Utiliser la peur
La première publications scientifique de l’appel à la peur remonte à 1953, au moment où Janis et Feshback ont publié « Effects of fear-arousing communications » dans le Journal of Abnormal and Social Psychology. L’article de Dillard et Anderson offre une analyse intéressante du rôle de la peur dans les mécanismes de persuasion.
Très souvent utilisée, plusieurs chercheurs considèrent la peur comme une stratégie surévaluée et trop facilement utilisée qui peut produire des effets contraires au but recherché. C’est un des constats de notre recension récente des campagnes de publicité en sécurité routière produites dans plusieurs pays.
L’étude de Peters et al. (2014) présentée dans l’énumération ci-dessous montre que les personnes moins familières avec la publicité sociale accordent généralement une efficacité plus grande à cette stratégie, un phénomène avec lequel les artisans des campagnes sont familiers. Il est fréquent d’entendre les participants à un groupe prétest déclarer qu’une publicité n’est pas assez percutante, pas assez forte, trop légère ou qu’elle n’est pas assez marquante. Ces remarques doivent être considérées de façon critique. Elles sont souvent l’expression d’un stéréotype acquis après plusieurs années d’exposition à un « style publicitaire » fréquent, où la peur et la menace dominent.
Il est intéressant de faire le rapprochement entre l’attrait de ce type de démonstration publicitaire – où «celui qui fait le Mal » se voit prédire «le châtiment, la mort ou la douleur » - et les traditions d’exécution ou de punition sur la place publique, sensées servir à l’édification du peuple.
Goût du morbide ?
Renforcement d’une certaine «pédagogie noire » (concept emprunté à Alice Miller, dans sa réflexion sur l’utilisation de la punition dans un certain schéma pédagogique) ? Éducation judéochrétienne chérissant les idées de rédemption par la douleur? Peu importe. Outre son intérêt sociologique, le phénomène a une implication pour le praticien des campagnes : sa publicité cherche à produire un effet, un changement … pas à satisfaire le besoin des participants qui seront satisfaits d’assister à un bref spectacle où le héros triomphe et où le coupable reçoit la sanction méritée, dans la tradition des Mystères médiévaux.
Même si le spectacle du supplice des impies répond à un subconscient des publics, le responsable de campagnes sociales doit se demander si un tel scénario peut produire l’effet qu’il souhaite obtenir. Si, rassasié et satisfait, le public rejoint se contente d’apprécier le spectacle qui le conforte dans ses attentes ou ses croyances, la publicité risque de ne pas changer grand chose aux attitudes ou comportements. On peut prendre une analogie: même si vous ne connaissez rien à la langue japonaise vous pouvez apprécier et être touché par la performance lyrique d’interprètes qui jouent des classiques du théâtre de cette nation. Mais, outre cette émotion, on peut facilement deviner qu’il vous sera difficile de commenter le propos de l’auteur ou d’être ému par les arguments des protagonistes.
Nous le verrons, le matériel colligé dans les prétests doit être analysé. Au-delà de la quantification des « j’aime » ou « j’aime pas ».
Les analystes doivent se demander pourquoi une opinion est émise pendant une discussion en groupe et identifier les facteurs impliquées au moment où elle est formulée.
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