Le printemps des banquiers: s'assurer qu'il y aura des sauvetages encore plus importants dans les années à venir.

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CHRONIQUES | Mis à jour le mardi 3 mai 2011 à 9h22

Le printemps des banquiers

L'an dernier le GOP a lancé deux magnifiques exemples de campagne mensongère couronnées de succès : Medicare, où les mêmes personnes qui criaient aux tribunaux de la mort essaient aujourd'hui de démanteler tout le programme fut le plus manifeste ; aujourd'hui ils remettent ça avec la réforme financière.
Comme vous vous en souvenez peut-être, les républicains s'opposèrent durement au sauvetage des banques. Entre autres choses, ils réussirent à convaincre des électeurs de différents bords que la loi de sauvetage hautement impopulaire proposée et adoptée par l'administration Bush fut décrétée sous le contrôle du président Barack Obama.

Or maintenant ils font tout ce qu'ils peuvent pour s'assurer qu'il y aura des sauvetages encore plus importants dans les années à venir.
Que faut-il faire pour limiter les sauvetages à l'avenir ? Déclarer qu'on ne recommencera plus jamais n'est pas une réponse : quand la tourmente financière frappe, on ne peut rester sans rien faire et laisser les banques s'effondrer comme des dominos. Après tout, c'est ce qu'ont fait les décideurs politiques en 1931, et la crise bancaire qui a suivi a transformé une simple récession en Grande Dépression.

Et n'oublions pas que les marchés ont amorcé une chute libre quand l'administration Bush a laissé choir Lehman Brothers. Seules des mesures rapides – dont le vote du sauvetage tant décrié – ont permis d'éviter de rejouer le scénario de 1931.

Alors quelle est la solution ? La réponse est la réglementation qui limite la fréquence et l'ampleur des crises financières, associée à des règles permettant au gouvernement de frapper un bon coup quand les sauvetages deviennent nécessaires.

Souvenez-vous, des années 1930 aux années 1980, les États-Unis ont réussi à éviter les sauvetages de grande ampleur d'organismes financiers. L'ère moderne des sauvetages n'a démarré qu'avec les années Reagan, quand les hommes politiques commencèrent à mettre en pièces les réglementations héritées des années 1930.

De plus, la réglementation n'a pas évolué avec le système financier. Les organismes secourus en 2008-2009 n'étaient pas des banques à l'ancienne, c'était des empires financiers complexes, dont de nombreuses activités étaient en réalité déréglementées – et ce sont ces activités déréglementées qui ont mis l'économie américaine à genoux.

Pire encore, il manquait aux responsables politiques une autorité claire pour saisir ces empires en faillite comme peut le faire la FDIC (agence fédérale américaine garantissant les dépôts bancaires, ndt) avec une banque conventionnelle quand celle-ci s'effondre. C'est une des raisons pour lesquelles le sauvetage a semblé un tel cadeau : les responsables politiques sentaient qu'il leur manquait les outils légaux pour sauver le système financier sans que les gens à l'origine de la crise ne s'en tirent.

L'an dernier les démocrates du Congrès ont voté un projet de loi de réforme financière qui cherchait à combler ce manque. Le projet étendait la réglementation à plusieurs domaines : la protection des consommateurs, des normes de fonds propres plus élevés pour les organismes importants, une plus grande transparence en ce qui concerne les instruments financiers complexes. Et elle créait de nouveaux pouvoirs : – "l'autorité de résolution" – pour aider les hauts responsables à mener une négociation plus dure lors des crises à venir.

Il y a beaucoup de critiques à faire à propos de cette législation, qui est certainement trop faible. Et le gouvernement Obama a frustré beaucoup de monde par son attitude trop laxiste envers Wall Street – illustrée la semaine dernière par la décision de dispenser de réglementation les échanges étrangers, qui furent une cause majeure de la dislocation en 2008.

Mais les républicains tentent de saper tout le dispositif.

En février dernier, les législateurs du GOP ont admis franchement qu'ils tentaient de paralyser la réforme financière en coupant les crédits. Et la récente proposition budgétaire de la Chambre, qui demande une privatisation de Medicare et sa transformation en un système de bons d'échange, demande aussi l'élimination de l'autorité de résolution, mettant en réalité tout en place pour que lors de la prochaine crise les banquiers obtiennent un accord aussi avantageux qu'en 2008.

Bien sûr, ce n'est pas ainsi que les républicains présentent les choses. Ils prétendent que leur objectif est de "casser le cycle de sauvetages à venir", sous la rubrique générale de "la fin de l'entreprise-providence".

Mais comme nous l'avons déjà vu, il y aura d'autres sauvetages, quoi qu'en disent les hommes politiques d'aujourd'hui – et ils seront plus importants, plus fréquents et plus coûteux s'il n'y a pas une réglementation efficace.

Pour voir ce qui se trame réellement, regardez où va l'argent. Il fut un temps où Wall Street préférait les démocrates, peut-être parce que les financiers ont tendance à être assez libéraux (dans le sens américain du terme, ndt) quand il s'agit des questions de société. Mais l'avidité l'emporte sur les droits des homosexuels, et les contributions financières du secteur sont allées très largement aux républicains lors des élections de 2010. Apparemment, Wall Street, contrairement aux électeurs, n'a eu aucun mal à deviner les intentions réelles du parti.

Et une dernière chose : en barrant la route aux réglementations qui limiteraient les crises financières à venir, les républicains prouvent une fois de plus qu'ils ne se soucient pas vraiment des déficits budgétaires.

Car notre déficit actuel est en très grande partie dû à la crise financière de 2008, qui a dévasté les recettes et augmenté les coûts de dispositifs comme l'assurance-chômage. Et si nous avons réussi à éviter d'importants coûts directs des sauvetages (un fait qui n'est pas bien apprécié dans le débat public), on pourrait ne pas avoir cette chance la prochaine fois.

D'autres crises, plus importantes ; d'autres sauvetages, plus importants ; d'autres déficits, plus importants. Si vous aimez cette perspective, vous adorerez ce que le GOP est en train de faire à la réforme financière.

Paul Krugman

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