Déprohiber pour et par le peuple!
Je pratique le droit criminel depuis bientôt 40 ans, et je peux dire que l'expérience m'a maintes fois démontré l'urgence de changer radicalement notre approche envers les substances psychoactives, et plus particulièrement envers la guerre qu'on livre aux amateurs de cannabis depuis une centaine d'années.
Lorsque j’étais jeune avocat, mes lectures m'ont d'ailleurs prédisposé à devenir fondamentalement antiprohibitionniste. Les substances psychoactives, dont la propagande fait ses choux gras sous le terme « drogue », sont une question de santé publique et non une question de sécurité relevant des forces policières.
Il n’est guère étonnant que l'échec total de cette funeste entreprise nous échappe encore. La diabolisation du cannabis par les médias, depuis les années 1930 et surtout depuis les années 1960, n'a fait que développer une frayeur aveugle et une paranoïa quasi irréversible dans l'opinion publique. Le discours officiel de protection de la société prend racine à même ces peurs irrationnelles bâties par la propagande des États prohibitionnistes.
La « guerre à la drogue » était et demeure toujours une guerre contre la liberté. Nous avons laissé aux gouvernements le pouvoir d’imposer des restrictions dans un domaine absolument fondamental, c’est-à-dire la liberté de choisir ce que nous voulons consommer, parmi tous les produits que la nature nous offre. Nous sommes totalement incapables de décider par nous mêmes et avons octroyé à la police le pouvoir absolu de décider à notre place au nom de la paix sociale.
La guerre aux utilisateurs et utilisatrices cause un tort beaucoup plus grand que les substances prohibées. Cette croisade est la cause principale de l’expansion du crime organisé à travers le monde. En créant une industrie carcérale qui engendre plus de la moitié de tous les prisonniers sur terre, elle contribue à l'effritement évident de notre tissu social.
La prohibition, politique centrale d’un État policier?
Cette désastreuse entreprise a permis aux forces de l'ordre de s'infiltrer dans nos vies par le biais de l'écoute électronique. Subissant une propagande fallacieuse depuis plusieurs générations, le public a applaudi cette intrusion au nom de la justice criminelle. Pernicieusement et tranquillement, les Cours de justice ont permis cette dérive afin de combattre un fléau créé par les législateurs.
La légalisation du cannabis au Canada nous montre à quel point l'humain s'est éloigné de la nature pour devenir prisonnier d'un système dépourvu de tout bon sens. Le gouvernement décide de tout dans nos vies, et nous acceptons cet état de fait comme si c'était une nécessité absolue. Désinformé depuis le début de la prohibition, le public ne pourra pas se soustraire à une réflexion propice au développement d'une liberté de vivre en conformité avec notre nature intrinsèque.
L’an dernier, le Canada a permis à la population de consommer du cannabis dans un cadre extrêmement sévère, et d'aucuns croient que la situation était meilleure avant.
Au nom de la qualité du produit et de la lutte aux hors-la-loi, la production du cannabis a été confiée aux puissances financières au détriment du petit producteur. Pourtant, les oligopoles ont rarement fait preuve de magnanimité dans la gestion des marchés qu’ils se sont accaparés depuis les débuts du XXe siècle.
Pire encore est la volonté des dirigeants de soustraire le marché au crime organisé. Nous assisterons dans le futur à une compétition encore plus féroce que jadis, alors que tout était illégal. Le petit producteur rivalisera aisément avec les producteurs autorisés, que ce soit en matière de prix ou de qualité. Et de manière générale, le justiciable préférera toujours payer moins cher sur le marché parallèle.
Nous avons laissé aux gouvernements de ce monde le pouvoir absolu de diriger nos vies. Les conséquences néfastes de cette mésaventure se font plus que jamais sentir. Nous sommes en guerre non seulement contre les « drogués », mais aussi contre la nature. Nous avons permis à Big Pharma de pratiquer la vivisection comme si les animaux de la Terre n'étaient présents que pour être massacrés au nom de la santé publique, et comme si nous ne trouvions aucune plante médicinale à notre service dans la nature. Le cannabis est le plus bel exemple de l'extraordinaire vertu thérapeutique d’une plante qu'on a assimilée par ignorance à un produit dangereux, toxique et inutile.
Les gouvernements savent depuis les années 1950* que le cannabis n’est pas un danger pour la société canadienne. Mais sous prétexte de respecter les traités internationaux, et dans l’intérêt financier des corps policiers, tous les gouvernements à partir de Diefenbaker se sont employés à renforcer un régime prohibitionniste répressif et mortifère.
Certes, un tel discours est perçu comme antigouvernemental, et même à la limite conspirationniste, mais nous ne sommes plus au stade des belles paroles politiquement correctes. L'heure est grave pour la survie de l'humanité, et nous seront perdus d'ici quelques centaines d'années si nous continuons ainsi.
Je suis le premier à admettre que mes pensées actuelles sont indigestes, mais je n'y peux rien. N’étant ni curé, ni journaliste et encore moins politicien, je ne peux offrir aucune solution spirituelle ou d'organisation sociale. Je ne fais que constater une malencontreuse situation créée par nous tous, car ce sont tout de même nos votes qui mettent les politiciens en place.
Je peux cependant, si vous me le permettez, suggérer aux gouvernements canadien et québécois l'approche suivante :
- abolissez toutes vos lois actuelles sur le cannabis et permettez à tous les citoyens du pays de cultiver le chanvre pour fabriquer du papier, des vêtements, des matériaux de construction, du plastique et plusieurs autres produits tels que les huiles à moteur et les huiles médicinales;
- autorisez la culture du cannabis médicinal et récréatif à volonté, pour un usage personnel ou pour la vente dans un libre marché. Ainsi, nous pourrons sauver la planète en créant l'oxygène que nous avons détruit par la déforestation, et redonner un sens à nos vies profondément déracinées de la nature.
Jean Dury, libre penseur.
*En 1955, afin de préparer la prochaine ronde des négociations internationales concernant les stupéfiants, un comité sénatorial spécial sur le trafic des narcotiques au Canada est mis en place et rapporte que la « Marihuana is not a drug commonly used for addiction in Canada. No problem exists in Canada at present in regard in this particular drug. A few isolated seizures have been made but these have been from visitors to this country ». Malgré cette constatation sans équivoque des autorités gouvernementales, le premier ministre Diefenbaker, à l’aube de la refonte de la Loi sur les stupéfiants en 1961, compare l'infraction de trafic à un assassinat. (Bruce MacFarlane, Drug Offences in Canada, Canada Law Book Inc., Aurora, 1986, p. 24)
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