Le Manitoba aurait des règles «cruelles» sur la culture personnelle du cannabis

Publié le samedi 15 septembre 2018 à 22 h 02

Des experts contestent la pertinence des amendes salées imposées par le Manitoba pour certaines pratiques liées à la culture du cannabis à domicile, allant jusqu'à croire qu'elles pourraient défier la constitution.

Alors que la province prévoit des amendes allant jusqu’à 2542 $ pour quiconque fait pousser de la marijuana à la maison, en fournir à une personne mineure ou en vendre sans permis, certains pensent que la province se trompe de cible.

C’est notamment le cas de David Clement, le responsable des dossiers nord-américains au Consumer Choice Center, qui qualifie les règles adoptées par le gouvernement manitobain « d’incroyablement cruelles et excessivement punitives ».

Ceux qui s’adonnent à cette culture «ne font de mal à personne, sauf peut-être à eux-mêmes, mais, de toute façon, le cannabis sera légal», s’exclame-t-il.

Défi constitutionnel

L’interdiction de la culture à domicile par la province est en porte-à-faux avec la loi fédérale qui, elle, permet à tout citoyen de faire pousser jusqu’à quatre plants à la maison.

Pour la directrice de la Campagne pour l’amnistie du cannabis, Annamaria Enenajor, la province s’engage sur une pente glissante.

L’avocate torontoise spécialisée en droit criminel et constitutionnel s’en prend elle aussi aux amendes « extrêmement sévères » imposées par Winnipeg.

Selon la constitution, les provinces n’ont pas le droit de légiférer en matière d’infractions criminelles, mais elles peuvent adopter des règlements, précise-t-elle.

«L’enjeu est donc de déterminer si le Manitoba tente de faire quelque chose qui n’est pas permis par la constitution, à savoir d’adopter une loi criminelle», explique Mme Enenajor.

Dans le cas des amendes manitobaines, l’avocate se demande s’il s’agit «seulement d’une amende ou [si] la nature punitive de la sanction fait de l’infraction une offense criminelle».

Suivre les recommandations des chefs de police

Dans un courriel envoyé à CBC, un porte-parole du gouvernement provincial souligne que celui-ci s’appuie sur la position de l’Association canadienne des chefs de police pour interdire la production de cannabis à domicile.

En février 2017,l’association comparait la production de cannabis à celle de spiritueux.

Le gouvernement se défend en indiquant que les amendes prévues pour la culture du cannabis sont les mêmes que pour la production d’alcool.

Le gouvernement, ajoute le porte-parole, croit que les règles inciteront les Manitobains « à suivre la loi ».

Marché noir et discrimination

Annamaria Enenajor croit cependant que la coercition imposée par le gouvernement pourrait entraîner le développement du marché noir.

D’autres, comme la professeure adjointe en santé communautaire de l’Université de Calgary Rebecca Haines-Saah, pensent que la politisation de la marijuana pourrait accentuer la stigmatisation de certaines communautés.

«Les données policières des grandes villes canadiennes nous apprennent que les gens les plus vulnérables, plus particulièrement les jeunes hommes noirs ou autochtones sont accusés plus souvent de possession de drogue», soutient-elle.

«On sait que les policiers ne tournent pas [aussi] souvent autour des gens plus fortunés», ajoute-t-elle.

Principales amendes liées au cannabis au Manitoba

672 $ pour avoir fumé du cannabis dans un parc ou un camping provincial
672 $ pour posséder du cannabis si l’on est âgé de moins de 19 ans
2542 $ pour avoir fait pousser de la marijuana à la maison
2542 $ pour avoir fourni du cannabis à une personne mineure
2542 $ pour avoir vendu de la marijuana sans permis

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