France - Attali, bien pire que le médiator et le tabac réunis.
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Edito
Attali, bien pire que le médiator et le tabac réunis
Publié le 8/02/2011
Il y a quelques siècles, la France se caractérisait par la présence en son sein d’illustres philosophes, de penseurs rigoureux, d’hommes politiques galvanisant les foules. De nos jours, ce pays n’offre plus que des moralistes pontifiants, des politiciens fébriles et brouillons, et des gratte-papiers pénibles spécialisés dans une provocation industrielle de synthèse. Attali n’échappe pas à la règle ; mieux, il cumule les trois positions.
Attali, c’est cet ancien conseiller de Mitterrand, qui multiplie les casquettes (économiste, écrivain, haut fonctionnaire, essayiste, philosophe, financier, voyant médiumnique) et qui est actuellement très connu pour avoir correctement prédit la crise financière avec deux ans de retard.
Si l’on y ajoute sa marotte de gouvernement mondial et une certaine propension à avoir des avis sur tout, et surtout des avis, on comprendra vite que le personnage colle parfaitement à ce désir d’universalité embrouillée que les Français semblent actuellement rechercher avec empressement : si après le passage d’Attila le Hun, l’herbe ne repoussait plus, on la sent confusément prise d’indécision chronique (verdir ou jaunir ?) après le passage d’Attali le zéro.
Et cette fois encore, l’homme ne nous déçoit pas. Tout avait pourtant bien commencé : dans un récent billet de son blog, il avait décidé de nous entretenir du Mediator, ce magnifique exemple de la collusion de l’état et de l’industrie pharmaceutique, illustration parfaite qu’en matière de santé, de gros sous et de corruption, le système public à la française n’avait absolument rien à envier aux cauchemars glauques des anticapitalistes primaires.
Las : nous n’aurons point sur la faillite de ce médicament les gouttes de sagesse ultime du philosophe / vendeur de livres, qui s’est contenté de noter sans aller plus loin qu’elle avait commodément provoqué la révision d’une liste de pharmacopées douteuses.
En revanche, nous aurons droit à un étonnant parallèle entre le Mediator et … le tabac : le premier cause des morts, le second aussi, il y a donc une similitude à côté de laquelle notre bon Jacques ne pouvait passer. Et le voilà parti dans une croisade consternante pour l’interdiction pure et simple de toute la filière du tabac. Pouf, comme ça.
On peut être étonné que le bon Jacques se soit arrêté en si bon chemin. En effet, en deux secondes de réflexion supplémentaire (que l’homme aurait sans nul doute facturé fort cher s’il l’avait menée lui-même) on peut noter que le parallèle qu’il fait pouvait largement être étendu à d’autres biens que le tabac.
Tout comme le médiator, les fusils d’assaut, les mines antipersonnel, les tanks, l’alcool, les anesthésiques et les piscines provoquent des dizaines de morts par an. Tout comme le tabac, on en fait la publicité, surtout pour les piscines et les anesthésiques. Là encore comme pour le tabac, l’utilité réelle rendue par les tanks, les piscines ou l’alcool est largement discutable et directement liée au point de vue de ceux qui, précisément, achètent ces produits.
Mieux : on sait de source sûre que les maladies vénériennes provoquent des milliers de morts par an. Ces maladies, par définition, ne se répandent que par le truchement des actes sexuels. Il serait logique qu’un hygiéniste comme notre bon Jacques propose, avec l’interdiction du tabac, des armes à feu, des piscines et de l’alcool, l’élimination pure et simple de tout acte sexuel, afin d’éradiquer une fois pour toute le SIDA, la gonorrhée, la syphillis et accessoirement l’Humanité toute entière ; d’une pierre, deux coups : on élimine plein de méchantes maladies ET on sauve Gaïa. Accessoirement, quelle envie de vivre peut rester aux hommes dans un monde sans alcool, sans drogue, sans armes et sans sexe ?
En fait, ce qui fait le corps du billet d’Attali sur l’interdiction du tabac, c’est son analyse puissante et profonde des raisons qui poussent les états, malgré le constat dramatique sur le tabac, à en promouvoir toujours la vente : ils se sucrent au passage, les méchants ! Et devant cette évidence que l’état se mêle négativement du business de la drogue, que recommande Jacques ? D’ajouter une couche d’état, au travers d’une bonne interdiction dont l’efficacité est tous les jours éclatante.
A ce point là, normalement, je vous assomme avec une ou deux références sur la prohibition aux Etats-Unis, et une autre sur la guerre contre la drogue. Après, je fais un paragraphe plus ou moins rigolo en remarquant que la drogue, le sexe et le rock’n'roll ont toujours été violemment recherchés par les hommes et qu’interdire ces activités est parfaitement inutile ; comme il est un peu question de sexe, je dois même pouvoir faire une ou deux références graveleuses qui me feront perdre un ou deux lecteurs supplémentaires. Enfin, je termine en notant qu’après tout, tant qu’on ne se fait de mal ou de bien qu’à soi-même, tout ceci n’est pas vraiment grave, et je conclus sur « Les vices ne sont pas des crimes » et un lien sur Lysander Spooner.
Fastoche.
Mais je dis normalement, parce qu’ici, il n’est pas nécessaire de pilonner le pauvre billet d’Attali au canon de 105. Trop facile.
En réalité, Attali ne cherche pas à poser une réflexion. Comme la plupart des polémistes en France, il est dans l’émotion et dans le nécessaire besoin de recourir à l’état pour imposer aux autres cette société qu’il fantasme tout haut depuis qu’il s’est approché du pouvoir. Il lance sa proposition d’interdiction comme d’autres un rendez-vous à leur compagne dans une boîte échangiste, à tout hasard ; sur un malentendu, on ne sait jamais, ça peut marcher.
Attali s’inscrit parfaitement dans cette tendance jacobino-totalitaire mollassonne qui consiste à essayer, par tous les moyens, de régenter la vie des autres dès lors qu’on ne la juge pas conforme à ses propres standards.
Et comme le siècle précédent a montré qu’y aller franco, en matière de régulation éhontée de la vie des autres, ça finissait toujours mal, et qu’en plus, ces cons d’électeurs pourraient se souvenir des précédents (ceux-là même qui contiennent des heures sombres), les tenants d’une régence complète et micrométrique d’absolument tous les aspects de la vie ont trouvé d’autres moyens pour parvenir à leur fin : il suffit d’y aller par petits paliers discrets.
On pourra par exemple désinciter les gens à commettre des bêtises. On collera des photos de bébés morts sur les paquets de cigarette, des photos de goélands morts sur les bidons de pétrole, des photos de cyclistes morts sur les portières de voitures, ou d’ours polaires morts, selon l’angle choisi prévention routière / réchauffement climatique. Il faudra beaucoup de photos de trucs morts, en tout cas. Moyennant quoi, les gens seront « incités » à faire attention, à ne plus fumer, ne plus boire, ne plus rire trop fort, ne plus se déplacer vite, ne plus respirer irrégulièrement.
En enlevant ainsi, consciencieusement, toute espèce de fun dans la vie de chacun, on augmente très concrètement l’espérance de vie de tous : au lieu de mourir en moyenne à 72 ans, on meurt à 73 ans, mais l’année supplémentaire paraît des siècles à se faire chier à bouffer ses cinq légumes cuits à la vapeur dans un environnement bio-compatible, éco-conscient et strictement non-agressif pour absolument tout le monde, acariens compris.
Attali conclut d’ailleurs son billet en carton sur un magnifique point Godwin, montrant que son niveau de trolling est assez élevé et ne mérite donc pas plus d’attention qu’un gros éclat de rire un peu condescendant : pour lui, la cigarette a provoqué 100 millions de morts, le double de la deuxième guerre mondiale, et cette analogie affligeante serait une raison suffisante pour l’interdire.
Eh bien soit, mon brave Jacques : si la cigarette a fait 100 millions de mort, le socialisme aussi. Et comme Attali préconise encore une fois le socialisme, la coercition et la santé revigorante pour tous, peut-on dire qu’Attali préconise les mêmes recettes que cette idéologie qui fit 100 millions de morts ?
Doit-on interdire le socialisme ? Mieux : ne devrait-on pas plutôt interdire Attali ?
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Rapport Attali
Publié le 27/10/2010
Jacques Attali [a remis] au Président de la République, vendredi 15 octobre, le nouveau rapport de la « Commission pour la libération de la croissance française ». Comme dans le rapport précédent (les fameuses 316 propositions de janvier 2008), on trouve un peu de tout chez Jacques Attali, du farfelu au rigoureux, du socialisme au libéralisme, du plus utopique au réaliste.
On peut reconnaître que ces propositions sont parfois courageuses, mais elles restent dans la logique de l’omniprésence de l’Etat. Peut-on dépenser moins sans toucher à la taille de l’Etat ?
Nouveau rapport, nouveau style
La première chose qui frappe, c’est la discrétion observée lors de la remise du rapport. Un vendredi soir, à 18 heures, entre deux grèves, sans conférence de presse… C’est tout juste si on n’a pas fait entrer Jacques Attali à l’Elysée par la porte de service. On est loin du battage médiatique fait en 2008 pour le premier rapport.
Le pouvoir aurait-il peur de son ombre en cette période troublée au point de s’effaroucher de ce qui n’est après tout qu’un simple rapport, parmi tant d’autres ? Ou le pouvoir a-t-il mauvaise conscience à l’égard de la Commission ? Lors de la remise du précédent rapport Nicolas Sarkozy avait annoncé que toutes les propositions ou presque seraient mises en œuvre : mais cela n’a pas été le cas. Par exemple les départements sont toujours là, et les professions fermées le restent.
Venons-en au contenu et conclusions de ce rapport. Plus question cette fois de 316 propositions : il n’y en a plus que 25, mais il est vrai qu’elles touchent souvent à des domaines que la commission avait prudemment écartés la fois précédente, comme la fiscalité et les dépenses publiques. Le rapport tourne en effet cette fois autour de deux urgences, le désendettement et l’emploi, et de deux « chantiers de long terme », l’éducation et la gestion des ressources rares. C’est plutôt bien vu, sauf en ce qui concerne la gestion des ressources rares, qui fait l’objet même de l’économie, et qui est assurée grâce au marché et aux droits de propriété.
Priorité au désendettement
La question des déficits publics et de l’explosion de la dette publique est évidemment centrale et personne ne croit sérieusement que le budget 2011 puisse régler le problème ; d’ailleurs, le gouvernement lui-même reconnaît qu’avec la politique actuelle et celle qui est prévue pour 2011, la dette augmentera encore dans les deux années à venir. Pour le rapport Attali, il faut ramener le déficit public à 3% du PIB en 2013, ce qui n’est après tout qu’entrer dans les clous des traités européens. La prévision repose sur l’hypothèse, discutable dans l’état actuel de l’économie, d’une croissance du PIB de 2% par an, mais admettons l’hypothèse. Il faudrait alors trouver pour cela 75 milliards d’euros. C’est effectivement un ordre de grandeur acceptable. « Pas de croissance sans désendettement », précise en outre le rapport Attali : admirable conversion pour l’inspirateur de la relance Mitterrand de 1981, qui avait conduit aux déficits, à la dette et à la dévaluation du franc…
Diminuer les dépenses
Tout est dans le comment. Deux méthodes, la baisse des dépenses publiques et la hausse des impôts. Du coté des dépenses, Attali propose 50 milliards de moins. Sur le principe, on ne peut que se réjouir de voir enfin des ordres de grandeurs réalistes et non des mesures cosmétiques qui ne changent rien. Parmi les propositions, il y a le gel du point d’indice des salaires des fonctionnaires, non pour 2011 seulement comme le prévoit le gouvernement, mais jusqu’à 2013 : diète pour les fonctionnaires. Il y a aussi, mesure qui s’impose, l’extension de la règle de non remplacement d’un salarié sur deux partant à la retraite : elle doit s’appliquer non seulement à la fonction publique d’Etat mais aussi à la Sécurité sociale et aux collectivités locales. On ne peut qu’applaudir et approuver ce que le gouvernement n’a pas eu encore le courage de faire.
Il est aussi question d’une « meilleure maitrise des dépenses de chacun des acteurs publics », en particulier des collectivités locales, dont les concours financiers de l’Etat devraient diminuer de 1%. La Sécurité sociale n’est pas épargnée. Il n’y a guère ici d’originalité : plus de déremboursements des médicaments et surtout participation financière des malades en affection de longue durée (remboursés jusque là à 100%). « Les dépenses publiques doivent être ciblées sur ceux qui en ont le plus besoin ». Façon de dire que l’assurance maladie n’est plus une assurance, si elle ne rembourse que les bas revenus. Imaginons le même système pour l’assurance automobile !
Réduire le périmètre de l’Etat
Pourtant, telles quelles, toutes ces propositions recèlent un vice fondamental : elles ne modifient pas le périmètre de l’Etat ? Elles seront systématiquement critiquées car les Français se demanderont ce qu’il restera de l’éducation, de l’assurance maladie ou des retraites si l’on supprime tant de salariés du secteur public. Le rapport Attali oublie de donner la réponse : le but est d’assurer un meilleur service à moindre coût grâce aux privatisations et à l’introduction de la concurrence, que ce soit en matière d’école ou de protection sociale. Le rapport va donc susciter une levée de boucliers et une attaque contre l’ultra-libéralisme, parce qu’on « casse le service public », mais il aura passé sous silence la réduction des coûts et l’amélioration de la qualité des services qui résulteraient d’une vraie politique libérale : diminuer le périmètre de l’Etat pour transférer et les activités et les emplois vers l’initiative privée et le marché.
Certes, le rapport Attali montre bien les limites du système éducatif actuel, face au problème du chômage ; mais il ne suffit pas de demander plus de formations en alternance ou plus d’autonomie pour les directeurs d’école pour singer la concurrence. De même, pour les retraites, on reste sur la logique d’augmentation de l’âge légal, même s’il est reproché, à juste titre, au gouvernement de ne s’intéresser qu’à l’horizon 2020, sans chercher à voir au-delà ; mais pas un mot sur la capitalisation, qui serait la seule façon de régler le problème et qui passe par une privatisation des systèmes de retraite. Il y a certes quelques pistes de réforme, comme la suppression du numerus clausus pour les médecins et les pharmaciens, ce qui permettrait une meilleure concurrence, mais à quoi bon si c’est pour rester dans un système de prix bloqués ? S’agissant des professions fermées, ni le rapport Rueff-Armand de 1959, ni le rapport Attali de 2008 n’ont débouché, faute de volonté politique d’affronter les lobbies. Quant à l’idée de remplacer les services administratifs par des agences autonomes, c’est bien, mais ce serait encore mieux de privatiser.
Augmenter les impôts
La deuxième méthode Attali pour affronter les déficits porte sur les impôts : 25 milliards à trouver. On est là dans la ligne du budget 2011 ; on va juste plus loin et plus fort : pas question d’augmenter les taux, mais réduction drastique des niches fiscales (comme la TVA à 5,5% dans la restauration). Certes, on doit critiquer les niches fiscales, qui sont une mesure dirigiste, puisqu’on indique aux gens ce qui est bon (et détaxé) et pas bon (et surtaxé). Mais la suppression, nécessaire, des niches doit immédiatement être compensée (puisque cela revient à augmenter les impôts) par une baisse des taux d’imposition. Or, pour Attali, comme pour le gouvernement, c’est juste une méthode pour augmenter les impôts.
Quant aux propositions de réexaminer la fiscalité sur les plus values et les successions, « pour des raisons d’équité », cela laisse difficilement imaginer une baisse des impôts. Et demander que « la contribution des plus favorisés » aux hausses d’impôts « ne soit pas annulée par la bouclier fiscal » n’est guère plus rassurant. Enfin, la mise sous condition de ressources des allocations familiales montre que J. Attali veut transformer ce qu’il reste de la politique familiale en politique sociale, et ce n’est en fait qu’une autre hausse d’impôts.
Jacques Attali devrait savoir que jamais les hausses d’impôts n’ont réduit le déficit, au contraire : taxer encore plus « les plus favorisés », c’est pénaliser les plus entreprenants, les plus productifs, donc l’activité. Moins d’activité, c’est moins de recettes fiscales. Certes, vouloir « alléger le coût du travail » pour favoriser l’emploi est bien, mais si c’est pour compenser par une hausse de la TVA (revoilà la TVA sociale) on ne voit pas à quoi ça sert. Car Jacques Attali affirme vouloir une « fiscalité de croissance », ce qui est très bien. Mais nous ne connaissons qu’une fiscalité de croissance, c’est une fiscalité allégée ! Enfin, la priorité donnée à la fiscalité écologique, avec en particulier le retour de la taxe carbone, ou la taxation « des rentes injustifiées, telles celles dont bénéficient les propriétaires fonciers », ne nous rassure pas davantage.
Le rapport Attali va scandaliser ceux qui ne veulent pas admettre la dérive des finances publiques et plaire à ceux qui veulent de la rigueur pour réduire les déficits, mais il passe à coté de l’essentiel : il veut la rigueur sans les réformes, la diminution des dépenses sans faire reculer l’Etat, la réduction des déficits par des hausses d’impôts. Bref, le rapport Attali est conservateur : il reste dans la logique d’un Etat providence puissant. Ce n’est pas un rapport libéral.
Article repris de la Nouvelle Lettre avec l’aimable autorisation de Jacques Garello.
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