Le Mexique fête le bicentenaire de son indépendance dans la tourmente.
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Le Mexique célèbre son bicentenaire d'indépendance
ALEXANDRA OLSON, THE ASSOCIATED PRESS
Publié: 15 septembre 2010 22:21
MEXICO - Des milliers de personnes ont participé, mercredi, aux festivités du bicentenaire de l'indépendance du Mexique, tentant de mettre de côté, le temps d'une journée, la violente guerre que se livrent les cartels de la drogue dans le pays.
À Mexico, la capitale, quelque 60 000 personnes, dont plusieurs portaient des sombreros et avaient le visage maquillé aux couleurs du drapeau mexicain, se sont massées le long de l'avenue Reforma pour assister à un défilé coloré imaginé par les meilleurs artistes du pays.
Quelque 25 000 personnes se sont aussi réunies sur la place Zocalo, où le président Felipe Calderon devait plus tard prononcer le traditionnel «Grito» — trois fois le cri «Viva Mexico» — pour célébrer le soulèvement de 1810 qui a mené, dix ans plus tard, à l'indépendance du Mexique de l'Espagne.
Des personnes venues de tout le pays ont convergé vers la capitale, malgré l'escalade de la violence liée aux cartels qui touche de plus en plus d'innocents.
Le directeur artistique du défilé, Marco Balich, a estimé que l'événement pouvait être comparé à un carnaval de Rio, une cérémonie olympique et un festival Woodstock qui auraient tous lieu le même jour. M. Balich a produit les cérémonies d'ouverture et de fermeture des Jeux olympiques de Turin, en 2006.
Plusieurs chefs d'État de pays voisins ont assisté aux festivités, de même que la secrétaire américaine du Travail, Hilda Solis.
Mais malgré l'ambiance de fête, l'anxiété planait sur les célébrations, qui ont eu lieu sous la surveillance d'une forte présence policière et militaire.
De nombreux hélicoptères pouvaient être entendus dans le ciel de Mexico, tandis que des agents fédéraux lourdement armés et des détecteurs de métal accueillaient les fêtards. Dans certaines des villes les plus violentes du pays, les festivités ont été annulés dans la crainte d'une attaque des gangs de trafiquants de drogues.
«Nous devrions être fiers de ce que nous avons accompli», a dit Daniel Mendiola, un retraité de 64 ans rencontré sur l'avenue Reforma. Il a toutefois précisé qu'il quitterait les lieux aussitôt le défilé terminé, se privant d'un grand concert prévu un peu plus tard.
«Nous avons ce doute», a-t-il dit. «L'idée qu'il va y avoir des problèmes plus tard.»
Les procureurs de Cancun, sur la côte de la mer des Caraïbes, ont affirmé qu'ils enquêtaient pour déterminer si les six hommes appréhendés mercredi avec des fusils d'assaut et des grenades planifiaient de mener une attaque contre les festivités du bicentenaire.
«Au Mexique, nous vivons tous dans la peur. Et le pire, c'est que nous commençons à nous y habituer», a déclaré Eric Limon, un danseur professionnel âgé de 33 ans qui participait au défilé à Mexico.
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Le Mexique fête le bicentenaire de son indépendance dans la tourmente
13/09/10 17:48
MEXICO (AP) — Le cinéaste mexicain Luis Estrada, qui vient de réaliser "L'Enfer", un film évoquant les cartels de la drogue, dresse un constat tragique de la situation de son pays qui s'apprête à fêter le bicentenaire de son indépendance. Comme beaucoup de Mexicains, il estime qu'il n'y a guère lieu de se réjouir dans une nation minée par la violence, la corruption et les inégalités. Mais il y a au moins un point positif: ce long-métrage a bénéficié de financements publics, et personne n'a essayé de le censurer.
"Je pense que cela doit être perçu comme un progrès énorme", souligne Luis Estrada.
Le bicentenaire marque le soulèvement populaire, mené par le prêtre Michel Hidalgo, qui rassembla des Indiens et des fermiers sous la bannière de la vierge noire de la Guadalupe. Il avait été arrêté peu après et exécuté, mais le mouvement qu'il avait lancé a abouti en 1821 à l'expulsion des Espagnols, une fête que les Mexicains célèbrent les 15 et 16 septembre.
"Un bicentenaire devrait inspirer et engendrer de l'espoir, et là, ce n'est pas le cas", déplore le militant écologiste Alejandro Calvillo. "Cela arrive à un moment de crise profonde."
La situation aurait sans doute été différente en 1977, quand le Mexique tirait des ressources considérables de la production pétrolière, ou en 1993, quand il négociait l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec les Etats-Unis, présenté comme un billet pour la prospérité. Ou encore en 2000, quand le pays a connu la première transition démocratique de son histoire après quelque 70 d'omniprésence du PRI, le Parti révolutionnaire institutionnel...
Mais tous ces temps forts, toutes ces "victoires", appartiennent déjà au passé. Il y a moins de pétrole. L'ALENA n'a pas entraîné une hausse des salaires des Mexicains et n'a pas contenu la migration. Et la démocratie, dans un pays où il n'y a pas de candidat indépendant, n'a fait que renforcer l'emprise sur le pouvoir des trois principaux partis politiques.
Selon un sondage de l'institut Pew publié au mois d'août, 79% des Mexicains sont mécontents de la direction que prend le pays. Même la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton s'est permis d'affirmer la semaine dernière que le Mexique, miné par les problèmes de drogue et de violence, ressemblait de plus en plus à la Colombie d'il y a vingt ans.
Le Mexique semble faire marche arrière: les travailleurs du secteur automobile chinois qui, à une époque, recevaient des salaires que leurs homologues mexicains n'auraient pas accepté, gagnent désormais plus. Le rôle qu'occupait le Mexique comme défenseur du droit de l'Amérique latine à l'auto-détermination a en grande partie été repris par le Brésil et le Venezuela. Et le sentiment qu'avait le Mexique d'être le protecteur des réfugiés a été sérieusement ébranlé quand, au mois d'août, des membres armés d'un cartel de la drogue ont massacré 72 migrants, essentiellement originaires d'Amérique centrale, dans le nord du pays.
"Nous sommes un peuple généreux et hospitalier, sans doute, mais maintenant nous réalisons avec stupeur et honte que nous sommes devenus un pays corrompu et meurtrier", a commenté dans un éditorial l'archevêché catholique de Mexico.
Ce que les Mexicains peuvent en tous cas célébrer, c'est leur propre endurance, qui a soudé ce pays depuis des siècles.
"Nous n'émigrerons pas, et nous n'accepterons pas la défaite", a souligné Victor Suarez, 57 ans, qui a lancé en 1995 un mouvement coopératif agricole national, juste après que l'ALENA a ouvert la porte aux importations de céréales venues des Etats-Unis. Le mouvement mis en place par Victor Suarez négocie désormais de meilleurs prix pour environ 60.000 petits agriculteurs, et a construit 200 entrepôts pour stocker les céréales.
"Les agriculteurs sont l'avenir du pays", a-t-il déclaré. "Nous nous battons pour garder quelque chose qui est essentiel pour l'identité nationale."
Ces 15 dernières années pourtant, Victor Suarez a vu un nombre croissant de fermiers pauvres partir pour les Etats-Unis, ou se faire recruter par les cartels comme tueurs à gages ou guetteurs, ou encore pour planter de la marijuana ou de l'opium. Dans un pays où à peu près 10% de la population a émigré à l'étranger -et selon un sondage de l'Institut Pew, 33% des gens qui restent au Mexique aimeraient en faire autant- le fait de vouloir rester est quasiment un acte de militantisme.
C'est particulièrement vrai à Ciudad Juarez, où les violences liées au trafic de drogue ont fait plus de 4.000 morts depuis 2009, ce qui en fait une des villes où la criminalité est la plus forte au monde. Une violence tellement ancrée que la municipalité a annulé les fêtes du Jour de l'indépendance pour la première fois depuis la révolution de 1910-1917.
Tout en refusant de dire son nom par crainte de représailles, un restaurateur, victime d'une tentative de racket l'an dernier, explique qu'il a voulu garder son commerce, surtout pour ses dix employés, même s'il vit désormais une partie de l'année avec sa famille à El Paso, au Texas. "Je vais rester pour aider les familles de mes employés aussi longtemps que je peux (...) Je ne vais pas laisser quelques salauds m'expulser." AP
pyr/v0054/nc
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