Au Portugal la drogue se combat autrement. En dix ans, rien de ce que l'on redoutait à l'époque n'est arrivé.

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On se frotte les yeux.

Une hallucination? Impossible, puisque bien que la loi portugaise ait décriminalisé, le 1er juillet 2001, l'acquisition, la possession et la consommation de tous les types de drogue, on est parfaitement "clean". C'est donc bien vrai. Les policiers qui ont arrêté leur voiture sur ce no man's land, coincé entre plusieurs voies rapides au sud de Lisbonne, ne sont pas là pour contrôler les toxicomanes sous traitement de substitution venus chercher leur dose quotidienne de méthadone. Ils escortent simplement un détenu jusqu'au van de l'ONG Ares do Pinhal, où défilent chaque jour quelque 600 personnes, de toutes les classes sociales. Le prisonnier avale sa dose avant de reprendre le chemin de sa cellule.

En dix ans, depuis que la "loi 30" est entrée en vigueur, la manière dont les Portugais - policiers compris - perçoivent les toxicomanes a évolué. "Désormais, ils nous voient moins comme des criminels que comme des malades qui ont besoin d'être soignés", explique Francisco, 47 ans, héroïnomane sous traitement depuis 2001.

"Au milieu des années 90, 100 000 Portugais - 1% de la population -, étaient des usagers d'héroïne, ce qui entrainait de gros problèmes de santé et de criminalité. C'était même la première préoccupation de la population. Changer la loi pour les soigner plutôt que les emprisonner était une question de santé publique", explique João Goulao, président de l'Institut des drogues et de la toxico-dépendance (IDT) du Portugal, également président de l'Observatoire européen des drogues.

S'il est encore interdit de consommer des drogues au Portugal, car la loi n'en dépénalise ni n'en légalise l'usage, les personnes transportant moins de dix jours de consommation sur elles - soit par exemple un gramme de cocaïne ou 5 g de haschich - ne peuvent plus être poursuivies au pénal (au-delà de dix jours, si). Les "petits" usagers de drogue contrôlés par la police sont néanmoins redirigés vers une "commission de dissuasion", placée sous le contrôle du ministère de la santé. Commission qui peut les inciter, en fonction de leur profil, à suivre un traitement psychologique ou de substitution et qui peut prendre des sanctions administratives à leur encontre, comme une amende.

En dix ans, rien de ce que l'on redoutait à l'époque n'est arrivé. Le tourisme de la drogue ne s'est pas développé, la consommation (y compris occasionnelle) de tous les types de substance n'a pas explosé. Elle est certes passée de 7,8% de la population en 2001 à 12% en 2007, mais a diminué chez les 15-19 ans (de 10,8% à 8,6%). "Les premiers résultats des études en milieu scolaire en cours confirment cette baisse", se félicite le président de l'IDT.

Aujourd'hui, 40 000 Portugais suivent un traitement de substitution qui leur permet de se resocialiser. Le nombre de consommateurs par injection a fortement diminué, de même que celui de morts par overdose. La petite délinquance liée au trafic a chuté et la loi n'a plus que très peu d'opposants. Elle n'est même plus l'objet de débats entre la gauche et la droite.

Sans attribuer "aucune vertu miraculeuse à la décriminalisation", João Goulao note qu'associé à la prévention, à la multiplication des traitements et à un changement de mentalité, le cadre légal de 2001 n'a certainement "pas agi négativement sur l'évolution du phénomène". Il a même suffisamment convaincu la République tchèque pour qu'elle s'en inspire récemment.

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