L'Invention de la “Guerre contre la drogue” de Reagan (I don't remember...)

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Les leçons à tirer des événements de Ferguson dans le Missouri
Par Danny Haiphong
Mondialisation.ca, 01 septembre 2014
blackagendareport.com

Région : États-Unis
Thème: Droits humains et État policier
Le samedi 9 aout, à Ferguson, une banlieue à la périphérie de St Louis, Missouri, deux Noirs, Mike Brown, 18 ans, et Dorian Johnson, 22 ans, marchaient apparemment sur la chaussée quand une voiture de police s’est arrêtée pour leur dire d’aller sur le trottoir. Les comptes-rendus de ce qui s’est passé juste après sont contradictoires. Ainsi, la police prétend que Brown avait voulu s’emparer de l’arme du policier, mais même si c’était vrai, il l’avait aussitôt reprise en main pour lui tirer dessus une première fois. Mais un acte de rébellion présumé lui donnait-il le droit de tirer cinq autres balles, dont une dans le dos et deux dans la tête, dans le but évident de le tuer ? Les témoignages, toutefois, concordent sur la suite. Quand Darren Wilson, un policier blanc, a tiré sur Brown une première fois, les deux jeunes gens sont partis en courant, mais, à peine quelques mètres plus loin, le policier, qui était sorti du véhicule, tirait une balle dans le dos de Brown. Ce dernier s’était alors retourné, les mains en l’air, mais le policier avait continué à tirer jusqu’à ce que Brown s’écroule face contre terre. Son corps a été laissé pendant des heures sur le trottoir à l’endroit-même où il est tombé. L’autopsie a révélé qu’il avait été atteint par six balles. Il n’était pas armé. Mike Brown, qui venait d’obtenir son diplôme de fin d’études secondaires, devait entrer à l’IUT le lundi qui a suivi le drame. Quant à Johnson, aucune charge n’a été retenue contre lui. (NdT)

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Dès son élection en 2008, Obama, le président de “l’espoir” et du “changement”, se chargeait de faire livrer des armes du Pentagone et d’offrir les services des agences de renseignements à la police locale, une opération d’une ampleur inégalée dans toute l’histoire des Etats-Unis.

Alors que les Palestiniens conseillaient sur Twitter à la communauté noire de Ferguson la meilleure façon de gérer en toute sécurité les jets de gaz lacrymogènes, le président Barack Obama se répandait en discours nauséabonds, caractéristiques de son administration.

Obama déniait aux Noirs le droit d’exister en entérinant qu’il n’était en aucune façon acceptable de se livrer à des actes de violence contre la police.

Cette déclaration raciste avait été prononcée à la suite de l’assassinat de Michael Brown, un jeune Noir de 18 ans, par un policier local de Ferguson, Missouri. Le policier avait tiré sur lui à de nombreuses reprises (au moins six fois) alors que Brown avait les mains en l’air.

Il n’avait cherché à s’enfuir qu’après le premier coup de feu tiré à bout portant.
En l’espace de quelques minutes, “Big Mike” ajoutait son nom à la liste des Noirs assassinés toutes les 28 heures par les forces de police aux Etats-Unis.

La communauté noire de Ferguson a réagi à l’assassinat de “Big Mike” cautionné par l’Etat par des manifestations qui ont duré une semaine. Au mépris des vociférations des grands médias privés, qui appelaient au retour à la paix et à la respectabilité (l’assujettissement) des Noirs, la présence dans les rues de la communauté noire de Ferguson a montré au grand jour la véritable nature de l’impérialisme US du XXIème siècle.

Le SWAT ou l’instauration d’une police militaire

Le spectacle d’unités de la police militarisée du SWAT (Special Weapons And Tactics) avec l’armement du Pentagone qui encerclaient la communauté noire de Ferguson a exposé l’état policier de l’empire US à de sévères critiques.

La classe dirigeante se félicitait du siège militaire mené avec un “gant de velours” (le fameux “soft power”, NDT) et mandatait un officier de police de l’état noir, ainsi que Jessie Jackson, Al Sharpton, et Don Lemon de CNN pour désamorcer la contestation pacifique.

Mais, malgré l’intervention de la classe dirigeante noire renégate, la contestation, qui n’avait pas l’air de vouloir cesser dans l’immédiat, mérite que les leaders d’organisations et les militants de gauche s’y intéressent de près.

Il faut que se développe une solidarité durable avec la communauté noire de Ferguson pour défendre les opprimés. Une des tâches les plus importantes qui incombe aux leaders et aux militants de gauche est de renforcer la conscience anti-impérialiste qui unit les opprimés des États-Unis à ceux qui luttent contre les interventions impérialistes d’Obama à l’étranger.

Il faudra un effort concerté pour débarrasser l’empereur Obama du vernis de gauche que la classe dirigeante lui a généreusement attribué. Par chance, l’histoire est le meilleur moyen de démasquer le programme de l’impérialisme US qui est au cœur de la révolte de Ferguson.

Les Noirs de Ferguson se retrouvent en contact direct avec la police et la garde nationale armées jusqu’aux dents avec les armes et la technologie militaires.
La militarisation de la police a pour origine le lien entre la politique intérieure raciste de l’empire et sa politique internationale de pillage.

En 1969, à peine installé à la Maison Blanche, le président Richard Nixon lançait la première opération du SWAT destinée à anéantir la section des Black Panthers de Los Angeles, dont le siège se trouvait au coin de la 41° rue.

L’unité du SWAT de la police de Los Angeles (LAPD) s’était livrée à une fusillade qui avait duré cinq heures, blessant trois membres des Panthers. La fusillade de la 41ème rue créait un précédent en permettant aux polices locales de demander à Washington de leur fournir des hélicoptères équipés de fusils mitrailleurs, des grenades et d’autres armements réservés jusqu’alors à l’armée.

A la suite de cette offensive, des unités du SWAT ont été créées partout aux Etats-Unis, avec, sur leur écusson d’origine, “41st” symbolisant la solidarité de la population blanche avec la police en tant qu’armée d’occupation dans la communauté noire.

L’anéantissement du BPP par Nixon et la “guerre contre la drogue” de Reagan

C’est en 1969 que la classe dirigeante US avait décidé d’anéantir complètement le Black Panther Party (BPP). La politique de libération des Noirs des Panthers comprenait l’engagement de principe dans la solidarité internationaliste.

L’opposition des Black Panthers à la Guerre du Vietnam mettait en rage l’establishment US.

Les Black Panthers mettaient en parallèle les luttes des Noirs aux États-Unis et les luttes anti-impérialistes à l’étranger, ce qui constituait une menace directe pour leur ordre établi.

C’est ce qui a poussé la classe dirigeante à déclarer la guerre aux Panthers. Le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, déclarait, en 1968, que le BPP était la plus grande menace pour la sécurité intérieure du pays.

En 1969, les meurtres de John “Bunchy” Carter, Fred Hampton, Mark Clark, et de dizaines d’autres membres du BPP mettaient en lumière la collaboration du FBI et de la police locale pour détruire l’organisation révolutionnaire.

Invention de la “Guerre contre la drogue”

L’offensive impérialiste des Etats-Unis contre les mouvements de libération des Noirs s’est poursuivie avec la “Guerre contre la drogue” de l’administration Reagan. A ce moment-là, la direction des Black Panthers s’était évaporée, affaiblie par les réformes intérieures et la répression.

La classe dirigeante US a, alors, imaginé de se saisir de cette occasion pour criminaliser la communauté noire comme mode de contrôle social. Des millions de dollars en aides fédérales et en équipements militaires ont été alloués aux polices locales pour qu’elles mènent des “descentes anti-drogue” à la manière de l’armée.
L’objectif de cette “Guerre contre la drogue” était de contrôler les mouvements de résistance des Noirs.

La criminalisation de l’Amérique noire dans tout le pays a transformé les US en un Etat-prison, qui compte près de trois millions de détenus, et parmi lesquels beaucoup sont noirs.

Pendant que l’armée d’occupation (la police, donc) des US terrorisait la classe ouvrière noire, la classe dirigeante utilisait la même stratégie de “Guerre contre la Drogue” pour veiller à ses intérêts en Amérique Latine et au Moyen-Orient.

La CIA et Washington finançaient les Contras au Nicaragua, au Guatemala, et au Salvador. Les Contras étaient une bande de criminels financés par les US et dont la mission était de déstabiliser l’Amérique Centrale.

La CIA avait également créé un réseau de terroristes djihadistes pour renverser le gouvernement laïque en Afghanistan en 1979.

Ces opérations, en créant le chaos dans le monde entier, devaient ouvrir la voie à la domination géopolitique des Etats-Unis et à celle de leurs grands groupes privés.

Les implications de la “Guerre contre la drogue”

Le journaliste d’investigation Gary Webb révélait en 1997 dans une série d’articles le double rôle à visée impérialiste que joue la CIA dans la “Guerre contre la drogue”.

Lors de son enquête, Webb avait découvert que de la cocaïne entrait clandestinement aux États-Unis et était revendue à Los Angeles par les terroristes des Contras qui menaient la guerre pour le compte des États-Unis contre le mouvement sandiniste au Nicaragua.

C’est le dérivé de cette cocaïne, le crack, qui était délibérément distribué dans la communauté noire, et qui servait de motif aux contrôles incessants et aux incarcérations.

Et, pour faire bonne mesure, une loi avait été votée en 1986-88, dite loi de “100 contre 1?, qui pénalise cent fois plus la possession de crack que celle de cocaïne pure (voir note à la fin du texte, NDT).

Les bénéfices réalisés grâce au trafic de drogue financé par les US étaient renvoyés aux Contras pour les aider à payer les armes avec les fonds publics USaméricains.
Webb démontre dans son enquête que la “Guerre contre la drogue” de l’Empire avait un double objectif : elle s’en prenait à la fois à la communauté noire et aux peuples opprimés du monde entier.

Il n’y a jamais eu de trêve dans cette double offensive de l’impérialisme US qui s’est poursuivie avec les trois derniers présidents, dont deux démocrates.

Clinton, Bush et Obama ont, à leur tour, intensifié davantage la guerre contre la communauté noire aux États-Unis et contre les forces anti-impérialistes à l’étranger.
Clinton a, pendant ses mandats, poursuivi les impopulaires “descentes anti-drogue” militarisées, fournissant aux forces de police 1,2 millions équipements militaires – parmi lesquels 3800 M-16s, 185 M-14s, 73 lance-grenades et 112 blindés pour le transport des personnels.

L’administration Clinton avait également élargi l’utilisation de l’OTAN pour mettre en œuvre les objectifs de l’empire US, lâchant ses djihadistes dans la nature pour démanteler la Yougoslavie.

C’est sur ce même modèle que l’administration Clinton avait soutenu les génocides commis par leurs hommes de paille au Rwanda et en Ouganda pour piller la République Démocratique du Congo.

La “Guerre contre le terrorisme”

L’administration Clinton avait donné le ton pour la “Guerre contre le terrorisme” de l’administration Bush, une stratégie de l’empire US mise en place promptement après la catastrophe du 11 septembre 2001.

Le Département de la Sécurité intérieure (DHS) était créé grâce à des milliards de dollars de fonds publics qui serviraient à accélérer l’érosion des libertés civiles du pays.

Depuis 2001, le gouvernement fédéral a alloué aux polices locales 34 milliards de dollars de subventions, dont une bonne partie en provenance directe du DHS. Ces subventions ont été employées pour acheter du matériel militaire, en particulier, celui qui n’avait pas été utilisé lors des opérations impérialistes US en Irak et en Afghanistan.

Le DHS a ouvert la voie à la création d’un groupe de pression composé des départements de police, de sous–traitants de l’armée et d’administrateurs fédéraux dont les carrières dépendent des bénéfices tirés de la militarisation de la police.

Les manifestants de Ferguson ont, à juste titre, exprimé leur mépris envers le président Obama et Al Sharpton, disant “vous n’avez absolument rien changé, allez tous vous faire voir !“.

Depuis sa première élection en 2008, c’est Obama, le président de “l’espoir et du changement” qui a fait le plus de cadeaux aux polices locales en équipements militaires et en services secrets de toute l’histoire des Etats-Unis.

L’administration Obama, en lui allouant 2 milliards de dollars, a remis en selle le programme Byrnes, une initiative largement responsable des descentes sans mandat du SWAT chez les citoyens américains.

Les subventions du DHS pour la guerre contre le terrorisme ont augmenté, de même que les descentes chez les producteurs de marijuana.

Les prisonniers noirs incarcérés continuent de devenir la population carcérale la plus importante du monde, et les tentatives dérisoires d’amnisties et de révision de la loi des 100 pour 1 sur la détention de crack et de cocaïne sont, au mieux, insignifiantes.

Le seul changement qu’il y ait eu pendant les mandats d’Obama, c’est l’aggravation de la politique impérialiste US.

La critique de l’administration Obama par la gauche a été rare et incohérente, et donc, prolonger la lutte dans la foulée de la révolte de la communauté noire de Ferguson sera une tâche considérable.

La plus grande partie de la gauche s’est trouvée prise au piège de l’obsession des grands médias privés pour le symbolisme quand Obama s’est hissé sur la scène présidentielle en 2008.

En peu de temps, le successeur de Bush Jr. représentait le “moindre mal”, le “progrès” ou tout autre cliché progressiste déconnecté de la réalité qui garantissait l’impunité à l’impérialisme d’Obama.

Les forces militantes s’étaient endormies, même quand l’administration Obama capitulait face à la finance, réprimait les manifestations en militarisant la police, procédait à des incarcérations massives de Noirs et semait le chaos sur toute la planète avec ses impulsions interventionnistes “humanitaires”.

La rébellion de Ferguson, cependant, continue de prendre des forces et a déjà donné une leçon importante à la lutte anti-impérialiste. Le courage dont ont fait preuve les manifestants rappelle les paroles de Huey Newton, à savoir : “les murs, les barreaux, les fusils et les gardes ne pourront jamais encercler et plaquer au sol les idées du peuple“.

La communauté noire de Ferguson a tenu tête à la Garde Nationale et aux forces de police militarisées envoyées pour lyncher les rebelles. Ferguson réclame la justice pour Mike Brown et pour la communauté noire dont il est un représentant.

Une stratégie judicieuse et un engagement à long terme dans la lutte anti-impérialiste peuvent se développer à partir de la résistance de Ferguson, en laissant définitivement tomber l’Obama-mania et en descendant dans la rue par solidarité avec Ferguson, partout où l’oppression existe.

Danny Haiphong

Article original :

U.S. Police State: The Road to Ferguson and the Necessity of Anti-Imperialist Spirit, 27 août 2014

Traduction Leo Lerouge, version française publié par Le Grand Soir

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Informations complémentaires

*Loi de 100 contre 1?(100-to-1 Rule)

Cette loi fédérale a été votée dans les années 80, en pleine période de la prétendue “épidémie de crack”, où il se disait que le crack était plus dangereux que la cocaïne, dont la composition chimique est, pourtant, la même.

Le Congrès creusait encore les inégalités en décidant de faire du crack la seule drogue qui soit punie d’une peine minimale obligatoire, même dans le cas d’une première infraction.

Ainsi, toute personne en possession de 5/50 grammes de crack sera condamnée à la même peine de prison qu’un dealer arrêté avec 500/5000 grammes de cocaïne en poudre (consommée dans les quartiers plus huppés).

Cette loi, présentée hypocritement comme un moyen de lutte contre les gros bonnets de la drogue, a, en fait, engorgé les tribunaux fédéraux (et rempli les prisons) de consommateurs de crack, de passeurs et de petits dealers de quartier.

Avec les nombreux contrôles policiers effectués dans les communautés noires, ou au faciès, et les fouilles systématiques, ce sont les Noirs qui ont le plus pâti de cette politique.

Les statistiques les plus récentes indiquent qu’en 2005, les Noirs constituaient plus de 80% des détenus des prisons fédérales pour des délits non violents liés au crack, alors que 2/3 des consommateurs de crack sont blancs ou hispaniques.

Toutefois, en aout 2011, après des années de lutte des associations de défense des droits humains, le congrès votait une nouvelle loi sur les peines encourues pour détention de drogue afin de “réparer les injustices” faites aux Noirs.

Rejetant la loi inique des “100 contre 1?, le congrès descendait généreusement à la proportion de … 18-1.

Et, donc, une personne prise avec du crack devra en posséder, désormais, au moins 28 grammes pour être condamnée à une peine minimum obligatoire de cinq ans de prison. Mais s’il s’agit de cocaïne pure, cette peine de prison ne sera appliquée qu’à partir de 500 grammes de produit.

Pourquoi pas 1 contre 1 ?

C’est exactement ce qu’on vient d’expliquer.

Le pouvoir blanc n’accordera jamais les mêmes droits aux Noirs. Et le peu qu’il accorde, il reprend tôt ou tard sous une autre forme.

Parallèlement à l’histoire de Brown :

En mars dernier, Victor White III, 22 ans, était arrêté pour possession de drogue. Menotté dans le dos, il était assis à l’arrière du véhicule de police, et avait, ensuite, refusé d’en sortir.

Le policier affirme être parti chercher du renfort, et avoir retrouvé White à son retour avec une balle dans le dos. Grièvement blessé, celui-ci mourrait peu de temps après.
Le rapport officiel de la police, reprenant la version du policier, conclut à un suicide.
Un rapport d’autopsie, publié ces jours-ci, indique que la balle est entrée d’abord dans la poitrine, perforant le poumon et le cœur et est ressortie par l’aisselle.

Comment un homme menotté dans le dos peut-il se suicider en se tirant une balle dans la poitrine avec une arme que le policier n’avait pas trouvée en le fouillant ?
Laquelle de ces versions opposées sera choisie, en fin de compte ?

Si la police tue impunément des Noirs sans armes, c’est parce que la société est organisée de façon à maintenir et protéger les privilèges des Blancs.

Voici en anglais ce qu’encourt un policier qui punit de son propre chef de la peine de mort tout acte de rébellion, même insignifiant.

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