Quand on entend le mot addiction, on pense souvent à la dépendance à l’alcool, à certaines drogues dures ou encore aux médicaments.

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Addictions sans drogue : La pulsion du jeu. La cyberdépendance. La sex addiction

Par Paul Rudelle, Pharmacien

Quand on entend le mot addiction, on pense souvent à la dépendance à l’alcool, à certaines drogues dures ou encore aux médicaments. Cependant, il existe une autre catégorie de dépendances, non liées à des substances ou produits, que l’on va appeler « addiction sans substance (drogues) ».

addiction dépendance

Des addictions sous-estimées
Sont-elles dangereuses ?
Si les addictions sans drogue diffèrent des dépendances à des produits du fait que les conséquences physiologiques sont moindres, elles ont tout de même des retentissements sur la santé physique, psychologique ainsi que sur l’entourage des sujets, aussi bien dans la vie familiale que dans la vie sociale.

Selon certaines études épidémiologiques, le nombre de personnes atteintes par des addictions sans drogues serait en augmentation.

Une addiction comment ça marche ?

Une addiction pourrait être définie comme un plaisir qui a mal tourné, on va commencer une activité par bien-être ou pour soulager un malaise. Mais ce plaisir qu’on a obtenu va se transformer en véritable obsession qui va faire perdre le contrôle, engendrer une souffrance pour l’individu ou son entourage avec l’impossibilité de stopper l’activité devenue addiction, et ce, même si la personne addicte le souhaite.

Au niveau physiologique, toutes les addictions (avec ou sans produits) font appel aux mêmes mécanismes du cerveau. Il s’agit des voies neuronales impliquées dans la gestion du plaisir et des émotions, et toutes les choses auxquelles on peut devenir addict potentialisent les voies de la motivation et nous poussent à assouvir notre plaisir avant tout le reste.

Comment savoir si l’on est addict ?
Un célèbre psychiatre du nom d’Aviel Goodman a établi que pour considérer une personne comme addict à quelque chose, ces quatre caractéristiques principales doivent être remplies :

Impossibilité de résister à l’impulsion de s’engager dans le comportement
La tension croissante avant d’initier le comportement
Le plaisir ou soulagement au moment de l’action
La perte de contrôle sur le comportement

En plus de ces quatre caractéristiques principales, une liste de neuf critères secondaires a été établie. Pour être considéré comme addict, il faut présenter au moins cinq des neuf critères suivants.

Préoccupation fréquente au sujet du comportement ou de sa préparation

Intensité et durée des épisodes plus importantes que souhaité à l’origine

Tentatives répétées pour réduire, contrôler ou abandonner le comportement

Temps important consacré à préparer les épisodes, à les entreprendre ou à s’en remettre

Survenue fréquente des épisodes lorsque le sujet doit accomplir des obligations professionnelles, scolaires ou universitaires, familiales ou sociales

Activités sociales, professionnelles ou récréatives majeures sacrifiées du fait du comportement

Perpétuation du comportement, bien que le sujet sache qu’il cause ou aggrave un problème persistant ou récurrent d’ordre social, financier, psychologique ou psychique

Tolérance marquée: besoin d’augmenter l’intensité ou la fréquence pour obtenir l’effet désiré, ou diminution de l’effet procuré par un comportement de même intensité

Agitation ou irritabilité en cas d’impossibilité de s’adonner au comportement.

> Pour levez le doute sur votre état de santé, parlez à un médecin sans rdv

Les addictions sans drogues les plus fréquentes

Si l’on peut être addict à tout, en passant du bronzage, à la politique ou au travail, on recense trois addictions très fréquentes parmi la population française.

La pulsion du jeu
On parle alors de jeu compulsif ou pathologique, il se mesure par la dimension excessive des sommes d’argent misées par rapport aux moyens financiers du joueur. Souvent, les dépenses effectuées ne permettent plus de faire face aux besoins de la vie quotidienne, la pulsion de jouer efface tout ce qui se passe autour du joueur, et même s’il en est parfois conscient, il ne peut lutter contre le désir de jouer. Cette dépendance est souvent responsable de la réduction des relations sociales, amicales et familiales due à un isolement.

La cyberdépendance
C’est une addiction évidemment récente puisqu’elle est liée à l’arrivée d’Internet dans nos foyers. Le besoin d’être connecté devient alors obsédant, il occupe plusieurs heures d’affilée par jour. Le contenu de la navigation sur le web importe peu, cela peut être des jeux en ligne, d’autres des réseaux sociaux ou bien des forums.. Souvent cette dépendance pousse à délaisser l’entourage, la vie professionnelle ou scolaire pour les plus jeunes. Lorsqu’il devient impossible pour un individu de se déconnecter, on parle alors de cyberdépendance.

La sex addiction
Évoquer cette addiction peut faire sourire, et pourtant, il y a des individus qui ne peuvent penser à autre chose. De plus, aujourd’hui, l’évocation du sexe est partout : revues érotiques, films pornographiques, forums de rencontre…

Ce que recherche un sex addict, c’est le plaisir lié à l’orgasme. Il met alors tout en oeuvre pour y parvenir plusieurs fois par jour (de l’ordre de 10 à 15 orgasmes quotidiens, voire plus). Quand une personne organise sa vie autour de cette pensée obsédante, lorsque cette dépendance a des conséquences sur sa vie affective et sociale, on peut alors parler d’addiction au sexe.

Toutes ces addictions sont de réelles maladies et parasitent la vie d’une personne et de son entourage. Même si elles sont encore mal cernées d’un point de vue médical, il existe des propositions de traitements, basés sur de groupes de paroles et des thérapies accompagnées de psychologues.

Les conseils du médecin
Conseils du medecin
S’en remettre à un véritable professionnel de santé
Se débarrasser d’une addiction seul est difficile. Il existe plusieurs types de thérapie. Le plus efficace reste de partager autour de son addiction, notamment d’entrer en relation avec un professionnel de santé qui saura vous accompagner de façon douce, spécifique et sans jugements. Il est donc conseillé de voir un médecin, un addictologue ou un psychologue.

Ecouter votre entourage
Lorsque l’on sombre dans l’addiction, il est difficile de s’en rendre compte seul. Ecoutez les signaux que vous envoient votre famille, vos amis ou vos collègues.

consulter un medecin en ligne hellocare
31 août 2017

Commentaires

Biologistes et psychanalystes dans une fausse guerre

Entretien avec Marc Valleur. « Tous addicts ? »
Il y a 14 ans !
« Le principal fléau de l'humanité n'est pas l'ignorance, mais le refus de savoir. »
https://blocpot.qc.ca/fr/forum/5708

Extraits

Il y a un plaisir réel dans la drogue, il y a des usagers récréatifs qu’il ne faut pas considérer comme des malades, avancées progressives vers l’idée que des gens pouvaient utiliser des drogues, que cela pouvait être positif, que ce n’était pas automatiquement une maladie, etc.

Même des animaux trouvent un plaisir réel dans l'usage récréatif de drogues ! Zappiste
https://blocpot.qc.ca/fr/forum/5782
Des mammifères marins aux animaux sauvages ou domestiques,
certaines espèces présentent des penchants toxicomanes...

30 MV : On a pu faire du toxicomane « l’idiot de la famille », le bouc émissaire de la société.
Mais le vrai problème de l’addiction est masqué par la drogue bouc émissaire.

Notre société tend à tout transformer en objets de consommation, et produit, par ce fait, de l’addiction.
Par exemple, on prend une ébauche de révolte adolescente, et on fabrique du besoin.

Et c’est là que la construction de l’addiction comme maladie est quelque chose de très intéressant, qui permet d’éclairer des champs très différents, de la nourriture au sexe et aux drogues, mais il s’agit quand même de tous les champs liés de tout temps à "la" morale, par exemple à celle d’Aristote, ou à celle d’Épicure, et on peut considérer toute cette morale des Anciens comme un gigantesque plan de prévention des addictions.

C’est dit de cette façon dans Platon, comme le souligne Giulia Sissa, il faut faire attention aux plaisirs, il faut savoir les doser, les utiliser parce que cela peut devenir un désir engloutissant, une jarre percée sans fond qu’on va avoir besoin de remplir, comme chez les pluviers, ces oiseaux qui se remplissent par le bec et qui se vident par l’anus : c’est une description de l’addiction par les Anciens, et leur réponse est morale.

J’ai l’impression qu’on se bat depuis cinquante ans entre biologistes et psychanalystes dans une fausse guerre : il y a le champ des substances, des objets, de la pharmacologie, qui est celui des biologistes et il y a le champ des idées, des fantasmes, du sexe et du psychisme, celui des psychanalystes.

Entretien avec Marc Valleur
Dans La lettre de l'enfance et de l'adolescence 2009/3 (n° 77), pages 55 à 64

6 On peut être dépendant et accepter de l’être.
À ce moment-là, il n’y a aucune raison d’en faire une maladie.
Je crois que la seule définition de l’addiction au sens clinique du terme, c’est le fait que les personnes concernées elles-mêmes veulent réduire ou arrêter une conduite et n’y arrivent pas. Si la personne ne veut pas réduire ou arrêter, on ne voit pas quelle légitimité permet de définir les gens comme malades. Cela pose d’emblée la question de la médicalisation de l’addiction elle-même. L’addiction, comme la toxicomanie, se définit d’abord de manière subjective. C’est parce que quelqu’un se sent lui-même aliéné du fait de son rapport à une substance, de la répétition d’une conduite, que ça fait une « maladie ».

Vous parlez beaucoup de « conduites », vous parlez d’« addictions », vous avez parlé de « substances ». Que feriez-vous alors comme différence justement entre l’objet, la substance, la conduite ?

8 MV : Olievenstein disait :
« La toxicomanie, c’est la rencontre entre un produit, une personnalité et un moment social-culturel. »

Et c’est dans ce schéma « trivarié » que la plupart des recherches s’inscrivent, y compris en Amérique du Nord.
On voit bien la complexité de ce problème. Mais pour former ce triangle, il faut bien qu’il y ait ce produit.

Ce qui pose la question des conduites et des addictions sans drogue.
Je suis persuadé que le travail sur les addictions sans drogue, et notamment sur le jeu pathologique qui est reconnu comme un problème de santé publique dans la plupart des pays aujourd’hui va être dans un premier temps un pur décalque des discours sur l’alcoolisme et la toxicomanie. On transposera sur des conduites des élaborations cliniques et théoriques qui ont été faites à partir de substances chimiques. Mais je pense que dans un deuxième temps, il y aura des effets de retour, et on commence à en percevoir un certain nombre ; le travail sur les addictions sans drogue va contribuer à faire évoluer le regard sur les addictions avec drogue.

Déjà aujourd’hui, je pense qu’on est dans une période où plus personne ne parlerait de drogue sans mettre beaucoup de guillemets, et que c’est la première critique qu’on pourrait faire à Marmottan et à l’Olievenstein des années 1970 : tenir un discours très ouvert, compassionnel envers les toxicomanes, très peu jugeant, très subversif, mais qui restait très dramatisant.

C’est seulement peu à peu que l’on a commencé à dire qu’il y a un plaisir réel dans la drogue, qu’il y a des usagers récréatifs qu’il ne faut pas considérer comme des malades, avancées progressives vers l’idée que des gens pouvaient utiliser des drogues, que cela pouvait être positif, que ce n’était pas automatiquement une maladie, etc.

On était donc parti de cette vision très « monovariée », très « toxique », de la drogue comme cause du problème, vision qui est coexistante de celle que l’addiction est une maladie, tout comme l’alcoolisme et la toxicomanie. L’idée de l’intoxication est la première qui soit venue aux médecins.

22 La Lettre : Aujourd’hui, cette « clientèle » comme vous dites a changé ?

23 MV : En partie oui et en partie non.
On a élargi le spectre et donc on a élargi l’ensemble des problématiques.
Ces problématiques-là existent toujours, même si la réponse n’est plus aussi monolithique qu’à l’époque de l’héroïnomanie. Une gamine violée, entre 5 ans et 10 ans par son père, par son beau-père, elle essaye d’en parler à sa mère ; la mère lui file une paire de baffes, quand elle s’aperçoit que le père est en train de recommencer avec la petite sœur, ou le petit frère, là elle va voir les flics, et là le père se suicide.

Que fait cette gamine ?
À 14 ans, elle va se prostituer, et elle fait de la prison parce que de temps en temps, elle sort une lame de rasoir et elle balafre les clients. Et on se dit qu’il y a là une transposition, sur la scène de la prostitution, de la situation qui avait pu être vécue de manière traumatique, en rejouant la scène pour la terminer d’une autre façon, pour se révolter, pour se faire enfin reconnaître comme une victime. Il y a une répétition et la désymbolisation, le fait qu’à un moment cela devienne quelque chose de mécanique, c’est probablement la fonction même de l’addiction.

24 Il est difficile de faire sortir ces filles du tapin, parce qu’elles sont autant accros au tapin qu’au produit, et donc on peut dire que Stanton Peele a raison puisqu’il s’agit de rendre les choses maîtrisables, contrôlables, à volonté, etc. C’est une démarche de rassurement. Mais j’avais également raison d’y voir une conduite ordalique, parce que dans la répétition d’une situation hautement traumatique, on remet en jeu son équilibre vital. Et là, on va avoir toute une gamme, entre les grands marginaux très mal dans leur peau qui sont toujours comme les héroïnomanes des années 1970, et les joueurs d’argent qui n’ont pas forcément vécu tout ça. La plupart des gens vont avoir des problématiques beaucoup plus ordinairement « dostoïevskiennes ».

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