La Convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes de 1988

La criminalisation des comportements gagne du terrain

Alors que la Convention unique de 1961 n’avait en matière pénale qu’une valeur incitative, la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes (Convention de 1988) [1] rend contraignante l’adoption de mesures pénales :

Sous réserve de ses principes constitutionnels et des concepts fondamentaux de son système juridique, chaque Partie adopte les mesures nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale conformément à son droit interne, lorsque l’acte a été commis intentionnellement, à la détention et à l’achat de stupéfiants et de substances psychotropes et à la culture de stupéfiants destinés à la consommation personnelle en violation des dispositions de la Convention de 1961, de la Convention de 1961 telle que modifiée ou de la Convention de 1971. [2]

En réalité, au-delà de la culture, de la détention et de l’achat, c’est tout un ensemble de gestes reliés de près ou de loin à la consommation de substances illicites (vente, achat, fabrication, exportation) qui sont devenus l’objet de sanctions pénales. Cette nouvelle réalité a compliqué grandement l'implantation de mesures de traitement et de réhabilitation qui tenteraient de tolérer une certaine consommation de psychotropes, de même que toute utilisation de substances illicites à des fins médicales. La Convention de 1988 est véritablement l'outil d'application principal de la « Guerre contre certaines drogues » alors que les Conventions de 1971 et 1971 en sont plutôt la justification.

Au Canada, il a fallu l’intervention des tribunaux dans plusieurs causes médiatisées pour que soit adopté un système d’exemptions permettant la détention de cannabis à des fins médicales, en vertu des « principes constitutionnels » de ce pays, et pour que soit minimalement modifée la perception de cette plante.

Mesures contre le trafic

Face à l'expansion continue du trafic international des drogues, les Parties ont décidé d'adopter des mesures pouvant éventuellement mener à l'arrestation des « gros bonnets », caïds et autres narcotraficants, bien que l'article 3 fasse en sorte que la majeure partie des efforts de répression vise l'arrestation de petits consommateurs et producteurs. Par exemple, les États doivent prendre des mesures pour faciliter l’extradition. L’article 7 énonce diverses mesures d’entraide judiciaire, dont l’interdiction d’invoquer le secret bancaire pour refuser d’accorder de l’aide dans l’enquête ou les procédures judiciaires. Des mesures bilatérales de coopération peuvent être entreprises selon l’aticle 10, notamment l’aide financière aux États par où transitent les substances prohibées. Des mesures administratives, ayant trait à la fourniture de renseignements, sont prévues aux articles 12, 16 et 20. Ces mesures permettent à l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS-INCB) de produire son rapport annuel, selon ce qui est prévu à l’article 23. Or l’analyse des rapports récents de l’OICS démontre que de nombreux États déliquescents (Haïti, pour ne nommer que cette plaque tournante du trafic de drogue dans les Caraïbes) sont absolument incapables de fournir les statistiques exigées, faute de moyens.

Toutes les conventions antidrogue de l'ONU présentent des tableaux en annexe. La Convention de 1988 ne fait pas exception puisque ses Tableaux I et II recensent les précurseurs prohibés, c’est-à-dire les substances chimiques fréquemment utilisées dans la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.


[1] Convention des Nations Unies contre le trafic illicite des stupéfiants et des substances psychotropes, 19 décembre 1988, Doc. NU E/Conf. 82/15.
[2] Ibid., art. 3 §2.