De la marijuana au menu

La Presse, dimanche 28 septembre 1997, p. A3
Hachey, Isabelle

Tam-tam, guitares, tignasses de toutes les couleurs et, bien sûr, volutes de fumée à l'odeur suspecte n'ont pas ébranlé les nombreux policiers qui avaient mis le paquet pour encadrer une manifestation en faveur de la légalisation du cannabis, hier au square Berri, à Montréal.

Aucune arrestation, pas de grabuge... près de 300 amis de la mari ont manifesté dans un calme exemplaire et une ambiance qui rappelait les beaux moments de Woodstock. «Le mouvement anti-prohibitionniste est tellement pacifique, dit Isabelle, une jeune manifestante aux lunettes noires et aux longs cheveux mauves. C'est un peu une agression de voir tout ce monde en bleu autour de nous!»

Une centaine de policiers, venus des quatre coins de la Communauté urbaine de Montréal, ainsi que 12 agents de l'escouade anti-émeute avaient été mobilisés pour intervenir en cas de pépin. «La manifestation a été plus médiatisée que l'année dernière. Des tracts ont été distribués dans la rue et il y a eu beaucoup de bouche à oreille dans les écoles», explique le commandant du poste du quartier, André Bourque, en s'empressant d'ajouter qu'il ne s'agissait pas d'une «chasse aux sorcières».

De nombreux joints de marijuana ont d'ailleurs été fumés devant les policiers, impassibles. «La possession, la vente et la distribution de marijuana demeurent illégales. En tant que policiers responsables, nous appliquons la loi, mais avec jugement et discernement», dit le commandant, qui estime que la possession de drogue douce est une infraction «du même type que des jeunes trouvés dans un parc, la nuit, alors que le parc est fermé».

D'autre part, l'organisateur de la manifestation, Marc St-Maurice, a profité de l'occasion pour récolter une partie des 1000 signatures nécessaires à la mise sur pied du parti politique qu'il espère former, le Bloc pot. «Cela s'inspire du Bloc québécois. Les bloquistes sont à Ottawa pour réclamer une seule chose, la souveraineté du Québec. Nous serons à l'Assemblée nationale pour réclamer une seule chose, la légalisation du cannabis», dit M. St-Maurice. «Le nom du parti est un peu humoristique, mais l'enjeu est sérieux», précise-t-il.

Le jeune homme croit que plusieurs personnes, qui n'osent pas s'afficher publiquement, adhéreront à la philosophie de son futur parti. «Dans un scrutin, on est seul, personne ne regarde. La population démontrera son appui par son vote», dit celui qui milite activement en faveur de la légalisation depuis son arrestation pour possession simple, il y a quelques années. «J'ai été dégoûté, le lendemain, d'avoir été traité comme un criminel. C'est illogique, je n'ai jamais fait de mal à personne!»

C'était d'ailleurs l'argument massue des centaines de manifestants. «C'est aberrant que le «pot» soit criminalisé, lance Sébastien, travailleur social fraîchement diplômé arborant une feuille de marijuana sur son chandail. Il est temps d'en finir avec la mentalité américaine de la tolérance zéro. Cela entraîne plus de criminalité, et c'est aussi un outil de répression pour marginaliser les jeunes.»