L'arroseur arrosé : 2.3. Liens avec les grands principes du droit de l’environnement

L'exercice de recensement des faits présenté dans les pages précédentes ne pourrait être complet, sans que l’on établisse les liens avec au moins deux grands principes du droit international de l’environnement.

2.3.1 Le principe de précaution

À la lumière des informations recensées ci-haut, il faut se demander ce qu’il advient du principe de précaution, d’une importance capitale en droit de l’environnement. Curieusement, celui-ci semble jusqu’à maintenant avoir été appliqué plus volontiers par les firmes transnationales, dans la ligne de mire des ONG et autres membres de la société civile, que par les acteurs étatiques!

In May 1988, following protests by Peruvian ecologists and peasants, U.S. Ely Lilly Co. decided to stop selling Tebuthiuron, or “Spike,” to the U.S. government for the coca eradication program in Peru, on the basis that it had not been tested for use in Peru’s environment. Likewise, in the late nineties, a U.S. proposal to begin using Spike to eradicate coca crops in Colombia was strongly opposed by environmental groups and the manufacturer, Dow Chemical. According to Dow, “…it is our desire that this product not be used for illicit crop eradication. It can be very risky in situations where the territory has slopes, rainfall is significant, desirable plants or trees are nearby, and application is made under less-than-ideal circumstances.” In July 2003, the British company Imperial Chemical Industries (ICI) requested that authorities stop using the additive Cosmoflux in the spray mixture in Colombia. According to ICI, which manufacturers one the key ingredients in Cosmoflux, the additive had not been properly tested for use in eradicating illicit crops. [25]

Dans un autre ordre d’idées, le Congrès des États-Unis a envisagé à la fin des années 1990 un projet d’éradication du cocaïer à l’aide du mycoherbicide Fusarium oxysporum. Des expériences ont été menées dans un laboratoire d’Ouzbékistan en ce sens. Cela a entraîné une levée de boucliers de la part de la société civile colombienne et de la communauté internationale (voir au point 3.3.1) et une position défensive de la part de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) :

The UNODC’s position now is more nuanced. According to Howard Stead, head of the organization’s scientific section, although “to date, studies have offered no evidence that the fungus can cause environmental damage,” the mere possibility of such harm is still serious cause for concern, and the office recommends further study before the substance is considered for widespread use. The U.N. agency also stated that it is not considering use of the fungus in its programmes or continued research in this area. [26]

Il est à noter qu'en 1999, l'État de Floride a refusé d'utiliser le Fusarium sur son territoire aux fins de lutte contre le de cannabis, vu la grande longévité de ce champignon dans les sols chauds, et les risques de mutation que cela pourrait causer. Toutefois, les faits établis ci-haut n’ont pas empêché les États-Unis de refaire des pressions sur la Colombie, à la fin de 2003, pour que ce pays consente à reprendre lui-même les tests.

2.3.2 Le principe d’interdiction des dommages transfrontières

Enfin, il faut mentionner que les épandages aériens dans la région de Putumayo (sud de la Colombie) ont causé des dommages transfrontières étendus. De 2000 à 2004, environ 37 000 hectares de cultures vivrières situées à la frontière nord de l’Équateur ont en effet été touchés par des nuages toxiques, voyageant à partir de la Colombie sur des distances de plusieurs kilomètres. De nombreux problèmes de santé ont été rapportés chez les paysans. [27] Bien que le lien de causalité soit difficile à établir entre les témoignages des paysans et les activités menées outre-frontière, la stratégie initiale de l’Équateur a été de demander que soit établie une zone-tampon de 10 km, ce qui a donné lieu à un accord verbal et de nombreuses séances bilatérales de consultation et d’information, « destinées à gagner du temps » selon certains.


[25] Marsh, Betsy, 2004. Op. cit., p.16.
[26] Jelsma, Martin, 2004. « The Re-emergence of the Biological War on Drugs », Drug Policy Briefing, 7. Amsterdam : Transnational Institute, p. 2. En ligne : http://www.tni.org/policybriefings/brief7.pdf
[27] Edwards, Sandra G., 2004. Ecuador Gets Colombia’s Drift—Aerial Eradication of Coca Crops on the Border. Washington, DC : Washington Office on Latin America, pp. 3-4.