Ces définitions très personnelles de l’addiction/dépendance sont biaisées dès le début car entachées de concepts moraux...

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La porno-dépendance, un mythe ? Les films X sont un stimulant sexuel, rien d'autre
Publié le 26-02-2014 à 14h22 - Modifié à 16h41

12 réactions | 9348 lu

Par David Courbet

Chroniqueur Sexo

Le PLUS. L'addiction au porno n'existe pas. C'est ce qu'affirme le psychologue américain David Ley, qui pointe du doigt le manque cruel de preuves scientifiques concernant une éventuelle dépendance à la pornographie. David Courbet, auteur de "Féminismes et pornographie" estime qu'accuser les films X de tous nos maux est en effet un peu trop facile.
Édité par Rozenn Le Carboulec Auteur parrainé par Aude Baron

Les études se suivent… et ne se ressemblent pas. N’en déplaise à un précédent témoignage recueilli sur cette plateforme d’une personne affirmant être porno-dépendante, il semblerait qu’il s’agisse en fait… d’un mythe selon un psychologue américain.

Et s’il existe effectivement des personnes ressentant un besoin compulsif de visionner du matériel pornographique, il ne s’agirait qu’un moyen, parmi d’autres, pour assouvir un problème qui trouve une toute autre origine. Plus facile effectivement d’accuser "le vilain X qui pervertit les mœurs et les esprits" (et qui corrompt les âmes des individus de 7 à 77 ans) que de se remettre en cause. Individuellement.

Etudes biaisées

Le psychologue David Ley, notamment auteur du "Mythe de l’addiction sexuelle", s’est attaqué aux études menées sur le visionnage fréquent de pornographie et leurs effets.

Il en ressort que si seulement 37% d’entre elles parlent de "dépendance", seuls 27% des articles sur le sujet sont basées sur des données réelles. La rigueur scientifique ne serait pas de mise, due à un biais moral omniprésent. Résultat : le cas isolé est trop souvent mentionné comme une généralité. Le témoignage d’un individu, fut-il intéressant, n’explique donc pas un phénomène social, ou un "fait social" cher à Emile Durkheim.

Une addiction très subjective

Le principal problème réside dans le fait qu’il n’existe aucune définition de ce qu’est "l’addiction au sexe". Du coup, il en va de la subjectivité du médecin de dire si oui ou non il y aurait dépendance. Une chance sur deux (ou un risque, tout dépend du point de vue). L’erreur faîte par le spécialiste réside alors dans le fait d’appliquer les mêmes schémas que la dépendance à la drogue ou à l’alcool au sexe. Jusqu’à ce que le sexe prenne le dessus sur la vie de tous les jours.

Pour certains experts, il s’agirait d’une compulsion, pour d’autre une réaction à un trauma sexuel. Sauf qu’il y a beaucoup de personnes qui ont été abusées sexuellement et n’ont aucun de ces prétendus symptômes et beaucoup d’individus affirmant avoir des problèmes avec leur sexualité n’ont jamais été abusés.

Pis encore, personne n’en est mort.

Car contrairement à une personne dépendante de l’alcool ou de la drogue, une personne labellisée comme "folle du cul" n’a pas à subir de conséquences physiques sérieuses. Sauf avis contraire, personne n’est encore mort d’une non-activité ou d’une forte activité sexuelle. Même en vous tirant dix fois par jour la nouille, peut-être que celle-ci deviendra bleue et qu’elle vous fera un peu mal, mais elle ne s’arrachera pas. Pareil pour la minette qui n’est pas prête de prendre feu.

Et pourquoi accuser quelqu’un au final s’il y trouve son plaisir ?

Dirait-on la même chose à un/une sportif(ve) qui aime beaucoup courir, effectue plusieurs marathons par an, voire pire pour certains, se mettent consciemment en danger physiquement mais en éprouvent un plaisir certain, très personnel ? De quel droit juger des plaisirs d’autrui et de sa manière d’y parvenir ?

Ces définitions très personnelles de l’addiction/dépendance sont biaisées dès le début car entachées de concepts moraux sous-jacents. Derrière tout cela, l’idée que le sexe est dangereux, sale et ne devrait pas être trop pratiqué. Comment fixer des critères par rapport à la normale ? Dans ce cas, qu’est-ce qu’une sexualité qui sort de la norme ? Pour savoir s’il y a un caractère excessif, qu’est-ce qu’un comportement sexuel dit normal ? Qu’est-ce qu’une bonne santé sexuelle ?

Normalité mon cul

Il en ressort dans le discours des thérapeutes, militants anti-porno, ex-dépendants ou certains journalistes un aspect traditionnel et très conservateur de la sexualité : le couple, durable, hétérosexuel bien sûr, serait le lieu privilégié de relations sexuelles réussies et épanouissantes.

Exit les lesbiennes, gays, bi, trans mais aussi les libertins et autres individus "en dehors de la norme" imposée par la société. Jadis brûlées sur le bûcher, accusées pour leur lubricité jugée "excessive", les sorcières (et leurs homologues masculins) du XXIe siècle ne risquent heureusement plus la peine capitale. Mais d’être mis sur le ban de la société. Ce qui revient presque au même de nos jours.

"La notion d'"addiction à la pornographie" a été inventée dans les années 70-80 aux États-Unis et importée en France à la fin des années 90. C'est donc une catégorie très récente : ce comportement "anomal" se définit moins par son écart avec l'ancienne norme de l'hétérosexualité reproductive (à l'instar des "perversions sexuelles" du XIXe siècle) que par son écart avec la nouvelle norme d'épanouissement au sein du couple hétérosexuel...", explique Florian Voros, sociologue à l'Ehess, auteur de "l’invention de l’addiction à la pornographie".

Du sexe sans amour ? Impensable! Vite, un coupable : le porno.

Un bouc-émissaire facile

Dès lors que quelqu’un s’intéresse plus à des vidéos de cul qu’à sa vie affective et éventuellement familiale, c’est que le problème vient sans doute d’ailleurs. Pourquoi choisir la facilité en disant "bouh, le porno c’est mal !" ? Il ne faut pas oublier quelle est son utilité : offrir un support fantasmagorique à des individus pour augmenter leur désir sexuel, seul ou pour pimenter leur sexualité à deux, ou plus.

"Cette dépendance à la pornographie est étroitement liée à un problème addictif majeur qui est la masturbation compulsive (plus de cinq fois par jour, sans recherche de plaisir, juste pour apaiser les souffrances internes) et la pornographie est un moyen de gratification immédiate", rappelle Laurent Karila, médecin-chercheur spécialiste des addictions.

Accuser le porno est en effet tellement plus simple que se remettre en cause. Car c’est bien souvent un moyen pour des personnes trop timides ou socialement en retrait d’éviter un rejet en s’en tenant au porno, non menaçant sur les plans sexuel et relationnel : "En usant de pornographie, personne ne va les critiquer et les remettre en question, mais, en même temps, ils ne bénéficient pas non plus des bienfaits physiologiques et émotionnels de l’attachement et de l’intimité avec une autre personne", expliquait un spécialiste de pornographie.

Une éducation nécessaire

Bien entendu que porno n’est pas anodin, et il faudrait être assez bête pour penser le contraire. Il est totalement légitime que les enfants n’y soient pas exposés dès leur plus jeune âge en raison de leur manque de distance entre la réalité et la fiction. Et comme tout sujet, l’éducation reste primordiale pour comprendre la séparation de ces deux mondes.

Le porno est un stimulant sexuel, rien d’autre. Une personne avertie ne risquera rien à sa vue mais des troubles peuvent naturellement subvenir chez d’autres, en raison d’autres facteurs comme une éducation à la sexualité difficile ou tronquée. Le porno agit alors comme un compensateur d’une sexualité mal exprimée en permettant d’atteindre un état émotionnel inaccessible autrement. Pas étonnant alors que certains croyants aient autant peur d’être accro au porno.

Pointer du doigt la conséquence est tellement plus facile que de chercher les véritables raisons. Le Nutella, c’est bon, hein ? Et bien, certaines personnes n’arrivent pas à s’en passer, servant de compensation pour cacher un problème plus profond. Qui devrait être traité par un psychologue, et non par un nutritionniste !

Les déviances existent partout. N’importe quel outil peut devenir une source de trouble voire de perversité : va-t-on mettre des étiquettes "attention danger" sur des culottes en dentelle au prétexte que certains fantasment dessus ? (attention d'ailleurs à ce que vous faites de vos culottes sales). Sans oublier les fétichistes des pieds ou encore ceux pensant vivre dans un monde enchanté : pas sûr que l’adulte qui rêve encore de princesses et de princes charmants ne soit plus sain d’esprit qu’un "accro" au porno.

"Pathologie" lucrative

Un autre point intéressant de l’étude s’avère la dénonciation de l’enjeu économique de cette soi-disant pathologie.

Car le marché de la désintoxication au sexe fait florès. Il n’y a qu’à voir sur le net les milliers d’annonces à ce sujet et les réponses proposées par des spécialistes de tout poil, sexologue, psychologue, psychanalyste ou encore bigots, car oui, Jésus est le meilleur ennemi de Katsuni.

Et quand on regarde de plus près ces sites sensés nous "aider à sortir du carcan pornographique", une grande partie d’entre eux sont liés de près ou de loin avec des sites religieux. Soit directement avec des articles, très bien référencés, relayant les soi-disant dangers du porno, car dieu est le mieux à même de vous donner "la vérité sur la pornographie", ou alors de manière plus subtile.

C’est le cas pour l’un des principaux sites "pornodependance.com" qui se voit fortement recommandé par… "Chrétiens.org", "l’annuaire du net chrétien francophone". Que la propagande religieuse cherche à récupérer les brebis égarées semble normal, mais le faire de manière cachée et prôner l’indépendance est pitoyable. Et au final contreproductif.

Sans oublier l’aspect lucratif derrière : des résidences spécialisées ont déjà vu le jour aux États-Unis ou en Europe. Quand certaines vous proposent des stages de deux jours pour 2300 dollars, d’autres préfèrent une vraie période d’immersion avec cinq semaines à … plus de 11.000 euros !

Forcément, avec de telles sommes en jeu, il n’est pas de l’intérêt des spécialistes et praticiens du sexe de chercher à minimiser le problème. Perdre cette poule aux œufs d’or serait un véritable drame ! Alors en fin de compte, qui sont les véritables porno-dépendants ?

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