Trans Mountain, cannabis et taxe sur le carbone : qui gagnera ces batailles judiciaires? Zappiste: La farce sur le carbone t’as qu’à payer pour polluer. Le cannabis les prohibitionnistes n’auront qu’à payer pour les poursuites pour prohiber...
Trans Mountain, cannabis et taxe sur le carbone : qui gagnera ces batailles judiciaires? Zappiste: La farce sur le carbone t’as qu’à payer pour polluer. Le cannabis les prohibitionnistes n’auront qu’à payer pour les poursuites pour prohiber...
Ce serait intéressant de savoir ce que ces experts avaient prédit pour l'élection de Trompe !?
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1110001/trans-mountain-cannabis-tax...
Trans Mountain, cannabis et taxe sur le carbone : qui gagnera ces batailles judiciaires?
Publié le lundi 2 juillet 2018
Des provinces ont semé au cours des derniers mois les graines de ce qui pourrait donner d'importantes batailles constitutionnelles avec Ottawa. Radio-Canada a consulté trois experts en droit constitutionnel afin de mieux comprendre les conflits juridiques qui se dessinent : l'oléoduc Trans Mountain, la culture du cannabis à domicile et la taxe sur le carbone.
Un texte de Philippe-Vincent Foisy
C’est une partie du legs de Justin Trudeau qui pourrait se jouer devant les tribunaux.
La Colombie-Britannique et la Saskatchewan ont saisi leur cour d’appel respective afin de faire valoir leurs compétences en matière environnementale. L’Ontario pourrait se joindre à la Saskatchewan dans sa contestation judiciaire. Le Québec et le Manitoba soutiennent quant à eux qu’ils peuvent interdire la culture de cannabis à domicile, malgré les prétentions d’Ottawa.
Il est impossible pour le moment de savoir si l’un de ces dossiers se rendra devant la Cour suprême, et encore moins de savoir quelle sera la décision des neuf juges du plus haut tribunal du pays.
La Cour ne penche pas d’un bord ou de l’autre.Richard Wagner, juge en chef de la Cour suprême du Canada
La semaine dernière, lors de son premier point de presse en tant que juge en chef, Richard Wagner a expliqué que « ce n’est pas facile de trancher » quand la ligne n'est pas clairement tracée dans la Constitution.
« On ne doit pas avoir une interprétation stricte des mots rédigés il y a 150 ans, on doit voir les textes de loi dans une perspective d'évolution de la société, comme un arbre qui grandit, a affirmé le juge en chef. La Cour va regarder les dossiers selon la preuve, on n’a pas un agenda établi. »
Qu'en pensent les experts?
Radio-Canada a demandé à Stéphane Beaulac, professeur à l’Université de Montréal, à Patrick Taillon, professeur à l’Université Laval, et à Pierre Thibault, doyen adjoint à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, d’évaluer les probabilités que le gouvernement fédéral ait gain de cause dans ces dossiers.
Trans Mountain : bataille à l’Ouest
• Quelles sont les probabilités qu’Ottawa remporte cette bataille?
Stéphane Beaulac : de 80 % à 85 %
Patrick Taillon : 50 % avec nuances
Pierre Thibault : 75 %
Pour les trois experts consultés, la Colombie-Britannique n’a pas le pouvoir légal de bloquer la concrétisation du projet.
« Le cas est plus clair depuis qu'Ottawa a décidé d'acheter Trans Mountain, soutient Pierre Thibault de l’Université d’Ottawa. Il y a prépondérance des compétences fédérales sur les compétences provinciales. »
La Constitution établit explicitement à l’article 92 que le fédéral a la compétence sur les ouvrages interprovinciaux, rappelle Stéphane Beaulac de l’Université de Montréal.
« Ottawa est devenu acquéreur du projet; vraisemblablement, il va lui donner le statut de société de la Couronne, croit-il. Le gouvernement pourra invoquer ses privilèges et son immunité pour empêcher l'application des lois provinciales, notamment en matière de protection de l'environnement. »
Pour Patrick Taillon de l’Université Laval, il faut aussi établir ce que représenterait une victoire pour la Colombie-Britannique, sachant qu’elle ne pourra pas empêcher la réalisation du projet.
Le contexte
L’Office national de l’énergie a donné son feu vert au projet de Kinder Morgan en mai 2016. Tout allait bien jusqu'à l’élection du NPD en Colombie-Britannique, qui a promis d’utiliser « tous les moyens à sa disposition pour empêcher la construction de l'oléoduc ». Devant l’incertitude ainsi créée, Ottawa a annoncé qu’il achètera le projet. Le gouvernement britanno-colombien veut que sa cour d’appel tranche.
« La question sera plutôt : peut-on appliquer des règlements provinciaux sur des aspects du projet? dit Patrick Taillon. Derrière l’application de chaque règlement, il y a potentiellement un obstacle, un bâton dans les roues du projet. Ces obstacles, il faut les voir à la pièce. »
M. Taillon croit donc que si les tribunaux reconnaissaient à la province le droit d’encadrer certains aspects du projet sans le bloquer avec un permis ou une mesure supplémentaire, par exemple, ce pourrait être considéré comme une « demi-victoire » pour la Colombie-Britannique.
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Cannabis : aux citoyens de contester
Quelles sont les probabilités qu’Ottawa remporte cette bataille?
Stéphane Beaulac : de 60 % à 75 %
Patrick Taillon : 25 %
Pierre Thibault : 75 %
Les experts ne s’entendent pas sur l’issue de cette cause.
« Tout va se jouer à la première étape, explique Stéphane Beaulac. La question sera de savoir s'il y a un conflit normatif, c’est-à-dire l’application d’une loi exclut-elle l'application de l’autre? »
Donc, est-ce que le fait d’interdire la culture à domicile est contraire à la prétention du gouvernement fédéral de la permettre? Ottawa soutient qu’en permettant cette culture, il attendra mieux ses objectifs qui sont de réduire la consommation chez les jeunes et d'éliminer le marché noir.
« Ottawa plaide qu'il est incompatible avec son objectif d'avoir une province qui interdit complètement [la culture à domicile] », ajoute M. Beaulac.
Patrick Taillon voit toutefois la situation d’un autre oeil.
« Le grand malentendu, c'est la définition de l'objectif du fédéral, estime-t-il. On n’est pas en train de créer un nouveau droit, on définit ce qui est criminel et ce qui ne l’est pas. »
Il explique que la loi fédérale modifie le Code criminel pour permettre aux citoyens de posséder jusqu’à quatre plants. Elle ne crée cependant pas le droit, pour les Canadiens, de faire pousser de la marijuana à la maison.
« Officiellement, la décriminalisation du cannabis a pour objectif de protéger les jeunes et de lutter contre le crime organisé, dit-il. L’objectif du Québec avant son monopole public, c’est le même. Il contrôle l’accès [des] jeunes beaucoup mieux qu’en laissant pousser du cannabis à la maison. »
Ces arguments n’ont pas convaincu Pierre Thibault de l’Université d’Ottawa. Selon lui, il est évident qu’il y a un conflit entre les deux lois. Il croit d’ailleurs que ce sera très difficile pour la province de faire respecter son interdiction.
« Je ne vois pas comment, en pratique, on va pouvoir appliquer la loi québécoise. Va-t-on faire des visites improvisées dans les maisons? On n’a pas le droit de faire des visites aléatoires, ça prend un mandat! »
Le contexte
Le projet de loi sur la légalisation du cannabis a été adopté le 19 juin à Ottawa. Le gouvernement Trudeau a refusé d’amender son projet pour permettre aux provinces d’interdire la culture à domicile, comme le veulent le Québec et le Manitoba. Ottawa veut permettre la culture de quatre plants à domicile.
Québec et Ottawa ont mentionné que ce sont des citoyens qui devront contester les lois. Les gouvernements promettent de défendre leurs compétences devant les tribunaux.
Taxes sur le carbone : une opposition grandissante
• Quelles sont les probabilités qu’Ottawa remporte cette bataille?
Stéphane Beaulac : de 95 % à 100 %
Patrick Taillon : 75 %
Pierre Thibault : 75 %
Ici, c’est « loin d’être gagné » pour les provinces, selon Patrick Taillon.
« La démarche est très audacieuse, dit-il. La Constitution reconnaît qu’Ottawa peut utiliser toutes les formes de taxations. Est-ce que cette taxe serait un prétexte pour s’ingérer dans les compétences des provinces? C’est loin d’être fait! »
« C’est dans le champ de compétences du fédéral d'imposer une taxe pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, d’imposer une taxe aux compagnies qui produisent trop de GES », renchérit Pierre Thibault de l’Université d’Ottawa.
Stéphane Beaulac soutient aussi qu’Ottawa a ce pouvoir de taxation. Il croit de plus que le gouvernement fédéral pourra invoquer ses compétences en matière pénale, mais aussi utiliser son pouvoir résiduaire, c’est-à-dire ce qui n’était pas prévu dans la Constitution. Et la protection de l’environnement n’a pas fait partie des compétences partagées en 1867.
« Il appartient au fédéral de réguler les secteurs qui sont d'intérêt national, explique-t-il. La dimension nationale dans le dossier de la lutte [contre les] changements climatiques, ce serait une troisième assise constitutionnelle qui permettrait au fédéral d’imposer sa taxe d’un océan à l’autre. »
S’il est évident, selon lui, que la Saskatchewan n’a pas « une cause très forte », pourquoi le gouvernement a-t-il saisi les tribunaux?
Le contexte
En octobre 2016, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il imposera une taxe sur le carbone dans les provinces qui n’auront pas elles-mêmes établi de plan. Le plan canadien prévoit un prix de départ de 10 $ par tonne d’émissions de dioxyde de carbone, qui passera à 50 $ la tonne en 2022. L’argent perçu par la taxe reviendra à la province.
Le gouvernement de la Saskatchewan a saisi sa cour d'appel pour contester la constitutionnalité de cette loi fédérale. Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, avait promis avant même de devenir officiellement premier ministre qu’il allait retirer sa province de la bourse du carbone. Ottawa pourrait donc là aussi imposer une taxe.
Politisation des tribunaux
En utilisant les tribunaux, la Saskatchewan pourrait obtenir un gel de l’instauration du programme fédéral le temps que la question soit tranchée en Cour suprême, ce qui risque de prendre des années.
Le gouvernement provincial obtient donc un gain politique, même si à terme la province risque d’essuyer un revers juridique.
« C’est ça, l’aspect péjoratif de l’instrumentalisation des tribunaux, explique Stéphane Beaulac. Ce n’est pas juste pour un éclairage, mais ça tombe dans le jeu politique d’acheter du temps, de faire peur à une compagnie. »
C’est d’ailleurs ce qu’on a vu dans le dossier de Trans Mountain, alors que la compagnie Kinder Morgan avait menacé de se retirer du projet si la Colombie-Britannique continuait à causer de l’incertitude.
« Les délais, ça joue beaucoup dans la balance, ça cause de l'incertitude », ajoute M. Beaulac.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a aussi profité politiquement de sa contestation judiciaire, soutient Pierre Thibault.
« Le gouvernement est appuyé par les députés du Parti vert; si le gouvernement n'allait pas devant les tribunaux, il allait être battu en Chambre, rappelle-t-il. L’aspect politique n’est jamais loin. »
La situation n’est toutefois pas nouvelle. Au fil des années, les juges ont dû trancher plusieurs dossiers importants qui ont défini l’état du droit au Canada. Et parfois, la Cour suprême a infirmé une décision qu’elle avait elle-même prise, comme dans le cas de l’aide médicale à mourir.
On a un système basé sur la règle de droit. Ce sont les tribunaux et ultimement la Cour suprême qui seront saisis afin de clarifier les aspects propres à notre système de gouvernance.Stéphane Beaulac, professeur à l’Université de Montréal
Les juges doivent interpréter la Constitution de 1867. Plus de 150 ans après sa rédaction, certaines provinces espèrent que les tribunaux leur donneront davantage de pouvoir. Elles souhaitent que l’arbre dont parlait le juge en chef grandisse en leur faveur.
« On doit travailler avec de vieux paramètres, des termes qui ne sont pas toujours adaptés à la réalité d'aujourd'hui, explique Patrick Taillon. On voit dans la multiplication des litiges que la Constitution vieillit mal... »
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