Les vignobles québécois en plein virage biologique
Le Québec compte environ 150 producteurs artisanaux de vin. En mai dernier, 23 d’entre eux avaient une certification biologique, selon le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants.
Alexandre Duval
à 5 h 56
Encore marginale il y a quelques années, la production de vins biologiques a le vent dans les voiles, au Québec. Les plus récentes données de l’industrie démontrent qu’en 2026, la moitié des vignerons membres du Conseil des vins du Québec (CVQ) seront certifiés biologiques ou sur le point de l’être.
Au Vignoble Sainte-Pétronille, le plus gros dans la région de la Capitale-Nationale, le millésime 2021 illustre bien cette tendance. Les vendanges tirent à leur fin et les raisins récoltés seront les tout premiers du domaine à être certifiés biologiques.
Pour le copropriétaire Louis Denault, ce virage est le fruit d’efforts soutenus. Cela fait trois ans qu’il se soumet à un audit d’Écocert Canada pour confirmer qu’il a mis en place toutes les bonnes pratiques.
Or, ses démarches vers une culture plus respectueuse de l’environnement remontent à presque 10 ans, déjà. Il y a neuf ans, on a abandonné les herbicides, ce qu'on mettait à la base des plants, raconte M. Denault.
Petit à petit, on incluait des pratiques biologiques et même un peu du côté biodynamie, agroécologie aussi. Ça s'est fait un peu comme ça, avec le temps.
De fil en aiguille, en parlant avec d’autres producteurs qui avaient déjà fait le virage bio, M. Denault a décidé d’aller jusqu’au bout et d’aller chercher sa certification. On voyait que ça fonctionnait bien, donc on s'est dit : "Pourquoi pas y aller all in?"
Des chiffres révélateurs
Le Québec compte environ 150 producteurs artisanaux de vin. En mai dernier, 23 d’entre eux avaient une certification biologique, selon le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants.
Ce nombre a forcément augmenté depuis, comme en témoignent les récentes certifications du Vignoble Sainte-Pétronille et du plus ancien vignoble du Québec, le Domaine des Côtes d’ardoises, en Estrie.
Le Conseil des vins du Québec (CVQ), qui représente près de 80 vignobles dans la province, affirme que 13 % de ses membres détiennent actuellement une certification biologique, et un autre 13 % sont sur le point de l’obtenir.
De plus, 27 % de ses membres se disent prêts à amorcer une transition biologique au cours des cinq prochaines années.
Ça se concrétise de plus en plus, commente la directrice du CVQ, Mélanie Gore. À son avis, ce n’est pas une simple question de plaire aux consommateurs, puisque les ventes des vignerons québécois vont bien.
Souvent, c'est des raisons pas mal plus profondes que ça. Comme le consommateur qui veut être un bon citoyen, [les vignobles] veulent aussi être de bonnes entreprises.
Une citation de :Mélanie Gore, directrice du Conseil des vins du Québec
Le plus beau legs
Dans le cas du Vignoble Sainte-Pétronille, Louis Denault affirme que la certification biologique est vraiment un choix personnel.
Notre maison, elle est ici, sur la terre. On vit sur la terre. C'est notre terre. Mes trois enfants sont totalement impliqués, mon gendre également, dit-il.
C'est leur terre, donc il faut en prendre soin. C'est le plus beau legs qu'on peut leur faire, une terre en santé.
S’il a pu bénéficier de divers programmes de soutien financier du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) pour effectuer sa transition biologique, ce choix amène néanmoins son lot de défis.
Par exemple, M. Denault raconte que cet été, son vignoble a été aux prises avec le phylloxéra, un insecte qui s’attaque aux feuilles des vignes.
J'ai fait presque huit applications d'une huile végétale cette année. Si j'étais du côté conventionnel, j'aurais pu employer un produit qu'avec une passe, j'aurais eu la paix. Là, malgré mes huit traitements, il y en a encore!, dit-il.
Des pratiques respectueuses
En tant que producteur biologique, M. Denault doit donc apprendre à se réinventer. Loin de juger ses confrères qui n’ont pas fait le même choix, il souligne que la plupart des vignerons d’ici ont des pratiques respectueuses de l’environnement.
Il y en a qui travaillent très bien et qui ne sont pas bio, assure-t-il.
Et sur ce point, la clientèle n’est pas dogmatique, selon Laurie Boisvert, copropriétaire d’une boutique qui vend des vins du terroir dans le quartier Saint-Roch, à Québec.
Oui, ses clients recherchent de plus en plus des produits biologiques. On a une clientèle ici qui est sensible à l'achat biologique, à l'achat local. Ils veulent savoir d'où vient ce qu'ils vont consommer.
Néanmoins, elle reconnaît que ce n’est pas un facteur décisif pour la majorité des personnes qui mettent les pieds dans son commerce.
Est-ce que ça peut faire que les gens ne vont pas acheter une bouteille de vin? Non, mais c'est un incitatif.
Une citation de :Laurie Boisvert, copropriétaire de William J. Walter
Quant à Louis Denault, dont les presses fonctionnent à plein régime pour extraire le précieux nectar de sa première récolte de raisins biologiques, il fait une promesse à ses fidèles clients.
Je vous assure, mes vins ne seront pas plus chers l'année prochaine parce qu'ils ont le logo bio!
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