Réunion du G8 - "La lutte antidrogue est un échec mondial".
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Réunion du G8
"La lutte antidrogue est un échec mondial"
Par Jules Giraudat, publié le 10/05/2011 à 08:00
REUTERS/Albeiro Lopera
Alors que s'ouvre ce mardi à Paris une réunion du G8, consacrée à la lutte contre les trafics de drogue, Christine Renaudat et Vincent Taillefumier, journalistes en Colombie, dénoncent les errements de la guerre antidrogue au niveau mondial.
Christine Renaudat et Vincent Taillefumier, journalistes en Colombie depuis 10 ans, sont les auteurs de Les tribulations d'un gramme de coke, aux éditions Florent Massot.
Qu'attendez-vous du "G8 contre la drogue" ?
Rien. C'est une simple réunion technique entre Etats qui s'échangent des moyens pour lutter militairement contre les drogues et les mafias. Il ne s'agit pas de réfléchir à une révision de fond des politiques antidrogue. Pourtant, ces gouvernements reçoivent de plus en plus de rapports sur l'échec des stratégies antidrogue. Ils les lisent, les connaissent. Mais rien n'évolue.
Pourquoi la guerre antidrogue lancée dans les années 1970 est-elle un échec ?
Le nombre de consommateurs et la production ont augmenté. Or, les dirigeants mondiaux n'ont jamais tenté de changer de stratégie. C'est inédit. On dépense des milliards dans un plan qui ne marche pas. La prohibition de la cocaïne, par exemple, alimente l'activité des mafias et des guérillas meurtrières dans les pays producteurs.
Depuis 2001, consommer une drogue dure ou en détenir une petite quantité n'est plus un délit au Portugal. Quels sont les résultats?
Globalement la situation sanitaire s'est améliorée. Le nombre d'overdoses a diminué. La consommation n'a pas connu le boom auquel on aurait pu s'attendre. Enfin, la criminalité liée aux drogues a reculé. C'est positif pour les Portugais. Mais il s'agit d'une initiative isolée qui ne résout rien au niveau mondial.
Comment résoudre ce problème planétaire?
La dépénalisation prend seulement en compte l'aspect consommateur, et non les problèmes qui concernent les pays producteurs. Elle ne considère pas le trafic de drogue dans son ensemble. C'est pourquoi il faut une révision mondiale des politiques antidrogue et pas seulement des ajustements au cas pas cas.
C'est d'ailleurs ce que préconisent les signataires de l'appel de Vienne lancé fin juin 2010, parmi lesquels figurent des prix Nobel et trois anciens présidents d'Amérique Latine, le Colombien César Gaviria, le Mexicain Ernesto Zedillo, le Brésilien Fernando Enrique Cardoso.
A quoi ressemblerait ce nouveau modèle de régulation des drogues ?
On peut imaginer des solutions différentes selon les pays et selon les types de drogue. Un système souple pour le cannabis, de type coffee shop, comme aux Pays-Bas. Pour les drogues dures, un système un peu plus verrouillé de type pharmaceutique, où les produits seraient vendus par des pharmacies labellisées qui effectueraient un accompagnement du consommateur. La publicité de ces produits serait évidemment interdite et les doses strictement régulées par l'Etat.
A ce jour, 180 à 250 millions de consommateurs ont essayé ces substances alors qu'elles sont interdites et dangereuses. Dans un système légalisé et contrôlé, la pression sociale pèserait sur le consommateur. La légalisation de la drogue mérite au moins qu'on y réfléchisse. Mais le sujet reste tabou.
En France, l'idée d'une dépénalisation ou d'une légalisation des drogues fait peur. Pourtant, le nombre de consommateurs de psychotropes remboursés est très important dans notre pays. Il y a une schizophrénie. Le débat est nettement plus avancé aux Etats-Unis ou en Angleterre, et je ne parle pas du Portugal et des Pays-Bas. Il faut appliquer à la drogue les méthodes que l'on emploie dans la lutte contre l'alcoolisme : légalisation accompagnée de prévention et d'éducation. Pour le moment, la lutte antidrogue est aussi inefficace que la Prohibition dans les années 1930 aux Etats-Unis.
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