Si "la drogue, c’est mal", la prohibition complète et profondément répressive c’est mal aussi car cela créé un problème

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Cannabis : tout le monde (ou presque) fume des joints en France. Légalisons-le !
Publié le 17-08-2015 à 20h50 - Modifié le 19-08-2015 à 07h07

Votre meilleur ami avocat, votre primeur, la baby-sitter, votre ado bientôt adulte, ils ont un point commun : ils consomment du cannabis. Ce phénomène touche toutes les strates de la population, mais personne n'en parle.

Pourtant, c'est indéniable, aujourd'hui, en France, la consommation de cannabis atteint son apogée.

Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 17 millions de Français âgés de 11 à 75 ans ont déjà expérimenté le cannabis, 5 millions en ont consommé au cours de l’année 2014 et un tiers d'entre eux se déclare être un consommateur régulier.

Si le phénomène n’est pas nouveau, force est de reconnaître qu’il devient aujourd’hui incontournable. Et si nous réfléchissions sereinement à la possibilité de légaliser demain cette substance que beaucoup apprécient et consomment ?

Le cannabis est moins nocif que l’alcool

D’abord, il faut le dire sans détour et sans crainte : il est une erreur majeure de mettre le cannabis dans le même panier que les drogues dures.

Contrairement à ce qui nous est couramment enseigné, la tradition scientifique reconnaît que la consommation de cannabis n’est pas plus nocive que celle de l’alcool. Quand l’un peut causer des cancers comme celui de l’estomac, de l’œsophage, des poumons, du pancréas et du foie, rappelons que l’autre peut être, lui, prescrit pour les patients souffrant d’effets secondaires.

Mais ne soyons pas dogmatiques : la fumée de cannabis contient trois fois plus de goudron et cinq fois plus d’oxyde de carbone que le tabac ce qui montre par ailleurs que le produit a ses dangers (et qu’il n’est pas non plus une drogue douce).

Mais concernant ses effets addictifs rappelons que sa consommation "n’entraîne pas de dépendance physique comme l’héroïne, la morphine ou même l’alcool et le tabac".

Moins addictif que l’alcool, plus dangereux que le tabac s’il est fumé, le cannabis n’en reste pas moins une grande source de THC (sa molécule active) et principal moyen d’atténuer les douleurs des patients subissant par exemple des chimiothérapies ou souffrant de sclérose en plaque. Lorsque les anti-inflammatoires n’ont plus d’effet, les patients les plus téméraires (ceux qui ne sont pas encore dévorés par la maladie) doivent se fournir via les trafics, donc à leurs frais, avec tous les risques encourus.

Aujourd’hui de nombreux pays comme l’Espagne, le Canada, le Royaume-Uni ou 24 Etats américains ont dépénalisé le cannabis pour les malades avec une prescription médicale obligatoire. De plus, des pays comme l’Australie, la Jamaïque, l’Uruguay, la Suisse, l’Allemagne, le Danemark ou les Pays-Bas ont particulièrement assoupli leur législation au cours des dix dernières années, si bien que la consommation de cette substance y est tolérée.

L'Europe, qui l'a majoritairement dépénalisée, commence progressivement à l'autoriser. Les Etats-Unis ont déjà mis le pied à l’étrier, alors pourquoi pas nous ? Existe-t-il une exception culturelle française qui nous rendrait intolérants au cannabis ?

Une prohibition contre-productive

À ceux qui se disent que les autres pays commettent une erreur, je leur demande : dans ce cas, que devons-nous faire ? Garder le statut quo avec une législation intenable, des trafics qui pullulent, la consommation qui explose ? Nos policiers sont-ils condamnés à subir le mythe de Sisyphe ?

Les lois mauvaises sont des lois inapplicables, et celle qui figure en tête de proue de la lutte contre la toxicomanie et qui porte sur la répression du trafic et de l'usage des stupéfiants en est un exemple frappant. L'étudiant en droit que je suis n'oserait en rien critiquer ce texte de qualité porté par Pierre Mazeaud, mais force est de reconnaître son impraticabilité.

Au-delà, c'est la législation entière qui est à revoir parce qu'elle devient aujourd'hui confuse. Il y a une cinquantaine d'articles, dispatchés entre le Code de santé publique, le Code pénal et le Code civil, sans compter toutes les jurisprudences relatives à la consommation de stupéfiants.

La perturbation juridique n'est que la vitrine d'un problème plus global. Si "la drogue, c’est mal", la prohibition complète et profondément répressive c’est mal aussi car cela créé un problème : celui des trafics avec toutes ses conséquences (l'économie parallèle, l'origine indéterminée des produits et à terme l'affaiblissement de la sécurité des citoyens.

L'arsenal répressif n'est pas suffisant, étudions le problème à la source

Les trafics sont la gangrène de la République et les règles actuelles ne permettent pas de les limiter. Essayant de panser les plaies, les gouvernements successifs ne cessent d’augmenter les effectifs de police, de donner plus de moyens à la lutte contre ces trafics.

Il faudrait peut-être se rendre à l’évidence : si près de 300 millions de joints sont consommés en France chaque année, c’est que les pouvoirs publics sont incapables de résoudre le problème en aval.

Il faut donc le prendre en amont et c’est d’ailleurs bien compréhensible : la police et la justice ne peuvent pas tout.

De plus, le sens du droit n'est pas d'imposer une règle inapplicable à une société qui n'en veut pas, mais de s'adapter et de proposer un cadre législatif qui tienne compte d'une réalité de plus en plus forte. Ce nouveau cadre législatif, que j'appelle de mes vœux, doit permettre une consommation modérée du cannabis sans qu'il y ait de craintes concernant son origine ou la manière dont il est traité.

Au-delà, il conviendrait aussi de rappeler la dimension économique de cette drogue, qui pourrait permettre la création d'emplois et rapporterait, selon une étude très sérieuse du think tank Terra Nova, environ 1,8 milliard d'euros chaque année au moins.

L'autre aspect est sanitaire. Aujourd'hui, ceux qui en consomment en achètent partout, à n'importe qui et les risques que le produit consommé soit bien trop nocif sont décuplés. Ainsi, pour la santé publique, laisser un tel trafic se mettre en place c'est prendre des risques pour les années à venir.

Une décision originale pour un Président-gestionnaire

La solution serait de mettre en place un statut spécifique aux malades à qui l’on pourrait prescrire du cannabis sous forme médicale/thérapeutique. Certains laboratoires français y travaillent déjà, nous pourrions d’ailleurs en profiter pour renforcer la recherche sur cette plante qui pourrait avoir des vertus immunisantes ou curatives contre le cancer.

Concernant la consommation récréative du cannabis, il s’agit d’une question de politique et de société. François Hollande, qui apparaît depuis le début de son quinquennat comme l’allégorie du gestionnaire, pourrait se démarquer en prenant une décision qui apparaît originale mais qui est profondément nécessaire.

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Merci à Alexandre Balthazard pour sa participation attentive à la rédaction de ce texte

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