Les risques de la fumée secondaire du cannabis sont minimes

Les risques de la fumée secondaire du cannabis sont minimes

Ève Beaudin - Agence Science-Presse
22 octobre 2018
Santé

Bien des gens redoutent d’être exposés involontairement à la fumée secondaire du cannabis de peur d’échouer à un test de dépistage ou d’être drogués sans le vouloir. Ces craintes sont-elles fondées ?

En raison de son illégalité, les études scientifiques sur le THC, l’une des composantes chimiques actives du cannabis, étaient jusqu’ici assez rares, de petite taille et souvent de faible qualité.

« À la suite de notre analyse de quelques études originales portant sur les effets sanitaires de la fumée secondaire de cannabis, nous constatons que la majorité d’entre elles présentent plusieurs limites », expliquent conjointement les chercheurs Patrick Poulin, Jean-Marc Leclerc et Annie Montreuil, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), avec qui l’Agence Science-Presse a communiqué par courriel.

Même si les conséquences d’une exposition passive au THC présent dans la fumée secondaire du cannabis sont encore méconnues, quelques éléments se dégagent tout de même des études portant sur les effets physiques et psychologiques pouvant découler d’une telle exposition.

Dépistage positif : les limites

Une revue de la littérature, publiée en 2017 dans le Journal de l’Association médicale canadienne (CMAJ), basée sur 15 études expérimentales dont la qualité est jugée de « faible à bonne », nous apprend que l’exposition à la fumée secondaire du cannabis peut mener à la présence de THC dans les fluides corporels des non-fumeurs.

Plusieurs facteurs auraient une influence sur la quantité qu’on retrouvera dans leur sang, leur urine ou leur salive : concentration en THC du cannabis consommé, nombre de fumeurs présents dans la pièce, nombre de joints fumés durant l’expérience, concentration de fumée, intensité de la ventilation et durée d’exposition.

Les chercheurs de l’INSPQ expliquent que les « études ayant permis de détecter du THC chez des non-fumeurs intégraient une période d’exposition à de la fumée de cannabis provenant de plusieurs fumeurs, pendant quelques heures, dans un milieu fermé vraisemblablement mal ventilé ». Dans la vraie vie, ces conditions d’exposition sont rarement réunies.

Autrement dit, « on est beaucoup moins exposé au THC si on marche à côté d’un groupe qui fume sur le trottoir que si on passe une soirée dans une pièce mal aérée en compagnie de fumeurs de cannabis », explique Fiona Clement, l’une des chercheuses ayant participé à cette revue de la littérature.

« Mais si les conditions sont réunies, un non-fumeur pourrait tout à fait échouer à un test de dépistage de drogue », estime Mme Clement qui est également professeure associée à l’Institut O’Brien pour la santé publique de l’Université de l’Alberta.

Encore faudrait-il que ce dépistage soit effectué rapidement.

Des études ont démontré qu’il était peu probable que les composés du THC soient présents en quantité suffisante pour être détectés après une courte période de temps. C’est le cas, par exemple, de deux études publiées dans le Journal of Analytical Toxicology, la première établissant que le risque d’obtenir un résultat positif à la suite d’un test de salive était limité aux 30 minutes suivant une exposition passive, et l’autre concluant que les résultats positifs sont « probablement rares, limités aux heures qui suivent immédiatement l’exposition et ne surviennent que dans des conditions environnementales où l’exposition est évidente ». En bref, si on se fie aux études, cela semble possible, mais assez peu probable.

Des effets psychoactifs ?

Mais peut-on être intoxiquéà la suite d’une exposition à la fumée secondaire de cannabis ? Dans son article, le CMAJ souligne que, parmi les études retenues pour cette revue de la littérature, certaines rapportent des effets psychoactifs chez les non-fumeurs, mais que ces effets étaient plus faibles que ceux ressentis par les fumeurs.

L’une d’entre elles, également citée sur le site Web du National Institute on Drug Abuse, rapporte « des effets subjectifs légers » qui donnent une « impression de high » et « de légères altérations du rendement dans les tâches motrices » chez les non-fumeurs placés dans un espace confiné avec des gens fumant de la marijuana à haute concentration de THC.

Autrement dit, il semble possible de ressentir certains effets psychoactifs, mais ces effets seraient légers et restreints aux situations d’extrême exposition, peu communes dans la vie de tous les jours.

Limites des études existantes

Bien que les études produites ces dernières années apportent un éclairage incomplet sur les effets de ce type d’exposition, les questions qu’elles soulèvent ne sont pas sans intérêt.

« La légalisation du cannabis pourrait faire en sorte qu’une plus grande proportion de la population soit exposée aux substances actives présentes dans la fumée secondaire de cannabis. Nous pensons que la mise en place des politiques qui protègent ceux qui ne désirent pas être exposés ou qui sont les plus à risque, comme les enfants, est souhaitable, explique Mme Clement. Des recherches afin de mieux comprendre cette exposition passive doivent aussi être menées. »

Que dit la loi au Québec?
Au Québec, la loi encadrant le cannabis prévoit qu’il ne sera pas permis de fumer ni de vapoter de cannabis dans tous les lieux publics intérieurs, dans plusieurs lieux extérieurs publics fréquentés par les jeunes, et à moins de 9 mètres des portes et fenêtres de tous les lieux publics et de travail. « Pour le moment, l’application systématique des dispositions déjà prévues par la Loi concernant la lutte contre le tabagisme est jugée protectrice pour la majeure partie de la population », estiment les chercheurs de l’INSPQ.

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