profitent de Facebook et d’Instagram pour vendre illégalement de l’alcool à gros prix aux acheteurs désespérés de continuer à faire la fête en pleine nuit. Ils offrent même la livraison.

«Il y a des fous qui achètent 20 $ à 30 $ de plus que le prix de la bouteille après 23 h», a commenté un vendeur lorsque Le Journal s’est fait passer pour un acheteur.

Les vendeurs se servent des groupes Facebook de «Black market» où l’on publie une annonce pour vendre divers objets. Mais à travers ces groupes, dont l’un d’eux comprend plus de 61 000 membres, des gens glissent des annonces de bouteilles d’alcool à vendre, et ce, sans aucun permis de vente autorisé par la Régie des alcools, des courses et des jeux. Afterhours bottles ou Bottles for sale, peut-on y lire.

On y retrouve du champagne, de la vodka, de la tequila, du rhum, du scotch ou du whisky et un peu de vin.

Il suffit d’envoyer un message privé au vendeur sur Facebook pour prévoir un lieu de rencontre ou se faire livrer l’alcool chez soi, en payant un supplément.

Deux fois plus cher

L’objectif n’est pas tant d’offrir des «aubaines», mais plutôt de fournir le marché lorsqu’il n’est plus permis de vendre de l’alcool en dépanneur ou lorsque les magasins de la SAQ sont fermés, selon ce qui a été constaté.

Le Journal a même réussi à se procurer deux bouteilles d’alcool, de la vodka Stolichnaya Elit et du rhum Havana Club en s’annonçant comme un client intéressé. Le vendeur a accepté de nous parler en échange de son anonymat.

La transaction en argent comptant s’est faite près d’un bar montréalais situé en face d’un stationnement public. La vodka nous a été vendue 120 $, alors qu’on la trouve pour 60 $ à la SAQ. La facture a monté à 160 $ pour les deux bouteilles. En succursale, le montant aurait été de 93,50 $.

« Populaire »

«On achète des bouteilles aux États-Unis et on les revend environ le double du prix de là-bas», nous a dit le vendeur, sans préciser comment il s’y prenait.

Il s’est ensuite vanté d’avoir une cinquantaine de bouteilles en stock chez lui tout en expliquant qu’il vendait cet alcool, surtout via Instagram, depuis le printemps dernier. «C’est de plus en plus populaire», a-t-il fièrement souligné.

Les bonnes affaires se font la nuit lors­que l’heure légale pour vendre de l’alcool est passée ou à la fermeture des bars, a-t-il confié.

Lorsque Le Journal lui a demandé s’il avait le droit de faire un tel commerce, il a répondu qu’il ne pensait pas que c’était légal, mais qu’il le faisait quand même.

Certains utilisateurs vont jusqu’à publier eux-mêmes des annonces pour trouver de l’alcool à vendre en fin de soirée.

Champagne Veuve Clicquot Brut, 750 ml

140 $ Prix sur Facebook
69,25 $ Prix à la SAQ
Cognac Hennessy, 750 ml

130 $ Prix sur Facebook
65,50 $ Prix à la SAQ
Grand Marnier, 750 ml

90 $ Prix sur Facebook
43,75 $ Prix à la SAQ
Whisky Jack Daniel’s Gentleman Jack, 750 ml

80 $ Prix sur Facebook
38,75 $ Prix à la SAQ
Baileys L’Originale, 750 ml

60 $ Prix sur Facebook
29,95 $ Prix à la SAQ
Rhum ori­­ginal Captain Morgan, 750 ml

55 $ Prix sur Facebook
27,85 $ Prix à la SAQ
Vin Mateus Rosé, 750 ml

25 $ Prix sur Facebook
9,45 $ Prix à la SAQ
­­Plus à l’abri sur Facebook?
La vente illégale d’alcool sur Facebook et Instagram se déroule sous le nez des policiers qui surveillent davantage les sites de petites annonces que les réseaux sociaux.

«Il y a déjà eu des interventions, mais plus souvent sur les sites de petites annonces. [On est tout de même] au courant que cette pratique peut se faire sur les réseaux sociaux», a indiqué la porte-parole de la Sûre­­té du Québec Joyce Kemp, sans pouvoir fournir de statistiques sur les amendes infligées.

Amendes salées

La Loi sur les infractions en matière de boissons alcoolisées interdit la vente ou la livraison d’alcool sans être titulaire d’un permis, rappelle la porte-parole de Régie des alcools, des cour­ses et des jeux (RACJ) Janick Simard. Ceux qui ne respectent pas la loi sont passibles d’une amende allant jusqu’à 6075 $, puis d’un maximum de 24 300 $ en cas de récidive. Il est aussi défendu d’en garder chez soi dans le but d’en vendre.

Les policiers font une vigie des sites de petites annonces, alors que les enquêtes pour les réseaux sociaux sont plutôt lancées à la suite de plaintes, a dit Mme Kemp.

La SAQ et la RACJ n’enquêtent pas sur ce genre d’infrac­tions. Ce sont les autorités policières ou douanières, dans le cas où de l’alcool serait importé illégalement, qui sont responsables d’intervenir.

Acheteurs complices

Quant au consommateur qui se procure ces bouteilles, il serait lui aussi en infraction, indi­que la policière.

«Si on participe à une activité criminelle en achetant de l’alcool sur les réseaux sociaux et si on le fait avec de l’aveuglement volontaire, on pourrait se retrouver complice de ces transactions», ajoute Frédéric Allali, avocat.

Le porte-parole de Facebook Canada, Louis Payette, a indiqué que toutes les pages qui proposent de l’alcool illégalement ne sont pas automatiquement fermées.

«Avec près de 1,2 milliard d’utilisateurs et des lois différentes dans chaque pays, il est impossible d’assurer une surveillance systématique au niveau local», a-t-il soutenu.

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